31 Mar

Finances de l’ex-région Poitou-Charentes : trois anciens vice-présidents publient une lettre pour « rétablir la vérité »

Yves Debien, Maryline Simoné et Georges Stupar, tous anciens vice-présidents de la région Poitou-charentes, ont publié, ce mercredi 30 mars, un long argumentaire pour en finir avec « la polémique disproportionnée » sur les finances de l’ex-Poitou-Charentes. Ils répondent point par point aux informations publiées ces dernières semaines, et notamment à notre enquête, mais sans jamais citer Ségolène Royal ou Jean-François Macaire. Dans un souci d’impartialité et d’information, nous publions l’intégralité de ce document.

« Stop à la campagne de démolition. Retrouver le sens de l’intérêt général. Rétablir la vérité
En réponse aux mises en cause répétées parues dans la presse qui portent injustement atteinte à la réputation de la Région et à ses entreprises, il convient de rappeler que :
– Il y a eu régulièrement des rapports de la Chambre régionale des comptes ;
– Un nouvel examen par la Chambre régionale des comptes est en cours pour les régions Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes.
On ne peut donc que s’étonner que la nouvelle région ait recours à un cabinet privé à titre onéreux. Le rôle des élus est de servir l’intérêt général pour l’activité et pour l’emploi, à l’écart de tout règlement de comptes de nature diffamatoire. Car à dénigrer une région, on remet en cause ses habitants, ses entreprises, ses forces vives. Les délibérations et décisions préparées par les élus dans les commissions étaient rendues publiques sur internet, faisant l’objet de débats en séance publique, y compris pour les commissions permanentes qui associaient tous les élus régionaux, majorité et opposition.Travailler à budget constant et sans augmenter les impôts, cela requiert de la rigueur et une forte implication des élus de tous bords et des agents de la région qui se retrouvent aujourd’hui mis en cause brutalement et injustement. Cette campagne de démolition doit cesser. Il ne faudrait pas que des mises en cause servent de prétexte à supprimer des politiques régionales ou à augmenter les impôts. Notons d’ailleurs que les fédérations régionales n’ont pas fait état de difficultés particulières de paiement liées à des retards de versements de la Région qui auraient concerné les entreprises. Au contraire, plusieurs s’inquiètent de la remise en cause d’actions régionales efficaces et créatives.

Les « impayés » du début d’année 2016

La presse s’est fait l’écho de factures « impayées » de la Région Poitou-Charentes, avec une estimation de 132 millions d’euros. Ce chiffre est dénué de sens. Il recouvre des accusations différentes. Sur les factures « impayées » : Il faut rappeler que, du fait de la fusion, les paiements de la Région Poitou-Charentes ont été interrompus au début du mois de décembre 2015, comme dans toutes les régions fusionnées, pour clôturer les comptes et les fusionner. Dans le processus de fusion, la Région Aquitaine a imposé son logiciel de gestion financière pour le budget unique à partir du 1er janvier 2016 avec pour conséquences un délai de deux mois pour reprendre les paiements fin février 2016 :
un retard de paiement dû au changement de logiciel, puisqu’il a fallu basculer, fin 2015, toutes les opérations de la Région Poitou-Charentes en cours dans ce nouvel outil informatique ;                                   – une reprise difficile sur ce nouvel outil financier de l’Aquitaine qui n’a pas pu fonctionner avant la fin février, soit 8 semaines de retard, pour les factures en attente, qui ont depuis été réglées ;
– la Région Aquitaine n’avait que partiellement dématérialisé ses pièces comptables, alors que la Région Poitou-Charentes avait mis en place cette dématérialisation/simplification complète depuis fin 2014, ce qui a entraîné des complexités supplémentaires.

S’agissant des « engagements non payés » : lorsque l’assemblée régionale vote une dépense (subvention, par exemple), cet engagement peut parfois mettre plusieurs années à être payé, non pas du fait de la Région, mais de celui du bénéficiaire qui doit produire les justificatifs nécessaires au paiement (certificat de fin de travaux pour des investissements, par exemple), afin de bien contrôler la dépense. Ajouter toutes les créances de la Région et les qualifier de dépenses «impayées» revient à cumuler des charges qui ne sont pas de même nature, dans une vision simplificatrice. De plus, la Région Poitou-Charentes pratique, depuis 2004, une gestion budgétaire pluriannuelle, afin de sécuriser les entreprises. Cela explique qu’une partie des paiements basculent de fait d’une année sur l’autre, sans que cela constitue ni une anomalie, ni a fortiori une « dérive ». Les reproches sur les comptes administratifs n’ont aucun sens : il est rappelé que les derniers comptes administratifs approuvés par le conseil régional portaient sur l’exercice 2014 et ne pouvaient par conséquent pas retracer des opérations comptables relatives à la fin de l’exercice 2015. Il n’est pas inutile de rappeler que quasiment toutes les actions de la Région ont été votées par l’opposition et vues par le CESER. La Région Poitou-Charentes a fonctionné en toute transparence, avec accès de tous à tous les documents.

Les emprunts de la Région Poitou-Charentes

Dans la presse régionale, il a été indiqué que la Région Poitou-Charentes a souscrit des emprunts structurés et que ces emprunts « peuvent exploser et devenir des emprunts toxiques ». La lettre envoyée à tous les salariés de la Région reprend ces attaques. Cet argument contre la dette de la Région est grave car il porte atteinte à la réputation d’un territoire et fait courir des risques sur l’emploi :
– Les emprunts ont été souscrits dans le cadre autorisé pour les collectivités ; une charte de conseil a été établie par l’administration (charte « Gissler ») sans interdire le recours à ces instruments ;
– Aucun emprunt n’a été souscrit en devises étrangères ;
– Le taux moyen d’intérêt de ces emprunts a permis un financement à coût faible de la dette pour la région (2,47 % payé en 2015) ;
– Ces emprunts supposent un suivi régulier et des ajustements, ce qui a été fait par les services de la Région (la décision d’écarter le directeur des finances de la Région Poitou-Charentes, faite pour frapper les esprits et pour déstabiliser, ne va pas faciliter ce suivi, ce qui pourra se révéler plus coûteux pour la nouvelle région).

