12 Sep

Incendie du château Gaby à Fronsac : un crève-coeur pour l’équipe du château

Dans la nuit de samedi à dimanche, un incendie dantesque s’est déclaré au château Gaby à Fronsac en Gironde. L’intensité des flammes a conduit à une toiture quasi  totalement embrasée, rendant le château inhabitable… Un déchirement pour Damien Landouar, son directeur, le propriétaire Tom Sullivan et l’ensemble de l’équipe. Fort heureusement l’outil technique a été préservé.

C’est un spectacle de désolation ce matin à Fronsac. Château Gaby s’est totalement embrasé ce dimanche peu avant 2 heures du matin, le feu intense et des flammes dantesques ont réduit la toiture en cendres, les 900 m2 du châteaux sont inhabitables. Pour Damien Landouar, directeur des vignobles Tom Sullivan, c’est un véritable crève-coeur…

Damien Landouar, éprouvé par cet incendie © JPS

Beaucoup de tristesse, c’est pour moi un pan de ma vie professionnelle qui s’écroule… Cela fait 25 ans que je suis là, qu’on se bat pour son image, pour la qualité des vins, du vignoble, donc c’est très frustrant », Damien Landouar directeur château Gaby

Le pire a été évité, car 6 Américains, séjournaient au château. Fort heureusement, ils n’ont pas été blessés… Ce sont des amis du propriétaire Tom Sullivan (riche industriel spécialiste des parquets et cuisine aux USA) (propriétaire de 5 châteaux à Bordeaux sur la rive-droite). 

Tom Sullivan, le propriétaire © château Gaby

« J’étais vraiment très très inquiète pour eux, d’autant qu’il fallait leur parler en anglais car ils ne parlaient pas français bien sûr; donc je suis arrivée à 2h30, j’ai ressenti un état de sidération, tout simplement j’étais devant et je ne comprenais pas ce qui se passait, c’était vraiment comme un cauchemar en fait », témoigne Sophie Villega, assistante de Damien Landouar.

Le château en proie aux flammes dimanche matin © Damien Landouar

Si la vingtaine d’oeuvres d’art a pu être mise à l’abris, les 50 pompiers dépêchés sur place ont réussi à préserver aussi le cuvier et le chai à barriques, situés à moins de 5 mètres du château. Ce château de 16 hectares dont 11 actuellement en production, avait été acheté par Tom Sullivan en 2016, il produit en moyenne 60 000 bouteilles  à l’année.

L’outil technique est intact, ce qui nous permet de continuer à vendanger car on est en pleine vendange, donc à vendanger normalement… Car si en plus le bâtiment technique avait été touché, cela aurait d’autant plus impacté la récolte 2022, ce qui n’est pas le cas. »

Tom Sullivan est bien décidé à reconstruire ce château joyau du XVIIIe siècle et de Canon Fronsac. Cela sera un travail de longue haleine, avec une enquête qui commence et devrait conclure à un accident et avec les assurances qui vont dépêcher leurs experts.

(Photos Jean-Pierre Stahl)

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Pauline Juvigny et Florian Dumont :

21 Juin

Orages de grêle : des dégâts importants dans le Bordelais

Plusieurs milliers d’hectares de vigne ravagés, c’est un nouvel épisode douloureux pour les vignerons de Bordeaux avec un Médoc pas mal impacté, mais aussi le blayais, Bourg ou encore Fronsac, le St Emilionnais…

L’heure n’est pas encore au bilan mais déjà « on sait que ce sont plusieurs milliers d’hectares qui ont été touchés… Sur Ludon, Macau, le Taillan, puis cela a traversé la Garonne, dans le Blayais, Boiurg, Saint-André-de-Cubzac, Galgon, Fronsac, avec des parcelles ravagées à 100% par endroits », commente ce matin Christophe Chateau directeur communication du CIVB…

« Ce qui est dur pour les viticulteurs, ce sont ces événements, ce dérèglement à répétition. Il y a un symposium à la Cité du Vin justement aujourd’hui sur le dérèglement climatique, c’est malheureusement la triste réalité… »

 


Un vigneron particulièrement touché estime « des dégâts entre 70 et 90% dans certaines parcelles, on voit les différences de dégâts entre les vignes rognées et les vignes levées, pour celles rognées il y a le plus de dégâts, , pour les vignes levées elles sont totalement couchées… C’est très compliqué. Sur Abzac, il y avait des grêlons d’1 cm et sur Coutras jusqu’à 6 cm… A Virsac, des images hallucinantes… »

Pour Didier Gontier des Côtes de Bourg : « le couloir de grêle est venu toucher les côtes de Bourg du côté de Prignac et Marcamps, notamment aux châteaux de la Brunette et au château Grissac…En Bordeaux et Bordeaux Sup, Saint Gervais bien touché… »

C’est catastrophique ici à Saillans© Hugues Laborde

Hugues Laborde est abasourdi et commente du Facebook : « quand l’effroi du matin vous ramène à l’état de petit garçon vulnérable. Le choc est dur à #Fronsac

« Sur Saillans où on a 12 hectares, on a pris 100% de pertes et il nous reste plus rien dans le secteur… C’est plus que catastrophique. C’est une zone très large. La semaine dernière, c’était du côté de Pellegrue dans l’Entre-Deux-Mers où on a chargé sérieusement… Cela commence à faire beaucoup. Je suis au syndicat des Bordeaux et notamment notamment à la commission des blancs, cela commencer à peser beaucoup. , mle tout lié à un contexte commercial plus difficile… Socialement à Bordeaux, cela risque d’être compliqué très rapidement. L’idée n’est certainement pas de passer pour des pleurnichards, j’ai grêlé à Fronsac et un négociant ce matin a osé négocier 10 centimes de moins sur une bouteille, ce n’est pas le moment…L’an dernier c’était le gel, cette année la grêle à Fronsac, ça commence à faire. Nous on fait partie du groupe Invidia, 5 propriétés, 160 hectares de vigne, 2 à St Emilion, 1 à Fronsac,  dans l’Entre-Deux-Mers, on a une dynamique et on arrive à essuyer les plâtres, mais quand je vois des indépendants qui ont gelé , puis subi le mildiou et à présent la grêle, je vois ce qu’ils peuvent vivre… Un nouvel épisode climatique cette saison mettrait nos appellations en grand danger… »

Sur le secteur de Saint-Emilion, « c’est surtout le nord qui a été touché, notamment Lussac plus de 200 hectares plus ou moins fortement touchés de 30 à 50% voire plus sur certaines parcelles. On a globalement évité le pire… », commente Franck Binard directeur du Conseil des Vins de Saint-Emilion.

