07 Sep

Autocombustion

feu

La Mérule pleureuse est un champignon qui détruit les murs des maisons sans que l’on s’en rende compte. Un jour, vous vous réveillez et la maison est détruite.

Dans la vie, il en est de même avec l’épuisement professionnel : le burn-out. Nous brulons de l’intérieur. Beaucoup de métiers y sont exposés. Je pensais que le mien était épargné, en fait pas du tout, bien au contraire. Cela n’arrive pas qu’aux autres …

Ce soir je vais à un enseignement post universitaire. Souvent il s’agit, soyons honnête, plus d’un bon repas par un chef étoilé de Bordeaux que des nouveautés en matière de de médecine .

Je viens ce soir car le conférencier est un maître, un grand professeur : Fabrice. Le scénario est toujours identique, nous arrivons souvent en retard, un par un. Certains car ils ont beaucoup de travail, d’autres pour faire croire qu’ils en ont!!

Il fait beau. Des petits canapés sont servis avec des bulles délicates et j’avoue que je me sens bien, fatigué mais bien.

Fabrice doit faire son exposé avant le repas. Je m’inquiète de ne pas être très concentré car le frugal repas de midi est bien loin. Comme à l’école on nous distribue un test : test de Freudenberger. Il faut répondre à des questions simples du style : Etes- vous plus fatigué qu’énergique ? Perdez- vous de l’intérêt pour les plaisirs de la vie?  Voyez-vous moins vos amis ? etc,etc.. Chaque question est appréciée entre 0 et 5. Je fais ce test sérieusement et je réponds avec sincérité. On ramasse les copies et Fabrice corrige.

Il nous donne les barèmes : bien, surmené, risque de burn-out, burn-out (55), risque de suicide (65). Je suis loin de penser que mon score est de 62 !

Fabrice s’approche de moi, et me dis à voix basse: il va falloir venir me voir mon grand !!

Je passais une bonne soirée, c’est terminé : je suis en danger !

C’est vrai que je donne tout à mon travail. Les  journées commencent tôt (6h20) et finissent tard (20h). J’aime tellement ce que je fais que je ne me rends pas compte. Je n’ai pas une seconde à moi, je cours, je suis au téléphone toutes les minutes, j’essaie d’être un bon père, un bon mari, un bon ami, un bon médecin.  Je mélange tout cela avec une énergie sans nom, mais j’oublie souvent la phrase d’Aragon: « le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard ».

Je n’apprécie pas du tout ce repas de chef étoilé (repas low coast, budget laboratoire en baisse) et je rentre chez moi un peu inquiet mais rassuré qu’enfin certaines personnes comprennent ma fatigue !

Le lendemain, dès 8h, Fabrice m’appelle. Il me donne rendez vous le jour même. Je suis content d’être un malade comme les autres et d’aller dans une salle d’attente…

Je regarde ces gens qui sont là, assis calmement attendant leur tour, lisant Gala ou Match des années 70. Moi,  je suis à côté d’eux, et pourtant la tête ailleurs : je continue à travailler, à gérer tous mes malades .

– à un : prends du spiefen.

– à l’autre : viens me voir demain.

– à un autre : je passe vendredi.

– et encore : je te promets que j’irai à ton opération.

– puis, oui je t’aime mon Chéri.

– t’inquiètes pas, une banane en philo,  j’en ai eu. (mon fils)

– ne le gronde pas, il était fatigué. (sa mère)

– oui trois par jour, des spiefens pas plus.

– l’expertise ? j’y serai ! samedi ? bien sur.

– allo, oui bonjour, mon coiffeur adoré, quoi… je t’ai oublié ? désolé, je passe demain.

– oui, Chérie, je rentre tard, je suis plein de monde, ok je prends le pain.

– oui, c’est la même chose le stilnox et le zolpidem.

Etc, etc…

Et allo, allo je me noie même dans cette salle d’attente, je ne décroche pas

– « non pas du doliprane, j’ai dit spiefen pas plus de trois par jour ».

« Antoine, tu viens ? » Fabrice blouse blanche m’accueille. »Le traitement commence, donne moi ton portable !

– Mais, s’il y a une urgence ? et mes fils ? et mes amis ?

– Donne moi ce portable ! »

Je commence ma guérison mais j’ai presque un sentiment de malaise vagal.

Ce jour-là, Fabrice a sûrement prolongé ma vie de 50 ans. Il m’a fait comprendre que l’épuisement psychologique est un manque d’organisation, que les portables ou autres écrans sont des virus responsables, qu’il y a des priorités dans la vie, que je ne peux pas sauver le monde entier et surtout que pour être un bon médecin, il faut avant tout en avoir un à soi .

La mérule pleureuse, ce champignon qui détruit tout, ne me détruira pas !!!

06 Sep

L’hiver de leurs vies

hortensias

 

Un jour, un ami de mon père lui apprend qu’il a la maladie d’Alzheimer. Mon père, inquiet, lui demande s’il n’est pas trop inquiet de l’évolution. Il lui répond:

« Non, car j’ai un nouveau traitement excellent.

– Comment s’appelle t-il?

– Euh, je ne me rappelle pas, mais ça va me revenir. Comment s’appelle l’empereur des français qui a perdu à Waterloo ?

– (surpris) Napoléon ?

– Oui !! il est mort ou vivant ?

– (très surpris) Mort !

– Où ?

– A Sainte-Hélène.

–  C’est ça ! Et il se met à crier : « Hélène, comment il s’appelle mon nouveau médicament ?»

Je travaille depuis longtemps dans une maison de retraite où il y a une unité Alzheimer.

Quand on rentre dans un tel endroit le spectacle associe toutes les palettes des émotions de la vie.

Ils sont tous au petit déjeuner. Les aides sont là, patientes, attentionnées, à l’écoute.

Certains sont à table, le bol de café devant eux, essayant de rattraper le morceau de pain qui est tombé dedans. D’autres déambulent en couches culottes en riant aux éclats. Certains sont allongés à même le sol finissant cette nuit trop courte qu’ils ont passée dans le lit du voisin. Marguerite (92 ans) est là, devant la fenêtre, attendant que sa maman vienne la chercher et murmure à voix basse: « Maman, je ne veux pas rester, je t’en supplie !»

Soudain, un cri de l’infirmier Gilou : «Robert, attention, ne montez pas sur la table, attention !» Dans un fracas énorme, Robert tombe par terre renversant tous les bols et le café au lait.

La salle à manger, si calme il y a si peu de temps, se transforme en champ de bataille. Ils se lèvent tous, certains pleurent, d’autres veulent aider ce pauvre Robert qui saigne. Il a l’arcade ouverte !

Jeannot, l’ancien brancardier, reprend du service et tente de le relever. Il tombe à son tour. Tout n’est que bazar, sang et café au lait !

Recoudre Robert n’est pas une tâche aisée. Il bouge sans arrêt et, bien que Marguerite lui tienne la main, il a peur et pleure.

La visite du matin dans les chambres, pour ceux qui ne se lèvent plus, est un spectacle de la vie. Nous avons l’impression d’être à l’hôpital des enfants, en service des moins de deux ans.