Plus généralement, on peut relever que le niveau d’endettement de la région (213 euros/habitant) est l’un des plus faibles parmi les régions (la moyenne de l’endettement des régions est de 301 euros / habitant).

S’agissant des emprunts auprès de la Caisse des dépôts et de la BEI :
– La situation financière de la Région Poitou-Charentes a permis la signature d’une convention ouvrant un droit de tirage de 200 millions d’euros par la Caisse des dépôts pour les années 2013-2015 ;
– Sur cette enveloppe, 13 millions € ont été mobilisés au taux de 1,81 % sur 40 ans pour les travaux dans les bâtiments de la Région (ce qui correspond à la durée d’amortissement) ;
– de même, la Banque européenne d’investissement a signé un contrat de financement 2013-2018 pour les lycées de Poitou-Charentes avec une enveloppe de 185 millions d’euros : trois prêts ont été souscrits pour 94 millions d’euros avec des taux variant entre 0,84 et 1,78 % sur 25 ans.

Ces emprunts souscrits auprès de la Caisse des dépôts et de la BEI montrent que la gestion régionale était de qualité.

Le crédit-bail pour financer les TER : outil de gestion et non de dette

La Région Poitou-Charentes a fait le choix de financer sur 30 ans, par créditbail, l’achat de rames pour les TER. Cette décision était fondée sur :
– le constat qu’il fallait remettre à niveau le parc des trains, très anciens en Poitou-Charentes ; l’ensemble du parc a ainsi pu être rénové avec 100 % de matériels neufs, le transport public étant très important dans une région ;
– ces matériels neufs ont contribué au renouveau du TER, avec un trafic voyageur qui a plus que doublé de 2004 à 2015 (à comparer à + 55 % au niveau national) et une augmentation des ressources affectées au financement du service des TER ;
– le choix du crédit-bail a été fait compte tenu du mode de gestion du service TER qui fait que les trains acquis par la Région en crédit-bail deviennent sa propriété et que les trains ont une durée de vie plus longue que la durée du crédit-bail, alors que les trains que la Région auraient « achetés » en direct en 2007 et 2011 seraient propriété de la SNCF, du fait des dispositions législatives relatives au monopole de la SNCF ;
– le crédit-bail a donc pour avantage la propriété des trains et ne peut être regardé comme une dette s’additionnant à l’endettement ;
– comparer le coût d’acquisition au coût du crédit-bail ne prend pas en compte le coût du financement par emprunt de cette subvention d’investissement à la SNCF (aux conditions de 2007 et 2011, sur la même durée, à un peu plus de 3 % par an).

Le crédit-bail a été utilisé par d’autres régions. Le Vice-Président chargé des finances était alors Jean-François Fountaine, dont les compétences et les qualités de gestionnaire et de chef d’entreprise sont reconnues et ne peuvent être mises en cause.

Les garanties accordées par la Région

L’octroi de garanties permet à la Région d’avoir une politique de soutien aux PME, en s’appuyant sur le financement normal des entreprises qui est le financement bancaire. Les banques rechignent à prêter aux entreprises qui innovent, qui investissent sur de nouveaux marchés ou qui se créent. Du fait de la crise financière de 2008, les banques, malgré l’important soutien des pouvoirs publics, ont durci leurs conditions pour accorder des prêts. Les 93 millions de garantie portent sur des prêts souscrits par 125 PME (soit un encours moyen de 740 000 euros). Cela n’a pas de sens de les intégrer dans la dette. La garantie des prêts est donc un système économe des deniers publics. La Région a utilisé une faible part de sa capacité de garantie qui est encadrée par la loi. La vérité, c’est que ce sont les choix de financement de la Région qui dérangent : un budget stable pendant dix ans, sans hausse d’impôt et sans TIPP.

La Région Poitou-Charentes a fait le choix :
– de stabiliser son budget : il n’a pas augmenté de 2008 (après l’impact des transferts de compétences) jusqu’en 2013 et a même diminué en 2014 et 2015 ;
– la dette a été stabilisée ;
– les impôts n’ont pas été augmentés ;
– les taxes sur le carburant n’ont pas été prélevées pendant 9 ans par la Région : au total ce sont plus de 360 millions d’euros qui ont été économisés par les contribuables de Poitou-Charentes ;
– cela a été rendu possible par une gestion rigoureuse des dépenses, un redéploiement pour toute nouvelle action, le respect des compétences relevant de l’Etat (comme la ligne à grande vitesse ou les routes nationales) et la reprise des trésoreries existantes (20 millions d’euros grâce à l’optimisation des réserves des lycées, par exemple).

On peut noter à l’inverse que l’exécutif de la Région Aquitaine a choisi de prélever la TIPP (devenue TIPCE), ce qui est parfaitement son droit :
– depuis 2007 au titre de la modulation régionale de TIPP, avec un rendement moyen de 35 millions d’euros par an, soit un prélèvement sur les contribuables aquitains de 320 millions d’euros ;
– depuis 2011 au titre de l’augmentation supplémentaire de TIPP, avec un prélèvement de 35 millions d’euros par an, soit 175 millions d’euros.

Au total, cela représente un prélèvement fiscal supplémentaire de 500 millions d’euros, un demi-milliard d’euros, depuis 2007 en région Aquitaine, ce qui relève de la libre administration territoriale ».