22 Avr

Bordeaux : la filière vin touchée par la hausse des prix des matières sèches

Après la crise sanitaire, la guerre en Ukraine a des répercussions sur le prix des matières sèches, qui servent à conditionner le vin. Entre les bouteilles, les capsules, les cartons ou encore les palettes, tout flambe et parfois certains produits viennent à manquer. Un casse-tête pour les vignerons et maisons de négoce très attentifs à leurs coûts de production, qui pourraient en partie être répercutés sur le consommateur.

Pour Jérémy Ducourt, vigneron à Ladaux en Gironde, la guerre en Ukraine se traduit par des tensions d’approvisionnement et hausse de prix, notamment sur les bouteilles en verre blanc, produites à partir de four à gaz, et sur des capsules en aluminium venant de l’est. Une tension déjà amorcée avec la crise sanitaire en 2021 qui l’avait amené à prendre quelques précautions et faire quelques stocks, notamment de cartons…

Car le prix des matières sèches, qui servent à conditionner le vin, augmente partout, sur tous les postes, de 20 à 30 % en moyenne comme le confirment de nombreux viticulteurs…

Jérémy Ducourt, co-propriétaires de vignobles Ducourt © JPS

« La tension sur les approvisionnements de matières sèches en ce moment nous conduit parfois à faire des arbitrages, cela se traduit par des décalages de conditionnement, qu’on ne peut pas réaliser car il va nous manquer des capsules au moment où on veut faire le conditionnement, où les bouteilles sont retardées on doit attendre la fabrication du verrier pour les bouteilles, notamment en ce moment pas mal de soucis sur les bouteilles blanches… , précise Jérémy Ducourt co-propriétaire des vignobles Ducourt.

« On a des collègues qui ont été obligés de conditionner du rosé en bouteilles vertes ce qui n’est pas habituel et très joli en terme d’esthétique… Nous pour l’instant, on arrive à faire attendre nos clients, et on décale nos conditionnement, cela arrive qu’on soit obligé de décaler d’un mois ou de deux mois les mises en bouteilles habituellement qui se font en ce moment des blancs et des rosés… »

Dans cette maison de négoce, la Maison Bouey à Ambarès-et-Lagrave, il s’agit de continuer à sortir 250 000 bouteilles par semaine avec les mêmes difficultés et une hausse de prix de 10 à 50 % sur le verre, les capsules, le carton et les palettes en bois….

« Certains fournisseurs, je parle notamment sur les capsules, auparavant nous demandaient 4 semaines pour produire une capsule, ils vont jusqu’à nous demander 4 mois pour produire ces capsules, donc on est sur des délais de livraison qui pourraient nous mettre vraiment éventuellement en rupture à certains moments… », commente Stéphane Lefebvre directeur de la Maison Bouey.

Si la hausse des prix peut être supportée par des acheteurs de grands crus classés, quelques dizaines de centimes d’euros en plus pourraient réfreiner l’achat sur de plus petits Bordeaux, notamment en grande distribution.

Il faut dire que les consommateurs sont déjà confrontés à l’inflation de l’énergie et des produits de première nécessité…

Stéphane Lefebvre, directeur de la Maison de Négoce Bouey © JPS

« Le vin n’est peut-être pas le produit prioritaire du moment, en tout cas pour une certaine catégorie de gens, qui achètent des Bordeaux entre 3 et 5 €… Une augmentation de l’inflation, une augmentation des coûts fait que on voit les ventes qui baissent… »

Cette crise d’approvisionnement et la hausse des prix n’ont jamais été aussi durement vécus par la filière. Elles risquent de durer encore plusieurs mois.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Olivier Prax, Christophe Varone :

 

01 Fév

Le syndicat viticole de Pessac-Léognan s’insurge contre le projet de parc photovoltaïque Horizeo à Saucats

 Le syndicat viticole de Pessac-Léognan vient de prendre une position ferme : il dit « non au projet de parc photovoltaïque Horizeo ! » qui devrait voir le jour à Saucats. Par un communiqué envoyé le 26 janvier il invoque une possible altération notable du climat. « On n’est pas contre le photovoltaïque », commente Olivier Bernard en charge du dossier au syndicat, mais « c’est en deux mots trop grand et trop près des vignes de Pessac-Léognan, car c’est venir empiéter sur le terroir de Pessac-Léognan. » Réponse d’Horizeo : « aucun phénomène microclimatique n’a pu être constaté à proximité immédiate de nos parcs solaires ». Une étude devrait être menée par l’INRAE.

Olivier Bernard et son fils Adrien du Domaine de Chevalier © JPS

Dans un communiqué non équivoque, le syndicat viticole de l’appellation Pessac-Léognan (créée en 1987) « s’insurge contre le projet Horizeo », contre l’implantation prochaine d’un parc photovoltaïque qu’il considère « trop près du vignoble et trop étendu… »

Olivier Bernard (propriétaire du Domaine de Chevalier) a été chargé par le syndicat et notamment Philibert Perrin de ce dossier. Un dossier qui sera sans nul doute évoqué à nouveau ce soir devant l’assemblée générale du syndicat. « En deux mots, c’est trop grand, trop près. Le parc s’installe à Saucats, à 5 ou 6 kilomètres de l’appellation Pessac-Léognan, certaines propriétés sont à moins que cela. Nous au Domaine de Chevalier, on se trouve à moins de 5 kilomètres de ce gros projet de 1000 hectares de panneaux photovoltaïques, de data-center, avec aussi production d’hydrogène…. Le photovoltaïque, on n’a rien contre, mais ces 1000 hectares d’un seul tenant c’est venir empiéter sur le terroir de Pessac-Léognan. Car il s’agit de 1000 hectares de forêt qui génèrent des conditions climatiques particulières, en forêt il fait plus froid en fait et pour nous les vins blancs ont énormément besoin de fraîcheur et c’est un sujet majeur. Alors que le réchauffement est un vrai sujet, là on enlève 1000 ha de bois…. » »

Dans son communiqué, le syndicat explique : « le projet, qui nécessite la suppression de pas moins de 1000 hectares de forêt, inclut en outre l’installation d’un certain nombre d’installations à risque… Bien qu’adhérant sans réserve au principe de l’énergie photovoltaïque, il relève que c’est sa dimension hors norme (le plus important d’Europe, prévoyant une amputation massive du massif forestier qui génère un risque grave pour l’environnement dont le vignoble fait partie intégrante.

