19 Fév

LGV Limoges-Poitiers : le prix des chères études

©PHILIPPE NOMINE/MAXPPP

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Si le projet de ligne unique à grande vitesse entre Limoges et Poitiers, un projet de 1,6 à 2 milliards d’euros pour 115 kilomètres, ne dispose, à ce jour, d’aucun financement pour sa construction, il a déjà coûté cher notamment en études aux finances publiques, puisque l’on peut estimer à 125 millions d’euros, la totalité des sommes déjà engagées ou programmées, dont une bonne part assumée par les collectivités locales pourtant à la recherche de la moindre économie.

Depuis 2007, deux phases de financement se sont succédé.

De la fin du débat public (mars 2007) à l’obtention de la Déclaration d’Utilité Publique (décret du 10 janvier 2015), 30 millions d’euros d’études, nécessaires à l’élaboration du dossier soumis à enquête publique, ont été réalisés par SNCF Réseau et financés dans le cadre d’une convention signée entre les partenaires en décembre 2007, avec les participations suivantes : collectivités du Limousin 4,25 M€ (Région, Départements Haute-Vienne et Corrèze, Limoges Métropole, Ville de Limoges, Agglomération de Brive), collectivités du Poitou-Charentes 1,75 M€Etat 10 M€, SNCF Réseau 10 M€, et Europe, au titre du FEDER, 4 M€. Tous ces engagements financiers ont été honorés.

En 2015, deux nouvelles conventions de financement des études post-DUP ont été signées entre les partenaires pour un montant global de 42 millions d’euros d’études, à mener sur 2 ans et demi. Elles comprennent notamment les études APD (Avant Projet Définitif, 1ère phase), les premières acquisitions foncières, les études d’aménagement foncier, des relevés topographiques, des sondages géotechniques, et des inventaires patrimoniaux. La somme est répartie de la façon suivante, à part égale : 21 M€ pour l’Etat (18,9 M€ dans le cadre du contrat de plan Etat-Région 2015/2020) et SNCF réseau, et 21 M€ pour les collectivités du Limousin.

Un refus de l’Europe qui coûte cher

Il faut souligner la conséquence du refus de la commission européenne d’inscrire cette ligne dans le MIE, le Mécanisme pour l’Interconnexion en Europe, annoncé en juin 2015. En octobre 2014, le Conseil Régional avait estimé à 20 millions d’euros, la part versée par l’Europe, soit près de la moitié du financement de cette phase d’études. Le refus de la commission européenne a obligé les autres financeurs à compenser. L’Etat a augmenté sa participation de 10 M€, la Région a versé 5 millions d’euros supplémentaires, et les autres collectivités locales (Département Haute-Vienne, ville de Limoges et Communauté d’agglomération Limoges Métropole) ont apporté 5 millions d’euros de plus également. Ces nouveaux montants figurent déjà dans le CPER signé le 28 mai 2015, en présence de François Hollande, alors que l’Europe n’a officialisé sa décision qu’un mois plus tard. Le chef de l’Etat, ce jour là, voulait pourtant croire encore au financement européen.

Mais, la facture des études est loin d’être bouclée. Dans, la mesure où la convention de financement prévoit que le montant total des études du projet LGV Limoges Poitiers représente environ 150 millions d’euros (rapport du Conseil régional du 14 octobre 2014), il reste donc encore environ 80 millions d’euros d’études à financer avant d’envisager le moindre coup de pelle.

Et, il ne faut pas oublier d’ajouter la contribution du Limousin au financement de la SEA (la LGV Tours-Bordeaux) fixé à 52 millions d’euros. A ce jour, 13 M€ auraient déjà été payés, mais la ligne étant à un peu plus d’un an de sa mise en service, le reste va devoir être versé rapidement.

Une facture de 200 millions

Le total de ces sommes représente près de 200 millions d’euros dont 125 millions d’euros sont déjà engagés,. Pourtant, le projet ne verra peut être jamais le jour, pour plusieurs raisons. D’abord, plusieurs recours en annulation ont été déposés contre la DUP auprès du Conseil d’Etat, et rien aujourd’hui ne permet d’affirmer qu’ils ne seront pas retenus dans quelques mois. Ensuite, même avec une DUP confirmée, la construction de la ligne n’est pas garantie. L’exemple de l’autoroute A831 Fontenay-le-Comte/Rochefort, déclarée d’utilité publique en juillet 2005 et abandonnée dix ans plus tard, par Ségolène Royal, Ministre de l’Ecologie, est assez éloquent. Enfin, la DUP n’est valable que 10 ans, soit jusqu’en janvier 2025. Il faut impérativement avoir commencé les travaux avant cette date, et pour cela il faut avoir bouclé le plan de financement et choisi le constructeur, deux éléments essentiels qui sont au point mort. Même si les élus limousins favorables au projet affirment que le calendrier est respecté, chaque jour qui passe est un jour de perdu.

Jusqu’à présent, l’opinion publique a soutenu les défenseurs de la grande vitesse, mais sans peut être vraiment mesurer les enjeux financiers réels du projet, dans une époque où la dépense publique est plus contrainte que jamais. L’argent investi ici ne servira pas à d’autres causes. Si la ligne est construite un jour, pour une mise en service à l’horizon 2030 dans le meilleur des cas, ceux qui en seront responsables mériteront leur place au Panthéon du Limousin, mais dans le cas contraire, qui sera comptable du gaspillage financier ?

Fabrice Bidault avec Louis Roussel, journaliste à France 3 Limousin