La chambre est mal rangée, l’odeur de la nuit se mélange à celle des fuites. Les protections sont à même le sol et parfois, surprise,  on retrouve deux personnes dans le même lit. Lucie dort dans la chambre 24 depuis deux mois. Raymond, en pleine nuit, vient dans son lit. L’un et l’autre ne savent pas leur nom, leur âge mais ils retrouvent les automatismes amoureux de la tendresse. Ils sont nus, serrés ensemble  avec un sourire de plénitude et de bonheur.

Quand je pénètre dans la chambre de Monsieur le député Pierre Louis, je regarde sur le mur les photos qui décorent la chambre. Sa remise de légion d’honneur par Georges Pompidou, sa voiture de député avec son chauffeur, ses petits enfants jouant avec l’écharpe tricolore. Mais Monsieur le député aujourd’hui répète sans cesse :

« Fusil, canon, bazooka !»

L’infirmière qui m’accompagne essaie de le calmer et constatant que le lit est inondé, le sermone comme un enfant :

« Monsieur le député au lieu de crier fusil, canon, bazooka, vous auriez dû m’appeler. Je vous aurais passé le pistolet.

– Voilà, c’est ça, c’est Pistolet que je voulais dire!!!! »

Christiane est veuve depuis longtemps. Elle n’a pas toute sa tête mais a de rares moments de lucidité. Philippe, son voisin de table, est un ancien médecin. Depuis trois mois il courtise Madame. Son éducation perdure malgré son absence totale de conscience. C’est surprenant de voir que l’on peut  oublier son nom, ses enfants mais que l’on continue à faire le baise-main et à tirer la chaise pour aider sa voisine. Christiane, elle non plus, n’imprime pas tout très bien mais reste sensible à ses attentions. Elle se remaquille, met son rouge à lèvres (qui déborde certes car ses yeux ont le même âge qu’elle). Un matin, je les trouve dans le même lit. L’infirmière de nuit veut me parler et m’incite à sortir de la chambre.

« Docteur, je les ai surpris en train de faire l’amour cette nuit ! »

Elle est choquée, pas moi ! Je trouve ça beau et surtout je me dis égoïstement qu’il me reste de bons moments à vivre !

En fait, avec Alzheimer : on mange, on dort, on tombe amoureux, on s’occupe de nous et on ne se préoccupe plus de l’augmentation des impôts.

Les après-midi, à la maison de retraite, on organise des ateliers :

Musique, par exemple ! On essaie de faire trouver le chanteur ou la chanteuse. Moi, je suis sûr que je gagnerai quand je serai vieux si on me passe Luis Mariano et sa Belle de Cadix .

Peinture ! Ils font des ronds, des carrés dignes de la maternelle. Ils s’appliquent, mettent des couleurs dans tous les sens. Un jour Louise, petite mamie toujours triste, complètement déconnectée de la vraie vie, n’ayant plus de famille, ne pouvant dire d’où elle vient, là où elle est et là où elle ira, est assise devant sa feuille de papier Canson. Alors que ses voisins de table font des bébés têtards violets ou rouges, elle prend son pinceau, le trempe délicatement dans son petit gobelet et commence à peindre. Quand je repasse une heure plus tard,  Louise est repartie dans sa chambre avec son aquarelle. Elle l’a mise sur sa table de nuit. Cela représente une vieille maison de campagne avec une belle pelouse et des hortensias bleus et roses (j’adore les hortensias). L’aquarelle est magnifique !

« C’est elle qui l’a faite !» me précise l’infirmière. On n’en revient pas!

Louise a tout oublié de sa vie sauf que sa vie c’était la peinture : Louise était artiste peintre !

 

 

 

 

 

04 Sep

De l’autre côté du drap

rockwell

J’ai beau avoir été formé par des années d’hôpital, j’ai beau adorer mes malades, j’essaie de faire preuve de compréhension et de psychologie et pourtant !!

Il a fallu qu’un sacré plancher s’effondre et que mon genou se retrouve derrière mon cou  au bout d’une chute de 2 mètres 60 pour me rentre compte que le métier de malade est beaucoup plus difficile que celui de docteur …

6h45 Rendez vous pour mon irm. J’ai un rendez-vous depuis 15 jours et je suis heureux de ne pas avoir attendu plus longtemps. La radio est au deuxième étage et… l’ascenseur est en panne!! Une jambe foutue, une attelle qui la rend  raide, deux béquilles, un dossier médical sous le bras, un manteau, une écharpe, (il fait 35° vu le chauffage) et un escalier fraichement lavé par une femme de ménage qui me jette un coup agressif et exaspéré car je peux salir. Voilà les travaux d’Hercule (au genou d’argile) qui commencent !

17 minutes après, et 68 marches plus haut, mon manteau et mon écharpe dans cette atmosphère surchauffée provoquent en moi ce que j’appellerais une sudation nauséabonde : je pue!

 » Vous avez la carte vitale ? (ni bonjour, ni ….rien )

– Non,  je l’ai oublié dans ma voiture.

– Allez la chercher sinon impossible de faire l’irm !

– Mais…

– Patient suivant svp.

– Je reviens …. madame.

L’ascenseur est en panne et  la jambe cassée (j’ai toujours aussi chaud, j’ai l’impression que mon odeur de transpiration envahit l’hôpital)

Après un grand effort pour garder mon calme, je négocie mon sésame pour passer dans la cabine .

 » Déshabillez vous complètement et attendezzzz.

La pièce est chauffée à 47°, je ne suis que sueur, odeur et décomposition.

 » Allongez vous dans la machine.

– Mais c’est trop haut !

– Et puis quoi, vous ne voulez pas un escalator ! On est pas aux Galeries Lafayette !

6h 37 je rentre dans le tunnel, j’ai chaud, je transpire, j’ai peur, je suis dans un cercueil, maman je vais mourir!!

Petite notice plastifiée à la main : l’examen durera 25 minutes, il y aura du bruit et si vous avez un malaise appuyez sur cette poire.

 » Un malaise ?

– Oui perte de connaissance, crise d’angoisse, malaise vagal, attention ne bougez pas, ça va commencer !

25 minutes sur une planche de 40 cm sans bouger, la jambe toujours aussi raide, c’est Fort Boyard, il manque «Passe-Partout»…

Il arrive.. un petit bonhomme avec un gros badge marqué interne :

 » C’est fini, c’est pas brillant monsieur, tout est cassé !

– Mais quoi, cassé ?

– Attendez le compte rendu, vous verrez avec le radiologue .

Je passe sur la suite immédiate car la gentillesse de mes confrères m’a permis des passe-droits dont j’ai un peu honte mais qui m’ont fait oublier ce premier contact avec la maladie !

Il fait toujours aussi froid dehors en ce mois de décembre, et toujours aussi chaud dans cet hôpital quand je rentre la veille de mon opération.

J’ai retrouvé ma carte vitale, ouf,  je ne vais pas me faire gronder mais … elle ne marche pas !

 » Alors laissez nous passeport ou carte d’identité. »

Avec un peu d’humour pour cacher mon stress :

 » Vous pourrez me rattraper facilement vu que demain j’ai une prothèse totale. » (elle n’a pas compris mon humour !)