« La conclusion, c’est trop grand, trop près car quand on installe un projet comme cela on part peut-être avec 200 hectares, mais on ne part pas avec  1000 hectares à 5 km de l’appellation Pessac-Léognan », commente Olivier Bernard.

1000 ha ça représente combien, c’est quoi l’élévation de température ? Notre micro-climat est lié intimement à cette forêt…Nos vins blancs ont besoin de fraîcheur, d’acidité, il ne faut pas que le réchauffement climatique soit accéléré par des mouvements comme celà. Que l’homme n’en rajoute pas. » Olivier Bernard syndicat de Pessac-Léognan.

Interrogé via Skype, Mathieu Le Grelle directeur du développement chez Engie et porte-parole d’Horizeo explique que le débat public est clos depuis le 9 janvier, il a duré 4 mois où chacun a pu donner son avis, s’exprimer au travers de questions de cahiers d’acteurs, d’initiatives partenariales…« Nous regrettons que des positions aussi tranchées soient prises avant la réalisation de l’étude scientifique qui aurait pu nous éclairer, le projet Horizeo est situé à 5 km du vignoble de Pessac-Léognan, des inquiétudes ont été formulées lors du débat public, nous avons rencontré l’AOC Pessac-Léognan et eu écho de ces inquiétudes… Mais on doit vous avouer qu’elles nous surprennent un petit peu eu égard au constat qu’on peut faire sur des parcs solaires existants, dans le Médoc ou à Cestas (300 hectares avec une technologie de panneaux solaires beaucoup plus dense qu’Horizeo)…

Aucun phénomène microclimatique n’a pu être constaté ni ne nous a été remonté des riverains à proximité immédiate de nos parcs solaires…Et par analogie sur l’aire urbaine de Bordeaux (25 fois plus grande qu’Horizeo), beaucoup de vignobles sont à proximité et on ne constate pas de perturbation du régime microclimatique, et il y a de très très grands châteaux » Mathieu Le Grelle d’Horizeo

Et Olivier Bernard de rappeler ses retours d’expérience de l’autre implantation à Cestas : «A Cestas, il y a déjà 300 hectares de panneaux et il y a des couloirs d’air chaud qui montent de cet endroit l’été…Je peux vous dire, parce que nous avons un aérodrôme, les planeurs jouent souvent des courants ascendant d’air chaud au dessus de Cestas… La forêt a été installée aussi pour des raisons hydrauliques, chaque pin pompe plusieurs m3 d’eau, on nous demande aussi de faire des bassins de rétention d’eau chez nous et là je n’ai pas vu de dossier de gestion de l’eau dans le projet. Les forêts par ailleurs nous épargnent lors des épisodes de grêle et ont aussi cette utilité ».

Quant au dialogue avec le syndicat, Mathieu Le Grelle : « On s’est engagé avec la profession viticole au cours du débat de mener à bien cette étude sur le micro-climat, qui devrait être porté par l’INRAE… On a proposé que la profession viticole participe à l’élaboration du cahier des charges. Ces études devraient pouvoir rassurer…  Nous avons convenu qu’il fallait plus de rigueur scientifique pour analyser les éventuels impacts d’un parc solaire sur le régime microclimatique et donc nous sommes en lien avec Météo France et l’Inrae pour envisager des études sur des parcs solaires existants et projeter sur Horizeo… »

 

Le siège de l’INRAE à Villenave d’Ornon en Gironde © JPS

De son côté l’INRAE a été saisie d’une étude sur le bilan carbone de ce projet, et a « participé à pas mal de réunion de débat public, aux cours desquels les impacts possibles sur le climat, l’hydrologie et l’ennuagement on été levé », commente Denis Loustau directeur de recherches à L’INRAE de Villenave d’Ornon. « On a fait une étude bibliographique sur le impact que pouvaient avoir de grands parcs solaires de ce type là sur ces facteurs de l’environnement, mais on n’a pas trouvé suffisamment de références dans ce contexte forestier et de climat tempéré pour pouvoir donner des réponses catégoriques sur les impacts que cela peut avoir… »

Donc à ce stade, « on se pose les questions sur ce que vont être les interactions climatiques entre ce parc photovoltaïque, la forêt qui est autour et à distance à 5 kilomètre le vignoble.

Denis Loustau directeur de recherches à l’INRAE © JPS

Ce qu’on voit dans la littérature scientifique il semble assez improbable qu’il y ait des aspects significatifs, de l’implantation de ce parc, à la fois en terme de températures, de vent, de précipitations, néanmoins sachant qu’il ya une incertitude à ce niveau là on a proposé à la région Nouvelle-Aquitaine de mettre en place un projet de recherche sur 3 ans, pour mesurer, vérifier ces impacts là… » Denis Loustau INRAE

Prochaine étape le 9 mars où la commission particulière du débat public « va rendre son rapport, après synthèse de toutes les questions, réponses et sollicitations exprimée dans le cadre du débat, ce n’est qu’ensuite que nous pourrons mener à bien notre travail pour envisager les suites à donner sur le projet Horizeo,  qui devrait arriver d’ici juin », conclue Mathieu le Grelle. Le planning théorique de construction évoqué lors du débat est prévu pour 2025 et 2026.

17 Jan

150 bouteilles prestigieuses volées à la Maison du Sauternes

C’est une cave emblématique, celle de la Maison du Sauternes, qui a été victime d’un cambriolage dans la nuit de vendredi à samedi. Un préjudice d’environ 50 000 euros avec quelques jolis flacons notamment d’Yquem.

Les casiers où étaient entreposés les prestigieuses bouteilles à la Maison du Sauternes © Jean Poustis France 3 Aquitaine

La période des fêtes est pourtant passée, et souvent de nombreux cambriolages ont lieu en cette période-là. C’est un cambriolage qui s’inscrit en début d’année et semble l’oeuvre de professionnels.

