04 Avr

Olivier Bernard sur le 2015 : « un millésime dans la ligne des 2000, 2005, 2009 et 2010 »

Le Président de l’Union des Grands Crus de Bordeaux donne son avis sur le millésime 2015. « Un millésime dans la ligne des 2000, 2005, 2009 et 2010 ». Il est l’invité de Parole d’Expert dans Côté Châteaux.

Olivier Bernard en famille avec sa femme et ses deux fils au Domaine de Chevalier © Jean-Pierre Sathl

Olivier Bernard en famille avec sa femme et ses deux fils au Domaine de Chevalier © Jean-Pierre Sathl

Jean-Pierre Stahl : « Quel jugement portez-vous sur le nouveau millésime 2015 à Bordeaux ? »

Olivier Bernard : « Depuis le début, je dis qu’il est dans la ligne de ce qu’on a fait en 2000, 2005, 2009 et 2010, donc il fait partie des grands, dans la famille de ces belles réussites de ces dernières années, il est là !

Comme des enfants d’une même famille peuvent être différents entre eux, il est très différent du 2010, mais ça dépend des propriétés : il y a une grande diversité d’expression sur ce millésime de vin assez classique jusqu’à assez exotique ; et on a une palette qui est très très ouverte cette année avec des vins assez tanniques, finalement assez rigoureux et puis des vins qui nous font penser plus à des vins du sud de la France, avec toujours cette grande élégance, cette grande fraîcheur. Beaucoup de gens se rappellent un millésime chaud, or on a vendangé relativement tard, donc 2015 n’est pas un millésime chaud, on est plutôt sur la fraîcheur.

JPS : « On voit la planète entière revenir à Bordeaux, il y a un réel enthousiaste des étrangers pour ce 2015 ? »

Olivier Bernard : « Depuis 2009, on n’avait pas connu un millésime grand public comme cela. Tous les amateurs de vins Français, Européens ou Américains savent que 2015 est grand.

Le bouche à oreille s’est fait très vite sur ce millésime 2015, c’est le signe des grands millésimes. » Olivier Bernard

« C’est un millésime grand public connu, reconnu. Moi mon dentiste qui n’est pas forcément un passionné de vins m’a dit « bon cette année on achète des primeurs ! » Donc, il y a plein de gens qui sont sur des millésimes comme celui-là très attachés. On l’avait vu sur le millésime 2009, un peu moins sur le 2010 moins grand public. Et on le revoit sur le millésime 2015. »

Jean-Pierre Stahl : « Faut-il avoir peur du coup d’une nouvelle envolée des prix sur le 2015 ? »

Olivier Bernard : « J’ai envie de dire qu’en 2009 et 2010, il n’a pas eu des prix qui ont été très élevés, hormis en fin de campagne un certain nombre de crus se sont envolés parce que le marché les a fait s’envoler. Mais globalement tous ceux sortis en début de campagne 2009 et 2010 sont sortis à des prix raisonnables, et les Français ne se sont pas trompés, ils ont acheté du 2009 massivement. 2015, ça sera la même chose. Alors parler des quelques exceptions des vins à plus de 1000 €, ça représente un très faible pourcentage. Il y a peut-être 30 marques maximum qui, parce que la demande est extrêmement forte, sont capables de s’envoler. Ceux-là, on en reparlera dans un mois. »

« Mais globalement, Bordeaux c’est 6000 châteaux, sur ces 6000, il y en a 5970 pas chers… »

Regardez l’interview réalisée par Jean-Pierre Stahl et Pascal Lécuyer

Le millésime 2015 très attendu, dévoilé lors de la grande semaine des primeurs

Entre 5000 et 6000 négociants, importateurs, cavistes et oenologues de France et du monde entier investissent dès ce lundi matin les différentes dégustations dans le vignoble de Bordeaux. Un millésime qui va à nouveau attirer du monde et faire parler de lui après les millésimes quelque peu en retrait de ces dernières années, excepté le 2014.