Quand je rentre dans cette chambre vieillie, il fait un froid de loup ce que me confirme l’infirmière (type sergent Garcia aux jambes aussi poilues que grosses)

 » Le chauffage est en panne on va vous mettre un convecteur. Vous devez signer ces papiers. »

Je résume : je peux mourir, je ne porterai pas plainte ; je peux  choper une bactérie, je serai le seul responsable et si je meurs je dois donner le nom de la personne qui aura la chance énorme de recevoir un coup de téléphone pour être prévenue la première !!

 » Pour manger ?  »

J’ose demander au sergent (qui n’est d’ailleurs pas poilue que sur les jambes car j’aperçois, grâce à la lune de décembre, un petit duvet sous labial me rappelant celui de mon fils le jour de ses 14 ans)

 » Soupe poireaux-pommes de terre et compote !

Et moi toujours gentil car mort de peur :

 » Super, j’adore ça ! »

Le réveil le matin après une nuit blanche est violent !

« Il faut vous raser et pas que la jambe ! On vient vous chercher dans une heure. C’est bien la jambe droite ? »

– Oui.

– Alors vous ferez un rond dessus. » (il me manquerait plus que ça qu’il se trompe de jambe !)

Les couloirs sont bizarres quand on est sur le chariot que le brancardier, à la boucle d’oreille très joueur de foot, pousse à vive allure et surtout que la prémédication d’Imnovel me rappelant ma première cuite n’a eu qu’un seul effet : commencer le compte à rebours vers ma future mort ! J’ai peur de ne pas me réveiller !

Pour me rassurer, l’anesthésiste est là dans le bloc. Il est énervé ! Le chirurgien vient d’appeler  pour dire qu’il serait en retard car il a amené ses enfants à l’école!

Je me réveille : un cauchemar ! J’ai mal, je ne sais pas où je suis, j’aperçois des images bleues qui s’agitent en hurlant:  » Ouvrez les yeux, ne bougez pas… il a la tension dans les chaussettes, oxygène, vite oxygène ! »

Je remonte semi comateux et ma chambre n’est pas froide, c’est le pôle nord !

J’ai mal, j’ai froid, j’ai soif mais je suis rassuré : je me suis réveillé !

Le lendemain matin, alors que je viens de trouver le sommeil depuis un quart d’heure on me réveille pour me prendre la température.

 » Je peux boire un peu d’eau ?

– Il faudra voir avec l’infirmière, elle passe dans une heure. »

La première journée se décompose entre sommeil court, piqure de morphine, vomissement et…. envie d’aller aux toilettes.

Je sonne ! La petite lumière rouge clignote et s’accompagne d’un petit bruit strident continue.

42 minutes après,  une aide soignante rentre, coupe la sonnette et aimablement avec un petit accent portugais :

 » Ché pourquoi, Missieu ?

– J’ai besoin du bassin.  » (je ne peux pas bouger,  j’ai la jambe en compote,  elle fait 35 kg et moi 82!

Après un effort démesuré,  j’arrive à poser mon postérieur sur un truc en plastique aussi petit qu’instable.

Par décence je ne veux pas vous détailler ce moment que je peux nommer agréable mais très inconfortable. 56 minutes plus tard, toujours sur le bassin, j’ose timidement resonner.

« 34 kg » portugais revient (elle a perdu un kg en me soulevant !)

 » Che pourquoi Missieu ? »

– Et moi, comme un enfant de deux ans :

– J’ai fini.

– Fini quoi ?

Et comme un débile :

 » La grosse commission!  » (je mets sur le compte de la morphine mon manque de vocabulaire)

Je me sens honteux, je suis mal à l’aise, humilié.

« 34 kg » essaye de me soulever et d’une mauvaise manoeuvre renverse … tout ! Et c’est à ce moment crucial de mon opération qu’arrive … ma famille !! Moi qui suis pudique voir coincé je me retrouve dans une situation que j’ai sûrement connu enfant.

Ce calvaire a duré pendant toute la durée de mon séjour dans cet hôpital. J’ai été très bien soigné et aujourd’hui, je marche dans le bonheur.

Il a fallu être de l’autre coté du drap pour me rendre compte que l’on a beau être un bon médecin, une bonne infirmière il est difficile de comprendre la souffrance physique ou psychologique des malades si on n’a pas vécu la maladie soi-même .

 

 

02 Sep

Il faisait chanter le cuir

rugby2

Tous mes patients deviennent souvent mes amis, mes amis sont souvent mes patients.

Mon implication est aussi grande mais parfois l’émotion est encore plus forte.

Il est de la campagne, il est fort, il est gaillard, il joue au rugby, il est l’ami de tous. Il a toujours joué dans son petit club et va tenter de sauter de trois divisions et jouer dans la première.

C’est Obélix ! Il est tombé dans la marmite quand il était petit.

ll est commercial et vendrait des cacahuètes à un curé. Il vend de tout : des voitures, des photocopieurs, des téléphones…

Quand il arrive au club, il commence en équipe réserve. Il court partout, il fait rire tout le monde et trouve sa place très vite. Le soir après l’entraînement, il reste des heures à nous raconter ses histoires, son enfance à la campagne, ses bêtises.

On ne l’aime pas, on l’adore ! Il dort peu, parfois pas du tout. Il invite tout le monde. Il est de tous les déménagements des amis. Il porte un frigidaire à lui tout seul. Il est génial !

Sa vie sentimentale est complexe. Il a autant de femme que de voitures. Il en change souvent, mais elles ne sont jamais fâchées contre lui. Elles viennent le voir jouer le dimanche, discutent entre elles.

Ce jour là pour la première fois, il vient me voir au cabinet en prenant rendez vous. Il n’a pas sa verve habituelle, il attend sagement son tour… triste.

Quand il rentre dans le bureau, il essaie en vain de faire son humour habituel en me disant : « Doc, j’ai le nerf asiatique coincé dans le bec du perroquet ! » Autrement dit il a mal au dos avec une sciatique suite au match de la veille. Souvent un mal au dos peut révéler autre chose et les expressions  « en avoir plein le dos, être dos au mur, faire le dos rond etc, etc.. » reflètent souvent un malaise plus psychologique où le lumbago n’est que la partie visible .

Le diagnostic de sciatique est fait mais j’ose lui demander si tout va bien moralement ?

 » Ce n’est pas le top aujourd’hui, je suis fatigué, fatigué de tout. »

Je lui propose un bilan sanguin, mais ce grand costaud a peur de la prise de sang ! (moi aussi d’ailleurs)

 » Tu sais Antoine, je cours partout, je ne dors jamais, je fais la bringue, je travaille, j’ai des nanas toutes les heures et je n’ai plus envie de rien. »

Etonné de voir ce colosse  qui s’effondre devant moi, je lui propose de manger à midi avec moi.

La première partie du repas est identique à la fin de ma consultation : un homme à bout ! Burn-out ? Dépression ? J’hésite ..

Arrivés dans ma cantine habituelle (vous savez, là où les odeurs des fleurs d’oranger envahissent  le restaurant et où le parler pied-noir réchauffe nos oreilles) mon ami, le Depardieu des stades, me raconte sa vie de fou dans une détresse énorme.

Puis arrive Zozo, notre entraineur, le bon vivant au discours aussi simple qu’imagé.