Interrogé ce dimanche par notre équipe de France 3 Aquitaine, Jean Poutis et Sylvie Tuscq-Mounet, Patrick Lamothe président de la Maison du Sauternes, une association de 60 adhérents, considére que les voleurs visaient surtout des bouteilles de « très grands vins », « 40 à 50 bouteilles de château Yquem ont été volées des bouteilles qui ont une valeur de 300 à 500 euros selon les millésimes. Il y a aussi 40 à 50 bouteilles de château de Fargues (propriété de la famille Sur Saluces ancienne propriétaire de château Yquem), qui coûtent environ 200€ l’unité »…

Les cambrioleurs ont d’abord neutralisé l’alarme, fracturé le coffre et puis fouillé la cave pour dérober 150 bouteilles de crus classés…

Ce qui les intéressait, ce sont des bouteilles de Sauternes, notamment des crus classés, puisqu’y figuraient pas mal de stocks de châteaux Yquem, de Fargues et Lafaurie-Peyraguey, tous les plus beaux châteaux de Sauternes qui sont nos adhérents à la Maison du Sauternes », Patrick Lamothe président de la Maison du Sauternes.

« Les voleurs ont pris soin de couper l’alarme et ils sont entrés par une porte de service que l’on utilise pour les livraisons. Cette porte se situe dans l’enceinte de la Maison du sauternes, peut-être connaissaient-ils les lieux » commentait hier Patrick Lamothe, président de la Maison du sauternes. « Après avoir fermé le grand portail, ils étaient tranquilles pour cambrioler la boutique ». 

« Le tiroir-caisse a été arraché, le coffre-fort qui comportait des espèces et des chéquiers ouvert au pied de biche, et un certain nombre de bouteilles ont été dérobées ».

Pour le Groupement de Gendarmerie de la Gironde, « ce sont des professionnels qui savaient comment faire pour déjouer les mesures de sécurité, que ce soit les alarmes, les caméras ou les détecteurs de présence, et qui manifestement restaient assez longtemps sur les lieux de l’infraction, prenaient leur temps et choisissaient les vins qu’ils souhaitaient… » La gendarmerie de la Gironde qui a déjà démantelé des groupes qui opéraient sur la région et qui récemment ont été condamnés devant le tribunal correctionnel de Bordeaux a créé une cellule régionale d’enquête sur ces affaires viticoles.

Regardez le reportage de Jean Poustis, Sylvie Tuscq-Mounet et Corinne Berge.

10 Nov

La Cour d’Appel de Bordeaux ordonne la radiation de l’appel de Valérie Murat

On l’a appris ce jour, la Cour d’Appel de Bordeaux a ordonné la radiation de l’appel de Valérie Murat dans l’affaire qui l’opposait au CIVB et à plusieurs châteaux, maison de négoce et ODG de Bordeaux. Valérie Murat a réagi cet après-midi et commenté devant l’immeuble du CIVB à 14h30, cette nouvelle décision de la 1ère chambre civile, qui lui interdit de faire appel de sa condamnation à 125 000€ suite au jugement du tribunal de Libourne pour dénigrement des vins de Bordeaux, où Alerte aux toxiques et Valérie Murat mettaient  à l’index la Haute Valeur Environnementale et l’utilisation de pesticides.

Valérie Murat, cet après-midi devant le CIVB © Ludovic Cagnato – France 3 Aquitaine

« Aujourd’hui, c’est une  journée et une décision historique parce que nous n’aurons pas le droit de faire appel », Valérie Murat débutait ainsi ses premiers commentaires sur cette décision de la Cour d’Appel de Bordeaux. « La décision exécutoire de Libourne est maintenant assortie d’une somme exorbitante de 125 000€; …  ils cherchent à me faire vendre le patrimoine familial de mon défunt père, qui est mort à cause des pesticides, à savoir la maison où vit ma mère. C’était déjà une condamnation démesurée, une condamnation orientée, en plus c’est aujourd’hui le droit d’appel exorbitant jamais vu, je rappelle que c’est la condamnation d’Europe avec la plus lourde peine. »

Nos adversaires n’ont pas envie de justice, mais de se venger de moi et d’envoyer un message à nos soutiens »Valérie Murat

Dans les motifs de sa décision, la 1ère chambre civile de la Cour d’Appel dispose : »lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé, et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision. »

Le CIVB, qui n’a pas souhaité faire de commentaire, avait demandé la radiation de l’appel avançant qu’elle et l’association n’avaient pas réglé l’intégralité de l’amende. Elle avait pu lors de l’audience du mois dernier expliquer qu’elle le faisait à hauteur de 800€ par mois depuis avril, mais visiblement elle ne pourra contester en appel le précédent jugement que quand l’association et elle-même se seront acquittés in solidum des 125 000 €…

Si la Cour relève effectivement de « modestes revenus » pour Mme Murat, elle donne quitus aux éléments fournis par le CIVB qui avançait qu’elle avait un patrimoine immobilier et viticole d’environ 5 hectares. Et de juger Me Murat « n’établit pas qu’elle serait dans l’impossibilité de régler les causes du jugement ou que ce règlement aurait des conséquences manifestement excessives ».

Selon Jean-Philippe Magret, avocat des Côtes de Bordeaux, « la Cour donne des obligations à Mme Murat et à son association, et si elles remplissent leurs obligations l’appel pourra revenir. La radiation n’est pas irrémédiablement définitive, la radiation est provisoire. Si l’appelant remplit ses obligations l’appel renaît, elle a un délai de deux ans. »

Valérie Murat et Alerte aux Toxiques avaient fait analyser une vingtaine de bouteilles de vin de Bordeaux et d’autres régions présentant des traces de résidus de pesticides,  et commenté ces analyses et réalisé différentes publications notamment sur leur site.  La Cour d’appel souligne : « s’agissant de la publication du jugement, celle de la décision entreprise sur le site alerteauxtoxiques.com a bien été exécutée, le texte du jugement étant directement accessible par téléchargement sur la page d’accueil du site. »

« En revanche, pour ce qui concerne la publication du dispositif du jugement sur les sites internet de divers journaux, s’il est exact que la publication sur le site du journal Le Monde excède nettement le coût maximum d’insertion fixé par le tribunal à 800 €, le coût de publication pour les autres journaux reste inférieur à cette somme, comme
l’établissent les factures produites par le CIVB qui a lui même fait procéder aux publications ordonnées pour un coût de 325,19 € HT sur le site de SUD OUEST et de 666,67 € HT sur le site du PARISIEN de sorte que le défaut de publication, au moins sur ces deux sites internet, ne peut être justifié par un obstacle financier.
En l’état de ces constatations, la radiation doit être prononcée ».

