27 Oct

L’appel

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 » Tu viens avec moi petit?

– Mais où ?

– Te donner la vocation pardi! »

J’ai onze ans, je passe un week-end chez mon » meilleur » ami, comme on dit lorsque l’on est bambin. Son papa est médecin de campagne, un vrai!

Il a un pantalon en velours marron, une veste en tweed et un pull-over à col roulé. Je saute dans sa vieille deux chevaux Citroën à coté de celui qui va devenir mon guide, mon dieu, mon Hippocrate à moi!

Les petites routes sinueuses du Gers, les champs de tournesols, les prairies à perte de vue, les coups de klaxon pour saluer le paysan devant sa meule et la vieille dame en noir partant au village, sûrement à la messe dominicale : je suis aux anges!

Mon copain a préféré rester chez lui car, voyant son papa travailler si dur, il a acquis une certitude : il ne sera jamais médecin!

L’honneur d’être seul avec le docteur du village me comble de joie. Il prend un petit chemin de terre bordé d’hortensias, la vielle voiture saute de trou en trou dans un nuage de poussière pour arriver devant cette vieille ferme aux volets bleus « Lescoure ».

Je n’ose pas descendre, ce qui a le don d’énerver notre toubib!

« Tu veux que je te porte petit, ou tu descends tout seul ? Allez, dépêche toi… vite !!

– Oui, oui j’arrive.

L’odeur de cette maison est encore dans ma mémoire : les restes du feu de cheminée de la veille se mélangent avec harmonie à celle de la garbure qui chauffe dans la cuisine.

« Alors, elle est où, cette Adrienne?

Le vieux paysan a gardé son chapeau et sa salopette bleue. Il nous indique la chambre du fond. Je me sens timide, mais tellement excité de voir ma première malade!

 » Allez, prends mon cartable petit pendant que je me lave les mains. »

J’accomplis ce jour-là mon premier  devoir d’apprenti médecin !

Il rentre dans cette chambre où le plancher sentant encore la vieille cire semble crépiter à chaque pas de mon premier maître.

 » Alors, mon Adrienne, toujours cette mauvaise toux? »

La pauvre malade prend sa main et le regarde fixement pendant un long moment. D’une voix faible, elle lui chuchote :

 » Mon cher docteur, cette fois-ci c’est la fin. Vous avez tout fait, vous êtes un bon thérapeute et surtout un grand humaniste mais là, seul un miracle peut me sauver. »

Mon maître semble alors très perturbé. ll se baisse, s’assoit sur le rebord du lit, lui fait un baiser sur le front en lui disant à voix basse :

 » Vous êtes formidable de courage mon Adrienne, je serai toujours là pour vous. »

A ce moment précis, ce dimanche matin du printemps 1968, à 11h05,  j’ai reçu un appel d’une telle force que j’ai su alors que rien ne pourrait m’ empêcher d’atteindre mon but!

Je serai Médecin !!!!!