 » Mais tu me fais quoi Michel ? Tu vas pas faire le con à déprimer, tu joues en première dimanche, tu pars à fond et tu accélères… tu vas jouer qu’une mi-temps mais je veux te voir 80 mn devant. Isole-toi mais fais attention ne t’isole pas tout seul. Dès la première mêlée, je veux que tu les emmènes jusqu’à la gare de Montauban ». (je pourrais en écrire des livres)

Mon Michel, regaillardi par notre Zozo en deux minutes, redevient Obélix et se met à rire à en faire trembler cette casa, annexe d’Alger des années 60. Il parle fort, se ressert du vin, invite les voisins, raconte sa nuit avec la plus belle nana de tous les temps. Zozo, calmant le jeu, rajoute : « sûrement belle pour l’étang de Biscarosse, pas plus ».

Pendant plusieurs semaines Michel va mieux, son match en première est une merveille et il fête ça à sa manière : excessive !

Il me raconte sa dernière blague. Avec son copain, Alex, ils sont dans les Pyrénees, se sont fait passer par des organisateurs du futur tour de France et se sont fait inviter dans les restaurants ou autres bars afin de négocier le placement de la ligne d’arrivée!!

Parfois, les gens les plus simples ont une psychologie plus grande que des thérapeutes distinguées. Zozo vient me voir un matin pour prendre un café et surtout pour me dire ce qu’il ressent vis-à-vis de Michel.

 » Doc, Obélix il tourne pas rond, il est biphasique ! »

Je sais que Zozo est grand spécialiste en électricité générale mais là je ne comprends pas!!

 » Tu veux dire quoi ?

– Je veux dire, mon drôle, que ton copain il ne tourne pas rond.

– Il ne joue pas dimanche ? (persuadé que cette discussion est rugbystique et non médicale)

– Eh, Docteur Mabuse, tu le fais exprès, je te dis qu’il a un moustique qui lui court-circuite ses neurones. Michel a un problème psy.

Je comprends mieux le mot « bi-phasique » que je dois traduire en « bipolaire ». Zozo a peut-être raison, cet excès en tout, ces passages à vide, cette cyclothymie.

Je suis perplexe devant ce jugement si pertinent d’un entraîneur si caricatural mais si humain.

Le lendemain, j’appelle Michel pour discuter un peu. Il est content de me voir. En forme, souriant il m’apporte des croissants et chocolatines que j’aime tant.

 » Michel, ça tourne rond en ce moment ? Tu ne te trouves pas en survoltage ? (reprenant la métaphore électricité)

– Non, ça ne va pas. Je suis à coté de la plaque, je ne fais que des conneries, j’ai plus un sou en poche. J’ai envie de crever. Il n’a pas fini sa phrase qu’il me tape dans le dos en riant très fort :  » je déconne, doc, je déconne !! »

Michel continue à s’entrainer plus fort que jamais et aux interrogations de Zozo sur l’état « pschychique » je ne lui cache pas mon inquiétude mais aussi la difficulté d’en discuter.

Trois mois plus tard, il est 7 heures du matin Michel m’appelle.

 » Doc, je veux te dire au revoir, je vais sauter.

– Sauter où ?

– Dans le vide ! Je suis dans un appartement aux Aubiers que je viens de louer, j’ai vendu ma maison, j’ai plus rien, j’ai tout craqué.

Je parle, je ne cesse de parler à Michel tout en me dirigeant vers l’appartement. Je monte quatre à quatre les neufs étages, l’ascenseur est en panne.  Je continue de lui parler, de le distraire.

J’essaie d’ouvrir la porte. Elle est ouverte ! Je l’entends, il ne se doute pas que je suis derrière.

Il est debout sur le balcon au dessus du vide ! Le fait qu’il ait laissé la porte d’entrée ouverte me rassure ainsi que son appel téléphonique d’au revoir.

Je ne suis pas le sauveur de l’humanité mais ma pulsion de survie m’entraine à pas feutrés sur le balcon. J’agrippe la ceinture d’Obélix et le propulse sur le balcon par terre.

 » Pourquoi tu fais ça doc ? (j’ai l’impression qu’il est  soulagé mais qu’il m’en veut un peu)

Je ne sais pas quoi dire, je suis perdu, je l’aide à se relever.

Je suis resté deux heures avec lui. Je négocie son transport dans une clinique afin de tenter une dernière chance de surmonter tout ça.

Michel est donc soigné de sa maniaco-dépression.

Il revient un mois plus tard s’entrainer, ce n’est plus le même. Il ne rit plus, il sourit. Ce n’est plus Obélix, c’est un homme normal mais ce n’est plus Michel.

Sans rien dire, il a un jour arrêté son traitement. Il a rejoué, il a ri, il a dévoré la vie. Et un soir ……

 

 

Certains l’aiment chaud !

marylin monroe

 

Il est 13h15, j’avale mes deux cafés serrés et me prépare à ma micro sieste. L’insupportable portable sonne. Il interrompt ce moment que j’adore pendant lequel, en 10minutes, j’arrive à plonger dans un cycle de sommeil et repartir à mes consultations.

 » Allo, Antoine, ma nièce et mon neveu sont à l’aéroport, ils reviennent de Los angeles et elle est complètement pliée en deux ; elle souffre d’une lombalgie.

Alors là, deux situations, celle que j’ai dans ma tête : et Merde ….moi qui voulait dormir !

la deuxième: la réalité !

 » Qu’elle vienne vite, je la fais passer par la porte de derrière, je la consulte avant tout le monde ! »

Ils sont déjà là quand je gare ma voiture. J’avoue que je ne suis pas de très bonne humeur mais je me dépêche d’ouvrir la porte.

Il y a toujours une sorte de miracle, j’oublie mes états d’âme, suis transformé, heureux de faire ce métier de rêve.

Je m’assois derrière mon bureau et eux, timides, restent debout face moi attendant mon « asseyez vous je vous en prie ».

Ils ne sont pas beaux, ils sont sublimes ! Elle est vêtue d’une petite robe noire toute simple. Ses yeux sont des pépites noisette. Sa petite fossette lui donne un air coquin et son léger accent anglais ne fait que rajouter à ce charme fou.

Lui est grand, on devine un corps de rêve sous ce tee-shirt moulant aussi bleu que ses yeux. Il parle calmement, gentiment, sourit tout le temps.

 » Merci, Docteur, de nous recevoir si vite, ma femme a souffert pendant tout le voyage. Nous arrivons chez mon oncle et je voudrais vraiment qu’elle soit soulagée.

Essayant d’oublier mon manque de micro-sieste et la beauté de mes nouveaux patients, je passe à l’interrogatoire rapide et je suggère à beauté fatale de s’allonger sur ma table d’examen.

La petite robe noire est très moulante, et je suis obligé de lui demander de l’ôter. Très à l’aise, elle l’enlève et la confie à son mari.

Je sais, un médecin ne regarde rien en dehors des éléments médicaux. Parfois on peut faire un bon travail dans de sublimes conditions .

Allongée sur cette table, elle me regarde inquiète scrutant tous mes gestes. J’ai l’impression d’avoir entre mes mains une poupée de porcelaine. Elle a mal, très mal quand je soulève sa jambe droite. Je lui explique que c’est le signe de Lassegue, marque d’une sciatique évidente hyperalgique.

Elle ne semble pas rassurée et son regard est soucieux.