Et Valérie Murat de commenter devant l’immeuble de l’interprofession : « le CIVB cherche à m’asphyxier et à faire de moi un martyr, ils n’y parviendront pas, je me suis toujours battue avec mes tripes, avec mon coeur et avec mon âme et je continuerai à me battre jusqu’au bout ». 

Valérie Murat et Alerte aux Toxiques ont rétorqué en lançant un autre appel, un appel aux dons pour leur permettre de porter en appel leur condamnation pour dénigrement  des vins de Bordeaux. Affaire à suivre.

25 Oct

Affaire de prise illégale d’intérêts à Saint-Emilion : une condamnation et une relaxe

Le tribunal correctionnel de Bordeaux a condamné cet après-midi Hubert de Boüard à 60000 € d’amende, dont 20000 € avec sursis, dans le volet correctionnel du classement de Saint-Emilion, après que 3 châteaux déclassés aient porté plainte en 2013. Philippe Casteja est quant à lui relaxé.

Eric Morain, l’avocat des parties civiles, représentant les 3 châteaux déclassés © JPS

C’est peu avant 14h30 que le jugement, lu par le Président Denis Roucou, est tombé, en salle H du tribunal judiciaire de Bordeaux.

Hubert de Boüard est condamné à 60 000 € d’amende, dont 20 000 € avec sursis.

Le tribunal relève « les multiples participations d’Hubert de Boüard de la Forest à tous les stades de la procédure qui vont conduire à l’élaboration de la procédure de classement et à son règlement, que cela soit en participant à l’ODG (qu’il présidait) comme à diverses instances de l’INAO dont il est membre d’autant plus que le projet de nouveau règlement a fait de nombreuses navettes entre l’ODG et l’INAO et que nombreuses modifications sont intervenues dans les critères; cette participation active est en partie reconnue par le prévenu, mais elle est surtout confortée par les déclarations de Mr Faugas et les échanges de courriers et de courriels. Le rôle de l’ODG a été prépondérant dans l’élaboration du règlement et il n’apparait aucunement que Mr de Boüard, son président ne se soit mis, à un moment quelconque, en retrait ou se soit déporté. » Le tribunal complète en disposant que « Hubert de Boüard a accompli sciemment les actes matériel de l’infraction en choisissant d’exercer ce cumul de fonctions et en ayant conscience de ses intérêts personnels. »

Hubert de Boüard et son avocat Me Antoine Vey, le 20/09/21 lors de l’audience © JPS

Et de reconnaître comme il l’avait expliqué au tribunal:  » Hubert de Boüard s’est abstenu de voter notamment lors de la séance du 6 septembre 2012″, mais de lui reprocher aussitôt : »il a bien choisi de participer aux différentes séances alors qu’il aurait dû s’abstenir de siéger aux différentes séances, évitant ainsi que son impartialité soit mise en cause. » L’avocate d’Hubert de Boüard, également représentante de Me Vey (Cabinet Dupont-Moretti), avait prévenu ne pas vouloir faire de commentaire ni au début de l’audience, ni après. Hubert de Boüard a 10 jours pour faire appel, s’il le souhaite.

Pour Eric Morain, avocat des parties civiles et des 3 familles des châteaux déclassés tous présents (Corbin Michotte, Croque Michotte et la Tour du Pin Figeac) : 

On nous disait qu’il n’était pas possible de faire juger ce type d’affaire à Bordeaux, et il y a eu un procès, on nous disait qu’il n’était pas possible de gagner et il y a eu une condamnation, donc vous pensez bien au bout de 8 années, c’est une satisfaction et un soulagement, » Eric Morain avocat des parties civiles.

Philippe Casteja avec ses avocats Me Le Borgne et Bienvenu © JPS

Du côté de l’autre prévenu, Philippe Castéja, propriétaire du château Trotte Vieille et membre de l’INAO représentant le négoce, le tribunal l’a relaxé, poursuivi aussi pour « pour prise illégale d’intérêt par charge de mission de service public dans une affaire dont il assure l’administration ou la surveillance » avec « une présence limitée aux réunions » (de l’INAO) détaillant des « témoignages (d’abord) contradictoires sur sa présence lors de l’examen du dossier par le comité national » puis commentant celui de M. Biau et de Yann Schyler qui ont déclaré que lors de la séance de septembre 2012 « Philippe Casteja et Hubert de Bouard avaient quitté la séance et qu’ils n’ont participé ni au débat ni au vote. »

La position extrêmement prudente que mon client avait observé dans les débats de l’INAO, le retrait qu’il s’était imposé dans les décisions qui concernaient le classement de Saint-Emilion, justifiaient qu’il soit mis hors de cause », Me Jean-Yves Le Borgne avocat de Philippe Casteja.

Pour les familles des 3 châteaux déclassés venus en nombre, comme à chaque audience tant devant les juridictions administratives que celle-ci correctionnelle, ce jugement est différemment apprécié, en demi-teinte, car le tribunal n’a pas établi de lien direct avec le déclassement, ne leur reconnaissant pas de préjudice moral et ni financier, tout en déclarant Hubert de Bouard responsable d’une faute civile à l’encontre des parties civiles. Une somme de 1000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale leur sera versée.

