07 Juin

Marie-Lys Bibeyran devant la Cour d’Appel de Bordeaux pour faire reconnaître la maladie professionnelle de son frère, une maladie liée « aux produits de la vigne »

C’est le combat de sa vie, un combat du pot de terre contre le pot de fer. Pourtant elle ne lache rien. Depuis le décès de son frère Denis, ouvrier viticole, Marie-Lys Bibeyran se bat pour faire reconnaître que le cancer qui l’a emporté était du aux traitements récurrents dans la vigne, des traitements avec des pesticides.

Marie-Lys Bibeyran annonce que son frère aurait eu 55 ans aujourd'hui © JPS

Marie-Lys Bibeyran annonce que son frère aurait eu 55 ans aujourd’hui © JPS

Ce matin, dès 8 heures, ils étaient une vingtaine de personnes à venir soutenir Marie-Lys Bibeyran devant la Cour d’Appel de Bordeaux. Son frère, Denis Bibeyran a déclaré un cancer des voies biliaires intra hépatiques (cholangiocarcinome) en novembre 2008. Il travaillait dans les vignes depuis plus de 30 ans, et y effectuait des traitements de pesticides depuis plus de 20 ans.

Il décéda finalement en octobre 2009, sans avoir eu de réponse à sa question de savoir si sa maladie était liée aux « produits de la vigne ». Sa sœur Marie-Lys Bibeyran, a repris le combat et engagea en juin 2011 une procédure en reconnaissance post mortem de maladie professionnelle.

Mon frère est né le 7 juin 1962, on est le 7 juin 2017, il aurait eu 55 ans aujourd’hui, le fait que cette audience se tienne le 7 juin, ce n’est pas un hasard, aujourd’hui mon frère a rendez-vous avec son statut et cette reconnaissance de victime, ainsi que l’ensemble des victimes des pesticides », Marie-Lys Bibeyran.

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Autour de Marie-Lys Bibeyran, des responsables d’Europe Ecologie les Verts, dont Pierre Hurmic célèbre avocat bordelais, mais également d’autres militants de Générations Futures, ou d’Alerte aux Toxiques comme Valérie Murat, qui a perdu son père également atteint d’un cancer à cause de l’utilisation de pesticides :

Il faudrait une obligation légale déjà et bannir les pesticides les plus dangereux, ça ce n’est même plus moi qui le dit aujourd’hui c’est le rapport de l’ONU, qui est sorti e début d’année, et qui est un rapport accablant sur l’agro-industrie et l’utilisation des pesticides, qui est solution qui ne peut pas être viable à long terme », Valérie Murat parole de l’association Alerte aux toxiques.

Après la confirmation par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des décisions de rejet des deux Comités Régionaux de Reconnaissance de Maladie Professionnelle, Marie-Ly Bibeyran a poursuivi son combat devant Cour d’Appel de Bordeaux. Celle-ci  a ordonné par une décision du 16 avril 2015, une expertise sur pièces. Une expertise qui va être examinée scrupuleusement par la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Bordeaux.

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L’audience qui s’est tenue en fin de matinée en environ une demie-heure n’a pas permis de dire quelle sera la position de la Cour, chacun des avocats a évoqué leur axe d’attaque et de défense, mais la Cour va répondre au fond à chaque argumentaire des conclusions déposées fin mai par les deux parties.

Me François Lafforgue, pour la famille Bibeyran, a regretté que la maladie ne figure pas parmi la liste des maladies déjà reconnues, tout en soutenant que son cancer soit de la même famille que l’un de ceux visés par le tableau. Son argumentaire vise dès lors à prouver « un lien de causalité direct et essentiel » :

  • « un lien essentiel », en prouvant d’abord que « Denis Bibeyran, n’était pas exposé à un facteur de risque extra-professionnel, ne fumant pas, et n’étant pas alcoolique, devenant malade à seulement 46 ans alors que ce type de pathologie apparaît d’habitude à 60 ou 70 ans. »
  • « un lien direct » : « oDenis Bibeyran était-il exposé aux pesticides, oui assurément ! L’étude lancée par Générations Futures révèle une enquête accablante : les salariés viticulteurs étaient particulièrement exposés aux pesticides, 11 fois plus que les riverains », selon les analyses qui ont été faites de traces dans leurs cheveux et « + de 45%d ces pesticides trouvés dans les  cheveux sont cancérogènes. »
Me François Lafforgue, l'avocat de la famille Bibeyran © JPS

Me François Lafforgue, l’avocat de la famille Bibeyran © JPS

Me Lafforgue a regretté que l’une des propriétés où Denis Bibeyran n’ait pas donné la liste des produits qu’il avait utilisé avant les années 2000, toutefois il a précisé que l’activité de traitement dans le bordelais était entre 11 et 15 traitements par an, donc bien évidemment il a utilisé des pesticides. Il n’était pas non plus dans une cabine fermée, il a travaillé dans des « bobards » en diffusant ces pesticides. »

L’avocate de la Mutualité Sociale Agricole, Me Françoise Pillet, n’a pas souhaité répondre à nos questions. A l’audience, elle a rappelé que : « la maladie de Mr Bibeyran ne figurait pas au tableau des maladies professionnelles, par deux fois les Comités Régionaux de Reconnaissance des maladies Professionnelles ont statué pour dire que cela n’était pas reconnu comme maladie professionnelle ». « Par ailleurs, les analyses des calendriers de traitements de 2000 à 2008 ne mettent pas en évidence qu’il était soumis aux pesticides organo-chlorés. » L’avocate a demandé la confirmation du jugement du TASS.

Si  la reconnaissance à titre post mortem du statut de victime à Denis Bibeyran, intervenait, il s’agirait d’une décision qui pourrait faire jurisprudence. La Cour d’Appel rendra son arrêt le 21 septembre prochain.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et Sylvie Tuscq-Mounet, montage Christophe Varone :