 » Yes doc, but j’ai senti dans l’avion like une déchirure sous la fesse droite, ce n’est pas un claquage… hein doc ? »

Elle se lève juste vêtue de ses sous-vêtements aussi délicats que …petits et se propose de se pencher sur la table afin que je vérifie la déchirure éventuelle.

Son mari me regarde avec confiance et semble me dire « allez y, allez y mais soulagez la !!

Je vérifie donc ce muscle fessier, dans sa partie interne, d’un claquage éventuel. Elle, debout, à moitié couchée sur la table.

Je confirme donc mon diagnostic, mon toucher très intime ayant à mon sens éliminé l’autre hypothèse .

De retour à mon bureau, je demande de façon aussi bête que machinale :

 » Vous avez la carte vitale?

– Non! je suis citoyenne américaine.

Toujours dans ma routine :

 » Ce n’est pas grave, je vous fais une feuille. Vous vous appelez comment?

Pour respecter le secret médical, je vais donc utiliser un nom d’emprunt mais qui correspond à l’importance dans le monde cinématographique de cette femme aux yeux  noisettes.

 » Monroe. »

Et moi, toujours aussi concentré et très loin de penser au cinéma :

 » Vous êtes la fille du docteur Monroe ? (un médecin bien connu dans le bordelais)

– Euh, non… je suis Marilyn Monroe !!!

Alors là, Antoine tu viens de faire une gaffe énorme, tu viens de demander à une star planétaire son nom !

Tu la vois tous les jours dans des spots tv, tu as vu tous ses films, tu dis souvent que c’est la plus belle femme du monde, tu ne l’a pas reconnue, tu l’as examinée, tu as appuyé ton doigt sur ses fesses et là, tu as l’air …stupide!

Voyant mon embarras elle a la délicatesse de me dire (avec toujours son petit accent)

 » Je suis très heureuse que vous pas reconnaître me. Vous m’avez surement mieux soignée.

 

Marilyn est revenue me voir avec sa radio le lendemain …elle avait bien dormi. Pas moi !

 

01 Sep

Chapeau melon et bottes de cuir

 

manchettes

J’aime le printemps car après il y a l’été…

J’aime le printemps car les femmes sont belles, les couleurs vives ressortent dans la rue, les rhumes diminuent, les gastro aussi.

Elles viennent me voir pour perdre les quelques kilos hivernaux superflus, pour les premiers coups de soleil, pour les préparatifs des voyages.

Elle arrive dans une robe en tulle orangée, elle est grande, blonde, le teint est juste halé. Tout le monde la regarde, l’admire, la dévore, la jalouse.

Quand elle s’assoie devant moi, je ne vous cache pas qu’avant d’être médecin je suis un homme. Troublé ? Non. (j’ai l’habitude après tant d’années)

Admiratif ? Oui!!

Elle se présente :

 » Je m’appelle Dominique, j’ai 31 ans, je reviens de deux ans d’Angleterre où j’ai eu un grave problème gynéco et je vous choisis comme généraliste.

Eh bien ça, c’est clair, net, sans bavure.

 » Je voudrais une crème épilatoire. »

Un peu surpris par cette demande, je décide d’ouvrir un dossier médical afin de poser quelques questions sur les antécédents.

Les réponses sont beaucoup moins claires que la demande initiale.

 » J’ai été opérée d’une hystérectomie et j’ai un traitement hormonal ; j’ai donc une hyperpilosité très embarrassante. »

Voilà, le métier de docteur peut parfois se transformer en celui d’esthéticien!

Elle a une belle élocution, elle parle beaucoup, elle est à l’aise …Pas moi !

L’examen clinique est rapide et l’on peut dire que la pudeur n’est pas la marque première de Dominique. Je la retrouve en petite culotte et soutien-gorge devant mon bureau.

Je n’ai pas de réponse à mes questions, elle parle mais ne dit rien. Le rendez vous se passe bien, j’utilise l’humour à titre de protection…et je vois bien que le contact… professionnel est bon.

Huit jours plus tard, Dominique revient : talons de 12 cm au moins! Ils se rajoutent à ses 182 cm de taille. Robe noire, rouge à lèvres rouge vif, yeux bleus juste soulignés.

Adriana Karembeu ! C’est le sosie d’Adriana. Comme nous en étions restés à la crème épilatoire lors de notre dernier rendez-vous, je lui dit très sérieusement:

 » Bonsouaar, c’est pour les aisselles et le maillot ? »

Un premier bon point : notre fausse Adriana comprend mon humour et me répond :

 » Bonsouuar Nadine! les aisselles,le maillot,et les demi- jambes. »

Le fait de pratiquer cette entrée en matière un peu cavalière permet à notre Adrianna d’être beaucoup plus simple, sans manière.

Elle s’assoie devant moi, pose ses deux mains sur le bureau, l’une caressant l’autre doucement, sensuelle à souhait. Elle fixe mon regard, se noie dans mes yeux … Ouh la la!…

Je transpire, je rougis, je pense à Margaret Thatcher ou Angela Merkel, ou les deux, à poil…enfin quoi, j’essaie de redevenir le docteur de quartier. Non, je ne suis pas George Clooney, ni le Dr Mamour de Grey’s Anatomy !  Je suis Antoine !!!!!!!!!

 » Que…que, que se passe t-il Adri.. ,euh je veux dire Dominique ?

– Il faut que je vous parle Docteur. (voix de Macha Béranger à minuit le soir sur la radio)

– Oui, bien sûr .(voix de chouchou d’amour dans Hélene et les garçons)

– Je dois tout vous dire, laissez moi parler je vous en serai gré.

– Voilà, je m’appelle Dominique.

– Oui, ça je sais !

– Je vous en supplie, laissez-moi parler ; ce n’est pas facile.

– Je m’appelle donc Dominique, mais il y a deux ans quand je suis partie à Londres, je m’appelais DOMINIQUE (en prenant une voix grave)

– Et alors ?

– Eh bien, j’étais un homme !

– Ouah !!! Le choc ! Ce n’est pas Adriana, c’est Karembeu lui même !

Je redeviens sérieux.

 » Donc, tu as subi une opération de transexualité ?

– C’est ça. Je reviens sur Bordeaux où je suis née mais où je n’habite (sans jeu de mot) plus depuis 12 ans. Je suis un peu paumée, j’ai besoin de vous parler, d’être aidée, soutenue.

Alors que mon esprit fripon se dissipe d’un seul coup, je me rends compte de la souffrance de Dominique. Elle pleure et son rimmel soulignant ses beaux yeux bleus dégouline lentement sur cette joue imberbe.

J’ai beaucoup vu Dominique pendant des mois, une à deux fois par semaine. J’ai pu me rendre compte du drame psychologique qu’elle a vécu quand elle était homme. Mal dans une peau si grande, mal parce que pas mâle. Femme dans sa tête, homme dans son corps : elle a eu la force d’être maître de son destin.

Trois mois plus tard, je mange dans ma cantine habituelle où Robert, Simone, Rachel et Jean s’affairent autour de moi pour me servir le couscous. Non, pas le couscous mais LE COUSCOUS !

Gilbert, mon ami kiné est là, il attend quelqu’un. Il se lève, vient me voir et me dit avec un éclair de coquinerie dans ses yeux:

 » J’attends ma future fiancée ! Une bombe, t’entends Antoine, une Bombe !!! Je conclue ce soir !!