« La justice est trop timide, les victimes ne sont même pas indemnisées, les votes à l’INAO vont continuer à l’être à main levée, je suis dépité », commentait à chaud Hubert Boidron de Corbin Michotte pour qui la condamnation à cette peine d’amende semblait bien dérisoire. Pour Pierre Carle du château Croque Michotte :

Qu’on n’ait pas reconnu tous les préjudices financiers et moraux, on sait qu’ils existent c’est une évidence, mais que la prise illégale d’intérêt ait été reconnue, démontrée et condamnée, ça c’est une victoire », Pierre Carle château Croque Michotte

Ce jugement risque fort d’avoir un écho devant la Cour Administrative d’Appel début 2022. Le Conseil d’Etat avait entendu en février dernierles avocats des châteaux déclassés en cassant l’arrêt qui confirmait le classement de Saint-Emilion

La Cour Administrative d’Appel devrait revoir ou non la copie de ce classement de 2012 de Saint-Emilion. Une affaire qui dure ainsi depuis 10 ans et alors même qu’un nouveau classement sera établi avec de nouvelles règles en 2022…

Lire ou relire :Classement des vins de Saint-Emilion : Hubert de Boüard et Philippe Casteja s’expliquent sur leur rôle au sein de l’INAO

27 Sep

Millesimus horribilis en Bourgogne: vendanges peau de chagrin

 « Il ne reste vraiment pas grand-chose ». Pluie, gel, grêle, maladies… Dans les vignes de Bourgogne, les vendanges confirment le constat amer que, cette année, « tout s’est acharné » à engendrer des pertes catastrophiques allant « jusqu’à 95% ».

Les vignes n’ont pas été épargné par le gel et les précipitations cette année © France Télévisions / Manuela Ibounda

Au bout d’une parcelle située dans la prestigieuse appellation de Pouilly-Fuissé, la remorque garée sur le chemin boueux peine à se remplir de grappes de chardonnay. « Une année normale, elle est pleine vers 09h30 », explique Julien Cheveau, co-gérantdu domaine qui porte le nom de sa famille.

Aujourd’hui, alors que la pause de midi approche pour les vendangeurs, le tas de raisins blancs n’atteint toujours pas le haut de la benne. « On fait parfois tout un rang sans avoir besoin de vider son seau », déplore Aurélie Cheveau, belle-soeur de Julien et co-gérante du domaine familial de 20 hectares.
« On a eu les grosses gelées autour du 7 avril: jusqu’à moins 8 degrés. La vigne est finalement repartie mais on a eu un gros coup de grêle le 21 juin, qui a anéanti tous nos espoirs en 15 minutes. Et les fortes pluies en septembre ont mis une grosse pression sur les maladies. 2021, c’est l’année où tout s’est acharné », résume la
vigneronne.
« Il ne reste vraiment pas grand-chose. On ne va pas être loin de 95% de pertes sur certains secteurs », lâche l’exploitante, pointant avec son sécateur tantôt des feuilles de vignes hachées par la grêle, tantôt des grappes minuscules, où le beau jaune luisant du chardonnay a parfois laissé place à des baies violacées couvertes de poils blancs, trahissant une pourriture due à la pluie.

« Globalement », pour l’appellation de Pouilly-Fuissé, dans le sud de la Bourgogne, les pertes se situent « entre 70 et 90% », évalue Aurélie Cheveau, qui est également présidente de l’Union des producteurs de Pouilly-Fuissé (360 adhérents pour près de 800 ha).

A l’autre bout de la Bourgogne, le constat n’est guère meilleur. « Ici, j’ai perdu entre 75 et 80% », estime Ludivine Griveau, régisseuse des Hospices de Beaune, tandis que défilent devant elle les cagettes à demi-pleines de pinot noir vendangé sur la prestigieuse colline de Corton (Côte d’Or).

« Ailleurs, je vais au mieux avoir 50% de pertes », lâche Mme Griveau, responsable des 60 hectares de vignes des Hospices. « Cette année, j’ai commandé 35 fûts, contre 120 à 150 normalement ».
Tandis que, sur l’ensemble de la France, la production de vin va chuter de 29% par rapport à 2020, pour s’établir à 33,3 millions d’hectolitres, selon le ministère de l’Agriculture, la Bourgogne semble encore plus touchée.
Dans cette région, « les rendements sont historiquement bas », estime François Labet, président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB). On est globalement entre 30 et 50% de pertes mais il y a de gros écarts, avec 70 et 80% de pertes pour les blancs de la Côte de Beaune et -50% dans le Chablis et le Mâconnais ».
 Le responsable dit « ne pas connaître d’endroit qui ait échappé au gel » et s’attend à une « pénurie » pour la cuvée 2021. « On va faire le plus petit millésime que la Bourgogne ait jamais faite », assure Thiébault Huber, président de la Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne (CAVB).
Mais la qualité pourrait bien venir compenser la faible quantité, espère Eric Pilatte, expert viticole indépendant, en évoquant « les belles journées depuis le 15 août », qui, avant les pluies, ont permis une belle maturation.
Cependant, au-delà de cette annus horribilis, c’est la répétition des dérèglements climatiques qui inquiète la profession. « Depuis 2010, on n’a eu que deux années sans problèmes majeurs: 2017 et 2018 », rappelle François Labet. « En 2019, on a eu une moitié de récolte, déjà en raison du gel. Si on a un an
sur deux comme ça, on se demande ce que va devenir notre métier », s’inquiète Aurélie Cheveau.
AFP

25 Sep

Côté châteaux n°25 : spécial vendanges et petite récolte pour le millésime 2021

Vous l’attendiez, le revoilà ! Le magazine Côté Châteaux fait son grand retour sur France 3 Noa lundi 4 octobre à 20h05 avec ce numéro 25. Un magazine qui revient sur ce « satané millésime 2021 » qui a été et va être très difficile à produire, à cause du gel du printemps et du mildiou du début d’été. Retour sur ces aléas climatiques sur le vignoble bordelais entre Saint-Emilion, les Graves, Pessac-Léognan et les Côtes de Bourg et en Blaye Côtes de Bordeaux. Entretiens avec Jean-Jacques Dubourdieu du Clos Floridène et Paul Garcin du château Haut-Bergey. Une émission réalisée par Jean-Pierre Stahl et Alexandre Berne.

Début des vendanges à Clos Floridène le 15 septembre, avec Alexandre Berne et Jean-Jacques Dubourdieu © JPS

« Récolter du raisin en 2021, c’est déjà un exploit ! On a passé 8 nuit à lutter contre le gel, le printemps a été horrible. Finalement on a du raisin, il est arômatiquement assez intéressant et les acidités sont très bonnes.. », Andrea Perrin, l’oenologue du château Carbonnieux résume à lui seul cette année horrible pour un vigneron. Partout en France le gel a été intense à Chablis, en Bourgogne, en Alsace, en Champagne et bien sûr dans le Bordelais. Les quantités de raisin et la récolte vont s’en ressentir. Les vignerons vont s’en souvenir de ce millésime 2021.

