19 Jan

Quand le Faiseur de Vin se fait poète… « c’était bien, c’était chouette »

Un nouveau billet d’humeur du Faiseur de Vin et un brin de nostalgie… Olivier Dauga dans une humeur pluvieuse, de retour du soleil (découvrant que Michel est parti…), est très en verve et il le partage bien volontiers sur le blog Côté Châteaux. C’est bien et c’est toujours chouette !

12540905_10153332841233091_2161657664885793037_n« C’était bien, c’était chouette, chez Sandrine Philippe

Saint-Emilion, c’est pluriel.
Pour certains, c’est la colline inspirée du vin, ces vignes à l’ombre du clocher de ce village aux artères piétonnes et aux tannins parfaits pour les coronaires. C’est la magie d’une AOC devenue une marque porteuse, une référence immuable par la promesse du père et du grand-père, sur la table du dimanche, avant, pour tuer la fin de l’après-midi, de marcher dans la fraîcheur du soir, et ce aux quatre coins du monde. Le Saint-Emilion aidant, nostalgie oblige, on se plaint du temps qui passe, les regards posés sur les grands cimetières sous la lune. On l’aura compris, du Barrès, Du Bernanos, ajoutons Maupassant et Gide, de la french touch, de l’allant, du rêve. Ausone, Cheval-Blanc, Angélus…

Pour d’autres, plus connaisseurs, Saint-Emilion incarne les grands cabernets francs, les côtes calcaires, les argiles tournées vers Pomerol, la magie d’Ausone bien sûr, mais encore Beauséjour-Duffau-Lagarrosse, Tertre-Roteboeuf, Larcis-Ducasse, Pavie-Macquin, l’andouillette de François de Ligneris à L’Envers du décor, la trajectoire, digne d’un roman d’Horatio Alger, de Stéphane Derenoncourt. C’est aussi une AOC trop grande, du meilleur et du pire, c’est enfin un classement mâché, trituré, malaxé, cul de jatte. On dirait plutôt, pour les avertis, un peu de bling-bling, de l’excellence et de l’intrigue à la Mauriac, un côté Drieu La Rochelle, Francis Scott Fitzgerald et son Gatsby…

Olivier Dauga et Sandrine Philippe au Clos Saint-Emilion Philippe © Jean-Pierre Stahl

Olivier Dauga et Sandrine Philippe au Clos Saint-Emilion Philippe © Jean-Pierre Stahl

Et puis il y a une troisième catégorie de personnes qui tendent leur bâton de pèlerins vers ce village, sac au dos, fouinant, cherchant le vin accessible, sans stars ni paillettes, nenni. Sans préjugés ni bonne conscience. Du terrain, de la simplicité, du jus de raisin fermenté. Ça pourrait être du Jean-Patrick Manchette, du Simenon ou du Michel Delpech… Dans cette veine, avec un peu de chance et beaucoup d’envie, on peut tomber sur le « Clos Saint-Emilion Philippe » et sa charmante Sandrine. Brune, deux billes noires à l’italienne. Elle s’occupe tranquillement de ses 8 hectares que son arrière-grand-père avait acquis en 1927. L’étudiante était partie pour des études de biologie sans vraiment savoir. Son père médecin à Libourne avait gardé la propriété. Alors, on y va… Loin de l’image d’Epinal. Elle nous explique la réalité d’une grande partie de la profession : le travail, la pression, parfois la solitude et la difficulté du commerce lorsque l’on n’est pas une étiquette star.

« En 2005, il a fallu tout reprendre, ça m’a pris toute mon énergie, tous mes week-ends, du coup j’ai eu un enfant sur le tard », raconte-t-elle toujours avec le sourire des gens qui prennent la vie comme elle vient. La petite a deux ans et demi ; elle s’appelle Clara. Il y a 40 000 autres enfants tous les ans qui se décomposent en trois cuvées : le Saint-Emilion classique, un vin à déboucher tous les jours ; la cuvée haut de gamme se nomme 109, 110, 111, etc. en fonction du millésime, il est concentré, puissant, destiné à la garde ; entre les deux, une très belle découverte que ce Saint-Emilion Grand Cru, notamment le 2012, tout en équilibre, en élégance, en fraîcheur. Sandrine ne cherche pas à faire des vins trop riches en degrés et c’est de bon augure. En plus elle est sympa avec sa petite Clara, c’est un autre visage de Saint-Emilion ; c’était bien, c’était chouette. »

Le Père Haudouin