Dominique pénètre alors dans le restaurant.

Un frisson me traverse tout le corps, d’un coté Gilbert mon copain, mon collègue de travail, de l’autre Dominique et son secret que moi seul connais.

Que faire ? Dire ou ne pas dire ? Trahir celle qui me fait confiance ou trahir mon ami ?….

Ils vont bien, rassurez vous.

 

 

31 Août

Business meeting

chauffeur

 

Ce qui est fabuleux dans mon métier c’est la diversité des gens qui le compose. Je passe en 15mn d’un élu bordelais, maire ou député à un voyou qui a passé plus de 20 ans en prison. J’aime les gens, j’aime  » le hors cadre « , j’aime écouter ces histoires fabuleuses, ces anecdotes qui parsèment mes journées. Souvent complice de leur secret, je me régale de rentrer dans leur univers.

Le grand patron internationnal bordelais vient me voir une fois par mois. Il arrive, conduit par son chauffeur habillé de façon aussi impeccable que son patron. Costume bleu marine, cravate bleue ciel, chemise blanche avec les manches qui dépassent juste de quelques centimètres de façon parfaitement symétriques. Les cheveux sont légèrement gominés; on dirait toujours qu’ils sortent tous les deux de la douche.

Le rituel est bien rodé. La voiture de fonction arrive vers 16 h. Henry, le chauffeur, descend, remet en ordre son costume, tire les manches de sa chemise afin de bien vérifier l’égalité recherchée, contourne par devant sa berline plus lustrée que jamais et ouvre la porte arrière gauche. Puis sort notre personnalité (Robert), petit coup d’oeil circulaire comme si il y avait toutes les télés du monde (il n’y a que moi derrière ma vitre en train de regarder cette petite scène rigolote), remise du costume en ordre, tirage des manches et d’un coup de main, remet le peu de cheveux qu’il possède en arrière. Robert dit un mot à l’oreille de son chauffeur. On dirait un secret défense de la plus haute importance. Le chauffeur remonte dans la voiture et prend une allure de petit chien que l’on laisserait dans le véhicule après lui avoir dit:  » Riri, tu es mignon, tu vas rester bien calmement, tu m’attends et ne fais pas de bêtises ! »

Notre Robert national rentre dans le cabinet avec le sourire que j’appelle commercial et me lance toujours la même phrase:  » Comment va notre bon docteur ? » et il rajoute après un temps d’arrêt: « Et comment va la vie ? Merci encore de me recevoir et de votre complicité… »

Un peu pompeusement je lui répond: « C’est bien normal, Monsieur Cac40 ! Allons, voyons cette tension. »

Il retire alors son costume qu’il pose délicatement sur le rebord de la chaise. Il enlève ses boutons de manchettes et retrousse la manche de sa belle chemise amidonnée. Je  lui trouve toujours la même pression, je lui annonce son 13/8 mensuel. Il remet son bouton, retend la manche, recoiffe ses cheveux,  me donne sa carte vitale (il insiste  malgré mon « oh, je ne vais pas vous faire payer pour une prise de tension ! ») et  là…..

Et là, cela devient plus intéressant car écrire un livre pour voir un élu se faire prendre la tension, j’avoue que vous, mes chers lecteurs, pourriez être déçus.

 » Bon, cher Doc, le devoir m’appelle.  » Il me laisse un billet de cinquante euros sur la table et rajoute, comme en colère, « pas de monnaie, je vous en prie. »

Notre Robert s’avance alors vers la porte arrière de mon bureau, et non vers la porte principale, sort en cachette à pied pour …. aller  retrouver sa maitresse dans un appartement jouxtant mon cabinet.

Henri, le chauffeur attend dans la voiture sur le parking croyant que la consultation dure longtemps. Robert, pendant ce temps-là, s’amuse des plaisirs de la vraie vie, me rendant complice de cet adultère …médical !

Trente minutes après, les cheveux toujours bien tirés en arrière, Robert, rouge comme un coq, légèrement essoufflé, pénètre par ma porte secrète et me lance avec un clin d’oeil complice un:  » Voilà, c’est fait, au mois prochain pour une nouvelle vérification de tension. »

Robert passe devant la salle d’attente, serre quelques mains de patients tous flattés d’être soigné par le même médecin que cette vedette internationale. Il salue la secrétaire, bien surprise que j’ai gardé un patient une demie heure, moi qui suis si expéditif habituellement.

Le chauffeur sort de sa voiture, remet ses manches au centimètre imposé par les codes du Cac 40 et s’inquiète de la santé de son chef:

« Alors, tout va bien Monsieur ? »

Notre Robert, avec un aplomb énorme, lui répond toujours la même phrase : « Oh,  mon pauvre Henri, en vieillissant les raideurs se déplacent….

 

30 Août

La petite fille et le monstre

balançoire

 

Si ce plus beau métier du monde me régale tous les jours, il m’arrive parfois de souffrir et d’être écoeuré de la monstruosité de le race humaine. Heureusement, c’est quand même rare.

Une si belle famille ! Un couple aussi beau que gentil, ils ont quatre enfants. Le papa, autodidacte, vient de la campagne langonnaise. Il n’a pas un seul diplôme et à réussi à créer une petite entreprise qui marche fort. La maman, magnifique, s’occupe de ses quatre bambins avec un amour touchant. Je vois grandir, depuis leur naissance, leurs enfants. Ils sont vifs, heureux et sans aucun problème.

Ce soir-là, je suis bien, je finis ma journée en consultant la maman, Chloé et sa petite dernière Julie, 7 ans. Elle présente des plaques d’eczéma sur tout le corps.

Mon premier avis intuitif est une réaction type allergique. Julie est belle dans sa petite robe bleue. Elle a un sourire forcé que j’interprète comme une timidité ou peut être comme la peur de recevoir un nouveau vaccin.

Chloé est inquiète car elle est, elle même, très allergique et espère ne pas avoir pas transmis cette pathologie à sa petite chérie.

Je vais souvent très vite dans mes consultations mais là, je ne sais pas pourquoi, je veux prendre mon temps. Nous parlons avec Chloé de tout et de rien, de la réussite de son mari, de la rentrée qui approche et des souvenirs des vacances récentes. Je regarde Julie et je la vois ailleurs, dans la lune, triste.

Je reprends mon costume de clown et je raconte une bêtise afin de faire rire la maman et surtout Julie. Elle me regarde en esquissant un petit rictus en se disant sûrement qu’il est bête ce docteur qui se met l’otoscope dans la bouche en guise de trompette.

Je sens un malaise mais je n’arrive pas à savoir lequel. Je questionne Chloé pour savoir si la rentrée prochaine n’inquiète pas Julie.

Elle me répond, surprise de mon interrogation, que sa fille adore l’école et qu’il lui tarde de retrouver ses amies, que son cartable rose Hello Kitty à roulettes est déjà prêt.

La prescription de pommade sur les rougeurs et un antiallergique conclue ma consultation mais me laisse interrogatif…

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que le papa, cette fois, m’amène Julie. La rentrée vient d’avoir lieu et elle ne va pas mieux. Les plaques grandissent et Julie n’est plus la même. C’est une enfant joueuse respirant la joie de vivre, un peu espiègle, un peu timide. Et la voilà triste, plus de sourire dans son regard.