Nous nous retrouvons en ce 15 septembre avec Jean-Jacques Dubourdieu  au Clos Floridène à Pujols-Sur-Ciron qui comme bon nombre de viticulteurs et d’ouvriers viticoles n’ont pas bien dormi en ce début avril 2021 : « eh oui, ça a été un printemps assez mouvementé, c’était les montagnes russes, avec un certain nombre de matinées très fraîches, bon ici à Clos Floridène on est habitué à cette lutte (contre le gel), on a des éoliennes depuis près de 25 ans, et puis on adapte nos méthodes culturales avec une taille plus tardive, donc globalement on a un peu de dégâts mais on a une récolte en blanc qui est un peu au dessus d’une moitié de récolte, ce qui pour une année de gelée est acceptable et à un niveau de qualité parfait bien sûr… Et puis après des conditions climatiques difficiles du 15 juin au 15 juillet, particulièrement humides où le mildiou a , pris aussi sa part.

Une année où il y a eu gel et mildiou, c’est un peu frustrant… Ici les pires matins, c’est descendu entre -6 et -7°C. 2021 va resté gravé dans la mémoire de tous les vignerons, du début du printemps jusqu’au début de la récolte on a tremblé à chaque instant… », Jean-Jacques Dubourdieu du Clos Floridène.

Frédéric Faye, a mobilisé 35 personnels la nuit du 6 au 7 avril à Figeac © JPS

La suite de ce Côté Châteaux nous replonge dans ce combat dantesque qu’ont mené les vignerons de Saint-Emilion et notamment au château Grand Corbin Despagne avec François Despagne dans la nuit du 6 au 7 avril  : « C’est une soirée angoissante, on est sur le pont depuis 10 heures, là il est 5h30 du matin, cela fait déjà 7 heures qu’on tourne, qu’on sonde dans les vignes à droite, à gauche, qu’on allume des feux, des foins, qu’on allume des bougies, avec aussi l’éolienne qui fonctionne déjà depuis 5 heures ».  Tous avaient disposé des milliers de bougies comme au château Figeac, 1er cru classé de Saint-Emilion, 9000 bougies qui brulaient depuis 1 heure du matin, pour lutter contre cette gelée noire.« On considère qu’il faut une heure à -2° pour griller les bourgeons qui commencent à éclore. C’est vraiment une masse d’air qui arrive du pôle et qui se déplace sur une grande partie de la France et beaucoup de nos confrères vignerons ont aussi été touchés, »Frédéric Faye directeur château Figeac.

Jean-Jacques Dubourdieu dans son chai à barriques du Clos Floridène © JPS

« On sait qu’on a une demi-récolte dans les tuyaux et ce ne sera déjà pas si mal, à la fin cela fait un millésime où il n’y aura pas beaucoup de vin. Cela ne veut en aucun cas dire qu’il ne sera pas qualitatif, et généralement bien au contraire car quand la vigne produit moins elle fait du bon vin, cela dit cela ne suffit pas à consoler le vgneron car cela intervient après les 3 derniers millésimes qui étaient des super millésimes 2018, 2019 et 2020, mais où on n’a pas produit énormément aussi. Donc depuis 2016, qui était l’année généreuse à Bordeaux, on n’a pas produit de millésime de manière confortable… Donc après le challenge où on s’est demandé si c’était vendre ou produitre, aujourd’hui,  on se dit c’est sans doute produire et c’est une interrogation dans les années à venir pour toute la profession…

« Certains vignobles dans le monde se plaignent de manquer d’eau, nous à Bordeaux on est très loin de cette problématique, et c’est ce qui en fait un vignoble durable avec un vrai futur…Mais avec des aléas et une pression de maladies et notamment de mildiou… de plus en plus préoccupante et qui nous fait perdre chaque année plusieurs dizaines de milliers d’hectolitres et cela devient problématique pour tous les vignerons quelque soit leur niveau de valorisation… »

Attaque de mildiou sur des cépages de merlot en Côtes de Bourg © JPS

Le mildiou véritable plaie à Bordeaux, vous vous en rendrez compte aussi avec ce reportage dans les Côtes de Bourg : « on a le mildiou sur feuilles,  donc on voit bien les taches d’huile, qui sporulent, c’est un champignon, avec la pluie cela va tomber sur les grappes et infecter les grappes. On voit bien sur un pied comme cela, il y a 70 à 80% de pertes », commentait en juillet David Arnaud du château Tour des Graves à Teuillac en Gironde.

Il a du effectuer 15 traitements à base de cuivre, des traitements qui ont souvent été lessivés par la pluie, avec plus de 300 millimètres d’eau tombés sur 2 mois. « On s’est battu tant qu’on a pu, on n’a pas de regret, on a fait ce qu’on a pu, mais la maladie a gagné. »  Au château Peyreyre à Saint-Martin-Lacaussade en Blaye Côtes de Bordeaux, l’oenologue Jean-Luc Buetas n’en reviennait toujours pas: « moi, dans ma carrière, c’est la 1ère fois que je vois une année aussi pluvieuse sur la période végétative ! C’est une très grande inquiétude, on peut estimer 20 à 30 % de perte, on a la pression de la pluie et du mauvais temps qui est constante, ce qui nous amène à une inquiétude forte… », Jean-Luc Buetas du château Peyreyre.

Paul Garcin, dans une parcelle de merlots au château Haut Bergey © JPS

La suite de ce Côté Châteaux n°25 nous emmène à Léognan au château Haut-Bergey, conduit en biodynamie depuis 2016. Paul Garcin nous explique en plein milieu des merlots sur des sables :« effectivement cette année cela a été une vraie bataille contre cette maladie qu’est le mildiou à cause de l’humidité… On a eu les deux, un peu de mildiou sur feuilles et un peu sur grappes. Il y a eu plusieurs phénomènes, le premier c’est qu’on a eu du gel, un coup de froid et c’est comme un homme quand on prend un coup de froid, après on est fragilisé et la vigne c’est pareil. »

‘ »Nous c’est vraiment sur ce cépage-là le merlot où c’est un peu plus dur sur la région, après la façon dont poussent les autres cépages fait qu’ils sont un peu plus tardifs et donc ils ont été naturellement plus protégés de ce gel. On est touchés, durement touchés, mais malgré tout on s’en sort un petit peu mieux que les autres régions, ce qui est un point positif pour nous, mais ce qui est très difficile pour tout le monde… »

« Néanmoins on va pouvoir vendanger, vendanger de jolies choses, on va avoir un joli millésime parce que quand on a des années où la vigne souffre un peu comme cela elle crée des antocyanes, elle est là pour se protéger donc cela fait des millésimes structurés, qui vont être intéressants, on av avoir une belle maturité, le soleil est avec nous cela va faire de jolies choses… »

Quant à savoir si c’est aussi facile de traiter en biodynamie, s’il n’y a pas plus de contraintes? Paul Garcin répond : « on a une contrainte on doit passer derrière les pluyies au plus tôt, et de manière à prévenir les pluies… Il faut toujours avoir un temps d’avance sur le contact de cette maladie avec nos feuilles. Donc il faut traiter le plus rapidement possible et le plus précocement possible pour protéger au maximum ».