Les 12 châteaux de l'Expression Fronsac © Jean-Pierre Stahl

Les 12 châteaux de l’Expression Fronsac présentés avant tous les autres primeurs… en primeur le 13 mars © Jean-Pierre Stahl

Ce millésime 2015 est attendu comme le messie ! Celui qui va apporter la bonne parole après quelques années de turbulences à Bordeaux. On va très vite oublier ce 2013 que les propriétés et la grande distribution essaient d’écouler, ces derniers temps. Les 2011 et 2012 n’avaient pas vraiment emballé les critiques, même si certains avaient très bien réussi leurs millésimes. Seul le 2014 avait contribué à commencer à redorer le blason de Bordeaux.

Avec ce 2015, on efface toute critique et on y va avec la banane…Pas ce goût servi dans le beaujolais nouveau, mais simplement avec le sourire car le 2015 aura bien profité de l’été indien, après une sécheresse de juillet mémorable (qui a failli coûté la vie de certains pieds) et ce qu’il fallait de pluie en août, avant d’attendre, d’attendre…pour ramasser avec la meilleure maturité.

Depuis 2010 et son millésime classé « exceptionnel », on attendait un nouveau messie… La décennie précédente avait été généreuse avec un 2009 tout aussi historique et remarquable qui peut déjà s’apprécier fort sympathiquement (alors qu’il faut encore attendre ces 2010), il y avait eu aussi ce fabuleux 2005, et dans une certaine mesure un 2001 pas trop mal. Bordeaux a toujours connu des millésimes d’anthologie comme 1990, 1982, 1961, 1959, 1953, 1947 ou 1945. 2015 risque de marquer une fois de plus les esprits des négociants, importateurs et journalistes du monde entier dans ce petit microcosme qui va retenir son souffle et faire de Bordeaux « la planète vin ». Demain matin dès 9h30, les « Pessac-Léognan » vont ouvrir cette valse à mille temps comme aurait dit le grand Brel au château Malartic-Lagravière :

On pressent que ce millésime va attirer du monde, on attend nos clients pour le déguster et le comprendre avec nous », Séverine Bonnie, co-gérante des vignobles Malartic-Lagravière, grand cru classé de Pessac-Léognan

Pour Séverine Bonnie, le 2015 « est un très beau millésime, au-dessus des 2011, 2012, 2013, 2014, il n’y a pas photo et il fera partie des très, très beaux à Bordeaux ». « Après, c’est difficile de le comparer avec les deux derniers grands, les 2005 et 2010. 2010 était très concentré, le 2015 apparaît plus souple, plus féminin, il a une approche plus raffinée et gourmande avec tout autant de matière », a-t-elle confié à l’AFP cette semaine.

Ce sont plusieurs dizaines de petits lieux et autres grandes places des dégustations qui vont s’animer du 4 au 7 avril. On va tout découvrir : des blancs aux liquoreux, en passant par les rouges et autres bio en vogue. Des gentlemen de la dégustation sont déjà entré dans la danse à commencer par les célèbres critique Jacques Dupont du Point ou Neal Martin du Wine Advocate. La danse va se faire plus intense, quitte à rentrer en transe jusqu’aux fameuses notes de dégustation qu’attribueront les dégustateurs les plus influents. Elles donneront ainsi le « la » aux propriétés pour fixer le prix des bouteilles, avec cette particularité où le premier à sortir son prix sera observé avec de gros yeux ronds… Une chose est sûre, le négoce et la place de Bordeaux verraient d’un mauvais oeil une inflation trop importante qui risquerait d’handicaper encore les ventes de Bordeaux malmenées sur quelques marchés traditionnels européens.

Ce 2015 qui s’annonce déjà comme un très très grand millésime de garde va bien sûr enthousiasmer les américains avec une parité euro/dollar favorable, les anglais aussi avec leur livre très forte, la Chine et Hong-Kong, sans oublier le marché hexagonal.

Un millésime qui pourra être acheté durant ce printemps mais dont la livraison n’interviendra qu’en 2017 peut-être à un prix supérieur si le système des primeurs reste attractif…ou pas. Cela fait des années que l’on annonce sa disparition. Ce matin le grand manège des dégustations d’un millésime qui n’a pas fini son élevage redémarre pour le plus grand plaisir de la « planète vin ». Allez, c’est parti, on y va…

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Pascal Lecuyer et Corinne Berge :