Je commence à poser des questions au papa qui ne semble pas préoccupé par ce changement d’attitude de sa fille. Il rit même de cette hérédité maternelle allergique en proposant à Julie avec humour de porter plainte contre sa mère !

Le soir, en rentrant chez moi, je suis perplexe, inquiet. Le sommeil est dur à trouver. Dois- je me faire aider par un dermato ? Dois- je en parler à un confrère ?

Normalement avec corticoide et anti histaminique elle aurait dû guérir. Mais ce qui me préoccupe le plus c’est la tristesse de son regard.

Y a t’il un problème à l’école, une maitresse un peu ferme ? Un petit copain méchant ? Les repas à la cantine ! Voilà, c’est peut être ça ! Elle n’a pas l’habitude et ce n’est pas la bonne nourriture de maman !

Un mois sans nouvelle. Par hasard, je rencontre Chloé dans la rue.

 » Comment va notre Juju ?

– Pas le top,  toujours ses plaques et elle a perdue 2kg !

– Amène-la demain,  je vais lui parler. »

Pour prendre tout mon temps je lui donne rendez vous vers 19 heures. Le papa, la maman, Julie sont là, beaux, inquiets et scrutent mon regard, mes gestes comme si je devais perçer l’énigme des plaques.

La conversation part un peu dans tous les sens et je me focalise sur l’école, la cantine et rien ne se débloque.

Alors, je pense au dessin. Les enfants disent beaucoup de choses par le dessin. Je lui demande de me dessiner sa famille.

Julie sourit et semble heureuse de ma requête. Je lui donne des feutres de toutes les couleurs et une feuille blanche. Elle prend le feutre rouge et commence à faire des petits personnages. Elle en fait six. Par ordre décroissant du plus grand au plus petit. Sous chaque elle met une initiale pour signifier papa, maman et ses frères et soeur. Ils se donnent tous la main sauf le dernier qui est à part tout petit et, soudain, elle change de feutre et le dessine en noir.

 » C’est qui ça ? dis-je, en lui montrant le petit coloré en noir

– Ben, c’est moi.

– Pourquoi tu ne tiens pas la main de ta soeur ? Pourquoi tu t’es coloriée en noir ?

Je n’ai pas de réponse, je n’ai qu’une larme qui coule lentement sur la petite fossette de sa joue.

Je suis bouleversé. Je ne sais pas comment dire aux parents que je dois parler à Julie seul. Mais j’ose et je parle à Julie en lui disant:

 » Tu as sûrement un secret à me dire, on va discuter tous les deux. »

Les parents sortent et je me retrouve en face de Julie. En fait pas en face,  je fais le tour du bureau, je la prends sur mes genoux. Elle pleure, discrètement, pudiquement.

 » Alors, ce secret?

– Je ne veux plus aller chez Papi et Mami à Langon. (Elle y va tous les mercredis)

– Oh, mon coeur,  c’est ça ton problème ? Mais c’est pas grave, je vais en parler à Papa et Maman et je vais arranger ça. Pourquoi tu ne veux plus y aller?

– Eux, ils sont gentils mais j’aime pas tonton Pierrot.

– Pourquoi ?

– Je peux pas le dire, c’est pas bien.

Je ne peux encore aujourd’hui écrire ce que Julie m’a raconté et le traumatisme qu’elle a vécu. Heureusement que l’amour, l’équilibre de ses parents ont permis de reconstruire cette petite merveille. Ils ont réussi à sauver leur enfant d’un monstre que la justice a puni si peu…

12 Juillet 2013,  Juju vient d’avoir le bac et est venue me présenter son petit fiancé.

 

29 Août

Miss Rififi

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Parfois mes journées sont longues et épuisantes. Je commence très tôt le matin (6 heures) car je pars du principe que certaines personnes, comme moi, détestent attendre dans une salle d’ attente et préfèrent venir le matin que d’attendre une place dans les consultations de  l’après midi. L’avantage, c’est que cela me permet de prendre plusieurs petits déjeuners. Certains  papis et mamies sont tellement heureux de faire un petit café et de le partager avec moi .

Il arrive parfois que Colette me cuisine des pommes de terre farcies car elle sait qu’ à midi je ne vais pas avoir le temps de manger.

Quand je reviens à 13h30 pour les consultations, j’ai souvent déjà une horde de patients qui sont là. Celui qui arrive 1heure en avance car, comme ils disent, au moins là,  on n’attendra pas !  J’ai celui qui n’a pas rendez vous et qui compte  sur ma gentillesse et sur l’absence  du mot non dans mon vocabulaire.

J’ai le copain ex-rugbyman avec qui j’ai foulé toutes les pelouses et qui croit avoir un laisser-aller  permanent. Le vieux couple qui vient tous les mois, à la même heure, le même jour. Souvent, par exemple, le lundi c’est le jour des coiffeurs et des banquiers car c’est leur jour de repos  (j’ai même un couple banquier-coiffeuse adorable qui profite de ce lundi de repos pour me consulter ou même me faire un petit bonjour).

Il y a aussi le casse pied ponctuel qui veut passer à l’heure précise et ne supporte pas que je puisse prendre une urgence:  un enfant à recoudre, un malaise cardiaque… Il arrive avec un cartable, rempli de documents, son dernier bilan sanguin mais aussi celui de 1997 qu’il veut que je compare. Il imprime souvent des documents internet car il pense avoir trouvé le diagnostic sur Doctissimo.

Il pose sa montre sur la table et me répète qu’il a vu qu’une consultation doit durer au moins 15 minutes et qu’il veut « en avoir pour son argent ! »

Argent d’ailleurs qu’il ne débourse pas car il est soit ancien pensionné de guerre, soit en ALD pour un petit diabète et ne comprend pas qu’on lui réclame de payer pour une verrue . Souvent dans ce cas là, je suis exaspéré et j’essaye de me détendre, de ne pas lui montrer.

J’ai une petite astuce pour me faire rire  et surtout pour oublier les manies de ce vieux grincheux.  Je me motive pour citer, sans qu’il se rende compte,  des textes de chansons populaires.

Ca fait comme ça :

 » Vous avez mal en permanence?

– Non, par intermittence.

– En fait, ça s’en va et ça revient?

– Oui.

– C’est fait de tout petits riens ?

– Oui.

– C’est peut être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup…

Le vieux maniaque ne se rend pas compte que je le taquine pas méchamment et je me calme .

Et j’en rajoute…

 » ça veut dire que vous êtes libre, heureux d’être là malgré tout …

Tout n’est pas Claude François ou France Gall… Parfois, la vie de médecin est dangereuse.

Trois heures du matin!  J’aime faire quelques visites de nuit, c’est souvent du vrai travail d’urgence et j’aime ça!

Laurence, jeune femme magnifique, ancienne miss Aquitaine, mannequin m’appelle pour de fortes douleurs abdominales. Pas très bien réveillé, je fonce à son domicile. Elle est dans sa chambre, en petite tenue en cette nuit chaude de juillet. Je l’examine dans son lit et mon diagnostic est sûr: colique néphrétique ! Je dois lui faire une injection de Spasfon et d’anti-inflammatoire.