Paul Garcin, qui incarne la nouvelle génération de vignerons répond également sur ce tournant que semble prendre la viticulture à Bordeaux à faire davantage de bio ou de biodynamie : « j’ai de plus en plus de copains qui se tournent vers ce type de travail, avec une vraie volonté de raviver Bordeaux, d’amener quelque chose de plus rieur, de plus enchanté dans le vin avec une vraie dynamique de dégustation, voire de consommation plaisir… »

Et de présenter sa cuvée Paul qu’il sort « sur des autres contenants que des barriques, sur des oeufs en béton, des choses en inox ou d’autres choses encore plus originales, donc on est vraiment sur les arômes les plus purs du fruit, plus facile à boire »…

Paul Garcin, prêt pour les vendanges de ses merlots avec son château Haut-Bergey © JPS

Il y a toute une nouvelle génération de consommateurs qui se mettent à boire du vin, ils cherchent souvent des vins de lieux, des vins de vigenrons : « je crois qu’on cherche de plus en plus cette idée d’identité, il y a l’identité du terroir, mais aussi l’identité d’une personne derrière qui fait le vin, avec cette envie de signer des vins et de ne pas uniformiser, mais plutôt de rentrer dans cette idée de personnalité ! »

Regardez ici Côté Châteaux n°25 réalisé par Jean-Pierre Stahl et Alexandre Berne : 

20 Sep

Classement des vins de Saint-Emilion : Hubert de Boüard et Philippe Casteja s’expliquent sur leur rôle au sein de l’INAO

Ce sont deux grandes figures de Bordeaux et de Saint-Emilion, qui comparaissent depuis aujourd’hui devant le tribunal de Bordeaux pour prise illégale d’intérêts. Ils ont pu s’exprimer longuement et ont réfuté avoir participé et voté concernant le nouveau règlement du classement de Saint-Emilion au sein de l’INAO. Des échanges parfois tendus avec le président. Les châteaux parties civiles qui ont été déclassés ont été entendus cet après-midi et  souhaitent que justice leur soit rendue.

Ce matin, à la barre du tribunal, Hubert de Boüard reconnaît ses différentes fonctions dans le monde du vin, et notamment dans les syndicat viticoles qu’il a pris très jeune. Co-propriétaire d’Angélus, président de l’ODG Saint-Emilion, président régional (2004-2017) et membre de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (anciennement Institut National des Appellation d’Origine). Pour autant, concernant ce classement, il déclare : « je me suis toujours mis comme ligne rouge de ne pas participer et de ne pas voter…C’était un traumatisme ce classement cassé en 2006, nous avons tout fait pour sécuriser un classement, et dans le cadre de l’INAO j’ai respecté les règles. »

Pour Antoine Vey avocat d’Hubert de Boüard: « très clairement durant toute cette procédure, rien n’a démontré une quelconque influence de Mr de Boüard donc on espère que ce sera vu par le tribunal et jugé ainsi… »

Toutefois au cours des échanges avec le président Roucou, le Président de l’ODG a reconnu à ce titre avoir échanger avec l’INAO par le biais d’e-mailS, « c’était des avis (consultatifs) dans le cadre de l’ODG qui sont donnés  par rapport à un cahier des charges. On me demande un avis alors je donne un avis, si on m’avait dit mR de Bouard vous êtes à l’INAO vous ne pouvez pas donner d’avis , je ne l’aurait pas fait…. Je n’établis pas les critères. J’ai participé et voté dans le cadre de l’ODG et ai voulu mettre plus de dégustation. »

Le fait d’avoir été à l’ODG et participé aux délibérations où siège de nombreux vignerons de Saint-Emilion: « on ne m’a jamais interdit de le faire… »

Philippe Casteja, propriétaire du château Trotte Vieille 1er cru classé B affirme lui aussi s’être mis en retrait lors des décisions de l’INAO concernant Saint-Emilion, démontrant qu’il avait pris un taxi puis un avion avec Hubert de Bouard quand le dossier était exposé… Le matin même son avocat avait avancé aussi pour sa défense une question prioritaire de constitutionnalité… « Le conflit d’intérêts est une situation inopportune, ce n’est pas pour autant qu’elle est une situation de culpabilité, on verra si un jour ou l’autre le législateur ou le conseil constitutionnel s’en préoccupe… », selon Jean-Yves Le Borgne avocat de Philippe Casteja.

Cet après-midi, les propriétaires des châteaux déclassés ont pu exprimer leur désarroi face à ce nouveau classement de 2012, dont les règles définitives sont tombés après leur candidature…

« Les classements depuis 1955, le seul critère c’était celui de la dégustation, et c’est ce qu’attend le client et pas autre chose… A partir de 2012, on a descendu la dégusattion à seulement la moitié de la note », selon Pierre Carle du château Croque-Michotte.

« Le préjudice est énorme, d’abord humain, nous sommes toujours dans l’incompréhension, pourquoi nous a-t-on exclu, nous sommes persuadés qu’il y a eu des irrégularités et de la malveillance… » commente Isabelle Boidron-Degrange du château Corbin-Michotte.

Ces châteaux qui avaient toujours été classés depuis 1955 vivent depuis 9 ans un calvaire, avec des conséquences financières sur les vins et le prix des propriétés, « l’assiette foncière a été divisée par 2 ou par 3 » selon Isabelle Boidron-Degrange.

Demain place aux différentes plaidoiries des avocats parties civiles, aux réquisitions du procureur de le République et aux plaidoiries des avocats de la défense. Affaire à suivre.