Allongée sur le ventre je lui pique la fesse …

Le lendemain, 18h30, je reçois un coup de téléphone affolé de Laurence : « Fais gaffe, il arrive…il  arrive chez toi, il est armé, il a bu, il est complètement bourré! »

Je ne comprends rien, je demande qu’elle m’explique …

 » Mon compagnon t’a aperçu quand tu me faisais la piqure cette nuit. Il rentrait de son boulot, (il est directeur de boîte de nuit) il m’a vu les fesses à l’air et toi à coté. Il est persuadé que tu es mon amant et, depuis cette nuit, il ne fait que boire et là, il veut te tuer. Il a un revolver, j’ai peur, Antoine! »

Si notre Laurence a peur, moi,  je me fais dessus! merci Pampers !!

Je n’ai pas le temps de raccrocher que notre cow-boy pénètre dans mon bureau. Titubant,  écarlate, il hurle:

 » Alors docteur, on baise ma femme… hic.. » J’avoue  que je n’ai pas cité des textes de chansons! Je suis pétrifié!

Il me sort son colt et me le pose sur le ventre. Alors là, mes chers lecteurs, le doc Superman, Tarzan, docteur Schweitzer,  il est mort de trouille, il tremble comme une feuille. L’instinct de survie me donne un courage qui m’étonne encore.

Je me lève de mon bureau, repoussant le pistolet et calmement, en le regardant bien droit dans les yeux, je lui dis : « Voilà mon vieux, deux choses à te dire: ta femme a eu une énorme colique néphrétique et je lui ai fait une piqure et deuxièmement,  si tu veux me tuer, ça me rendrait service, je suis très déprimé et je n’ai pas le courage de me supprimer. »  Je ne sais pas pourquoi je lui sors cet argument bidon, mais il permet alors un revirement inattendu de ce psychodrame type « plus belle la vie ». Il pose le pistolet sur mon bureau et commence à me parler, parler pour essayer de me consoler en faisant de longues phrases interrompues par des petits hics, rots, ou autres remontées gastriques alcoolisées. J’ai fini cette consultation en partageant un Ricard avec notre nouveau psy au revolver facile. Ouf!

 

28 Août

Honoré et Pascaline

  • Toulouse_Lautrec_visite2

Je suis rentré très fatigué ce soir. Je rentre comme un robot, le morceau de fromage de brebis et le bon Chasse Spleen 2003 me tentent bien pour recharger les batteries.

« Allez Antoine, juste un peu, ça va te faire du bien. Oui, c’est sûr mais tes abdos naguère plaques de chocolat ont bien fondu, ton airbag ne fait qu’augmenter, alors non, attends un peu pour te mettre table. »

Et puis, merde, j’ai eu une journée affreuse: un décès, dix déprimés, trente gastro, et la pauvre Micheline (ma voisine qui a perdu son yorshire) ne cesse de pleurer et crie par  la fenêtre à qui le lui rendra. Et c’est moi le docteur, alias le Père Lustrucru pour  la circonstance, qui l’a retrouvé dans l’impasse sous une voiture. Bref, j’en ai plein les bottes et donc au diable les bourrelets et vive mon apéritif associant les délices d’Itxassou à ceux de Bacchus!

J’ai la tête qui n’imprime plus, j’entends mais je n’écoute pas, je regarde mais je ne vois pas, je suis ici et pourtant ailleurs. En fait, je suis épuisé. Je ne suis pas de très bonne compagnie pour mes enfants. J’ai besoin d’un sas de décompression quand je rentre. Avant je serais aller faire  un footing, mais ça c’était avant! Aujourd’hui, je me délecte d’un Moulis et je nourris mes adipocytes.

Un autre plaisir m’attend: un certain Toulouse-Stade Français. Je me sens bien, j’ai bien travaillé, j’ai donné toute mon énergie à mes malades et là, je profite de la vie, en famille: que c’est bon !

Pour une fois, pas de troisième mi-temps, je monte m’écrouler en remerciant le ciel pour l’homme qui, un jour, a inventé le lit.

2h10, mon téléphone résonne! Tout tremble de la table de nuit à mon corps tout entier. Je dors d’un sommeil profond et cet insupportable portable me fait sortir de mon coma.

« Allo, le doc, c’est Honoré de la Petite Suez (la Petite Suez, c’est un bar de nuit sur les quais.Un genre de bar à hôtesses au décor de velours rouge et où l’odeur de coquinerie enveloppe les murs et les vieux fauteuils de cuir).

Complètement endormi, je lui demande d’une voix très chamalow:

« Qu’est-ce qui ne va pas, Honoré ? »

-Tu peux venir j’ai un problème, un gros ? Viens vite. »

Je n’ai pas le temps de répondre qu’il a déjà raccroché.

Je vais, une fois par mois, visiter Honoré dans son bar le matin de bonne heure. Lui n’est pas encore couché, je  vérifie sa tension, prend un petit café avec Carmen son épouse. Je m’assois dans ses canapés encore chauds des frivolités de la nuit. J’aime pénétrer dans ces lieux que mon éducation judéo-chrétienne m’a toujours interdit, mais qui ont souvent garni mes fantasmes d’adolescent (je dis « adolescent », si jamais un jour mes fils me lisent…).

2h 27 – j’arrive devant la Petite Suez, Honoré m’attend devant la porte. C’est un gaillard énorme aux pommettes rougies par tant de verres partagés. Il ressemble au boulanger de Pagnol où seul l’accent de Marseille est remplacé par celui de Baccalan.

« Monte petit, dans la chambre à gauche, j’ai une fille qui s’est pris un coup de lame. »  Je ne réfléchis pas, je traverse le bar, je regarde discrètement ce lieu de perdition où se mélange des femmes en tenue très …attirante et des quinquagénaires aux costumes défaits et aux cravates parfois nouées autour de la tête. C’est Luis Mariano qui est le roi de la soirée à travers les hauts parleurs et je monte donc au rythme du « petit rossignol ».

La description de la chambre  est celle d’un bon San Antonio: le lit aux draps roses, les rideaux presque ton sur ton et au milieu une statue d’ébène qui gémit.

« Comment tu t’appelles ? »

-Pascaline.

-D’où tu viens ?

-De Ouga au Burkina. »

Je vois à travers son déshabillé, à la couleur identique au reste de la pièce, une grosse marque de sang. Elle souffre et parle d’une langue que je ne connais pas.

En soulevant sa chemise, je vois une plaie à l’abdomen. Le sang rouge qui dégouline sur cette peau satinée explique les cris de Pascaline.

Il faut l’amener à l’hôpital et vite. Honoré, planté devant la porte, se met à vociférer :

« Pas question ! Tu la recouds ici, elle n’est pas en règle, et moi j’ai fait dix ans de placard et c’est pas à 74 ans que je vais y repartir. »

26 points de sutures ! Entre cris burkinabais, Luis Mariano, fumée, alcool et petites pépées !

En fait, je suis heureux, je soulage une pauvre fille qui pensait trouver l’argent et le bonheur et qui a rencontré un opinel. Je rentre dans un lieu fantasmatique, moi, l’élève des jésuites, j’évite la prison à Honoré et j’écoute Luis, mon cher Luis. Oui, ce soir l’amour est un bouquet de violettes.

 

 

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