21 Avr

Bernard Farges réclame la compréhension de l’Etat vis-à-vis de la filière vin

 En l’absence du nouveau préfet de région, Bernard Farges le Président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux a tenu à « remettre les points sur les i » sur ce que représente la viticulture à Bordeaux: « la première puissance économique de la région et le premier employeur du département de la Gironde ». C’était hier à l’assemblée générale du CIVB, voici en substance les points que le président du CIVB a abordé. Parole d’expert relate ses paroles:

Bernard Farges, le Président du CIVB © Jean-Pierre Stahl

Bernard Farges, le Président du CIVB © Jean-Pierre Stahl

Le président du CIVB, tout en espérant que le nouveau préfet se joigne prochainement aux viticulteurs (celui-ci s’était fait représenté, ayant d’autres obligations par ailleurs), a fait une intervention musclée en s’adressant au représentant de l’Etat:

« Pour vous accueillir, Monsieur Le préfet, je voudrais rappeler devant vous ce que représente la filière des vins de Bordeaux mais aussi rappeler les objectifs de notre interprofession, également mettre en lumière ce qui nous interpelle et nous freine dans l’atteinte de ces objectifs.

La filière des vins de Bordeaux, c’est 4 milliards de chiffre d’affaires, dont la moitié à l’export, 50 000 emplois directs sur notre département, 6 700 viticulteurs, 400 négociants, 45 caves coopératives, une ville et des territoires où la vigne et ses acteurs sont incontournables, une ville connue dans le monde entier donnant à Bordeaux le 2ème rang en termes de notoriété après Paris et cela probablement grâce au vin. Des structures de filière qui fonctionnent, des acteurs qui se parlent et construisent ensemble. Le plan « Bordeaux demain » bâti il y a 5 ans maintenant, est notre feuille de route avec comme fil conducteur de chacune de nos décisions et de nos actions, la valorisation de notre filière des vins de Bordeaux. Nos actions sur la régulation, nos investissements en termes de recherche, nos investissements en marketing, visent tous à cet objectif.

Sur le plan Economique, notre filière a vécu douloureusement en 2014 les conséquences de la récolte 2013, la plus faible depuis 1991.

L’année 2015 sera encore impactée pour la même raison.

Toutefois, plusieurs éléments positionnent notre activité dans des conditions beaucoup plus favorables qu’il y à 6 mois :

* Une récolte 2014 de grande qualité et pour chacun de nos types de vins,

* Des stocks faibles,

* Une monnaie qui a fortement baissé,

* Des frémissements dans l’économie européenne (pas encore en France),

* Un redressement perceptible sur les marchés asiatiques,

* Autant d’indicateurs très positifs qui doivent nous donner beaucoup d’espoirs mais demandent une vraie concrétisation dans nos chiffres lors des prochains mois.

Tous les viticulteurs, tous les négociants, tous les courtiers œuvrent au quotidien à la création de richesse pour eux-mêmes bien sur mais aussi pour le bien collectif qu’est la marque Bordeaux. Chacun d’entre eux lutte sur ses marchés, lutte contre ses concurrents, lutte parfois contre les aléas climatiques mais se trouve à devoir lutter contre des éléments extérieurs qu’il ne peut déjouer seul. C’est pour cela aussi que nos anciens ont bâti des structures comme le CIVB pour lutter collectivement contre des projets destructeurs de valeur. Et nous pouvons dire qu’à côté de dossiers susceptibles de nous faire avancer, nous devons œuvrer chaque jour pour ne pas reculer.

Bernard Farges le président du Civb © JPS

Je voudrais aborder devant vous 4 points qui sont des points d’actualité et sur lesquels nous devons travailler et nous devons sans cesse éviter de reculer.

* 1er point l’enrichissement :

C’est un sujet de fou Monsieur Le préfet ! Le sucre est un élément d’ajustement utilisé partout dans le monde avec deux techniques. L’une est utilisée depuis un siècle. C’est le saccharose. Elle est moins chère, elle rapporte des taxes à l’Etat, elle est tracée et traçable par les services de contrôle et vous allez découvrir dans votre nouveau poste à Bordeaux, que vos services et vous-mêmes allez être mobilisés comme nous pendant des jours pour justifier de ne pas utiliser la méthode plus onéreuse, cela couterait environ 20 millions d’euros à Bordeaux soit l’équivalent de notre budget marketing. En outre cette méthode ne génère pas de recette fiscale pour l’Etat et de récents contentieux en montrent l’origine douteuse. Avouez que marcher sur la tête est sympathique pour des saltimbanques mais ce n’est pas ce qui est attendu ni d’un préfet, ni des responsables professionnels.

Sur les pesticides et plus largement sur notre impact environnemental, nous avons produit le 1er rapport de développement durable de la filière des vins de Bordeaux. Nous montrons à travers ce rapport ce que nous avons fait depuis des années, ce que nous faisons aujourd’hui et quels sont nos engagements.

Nos entreprises agissent sur leur impact environnemental au travers de nombreuses actions collectives, les certifications Agri-confiance, Terravitis, les bio, HVE mais aussi l’outil original porté par l’interprofession, le SME.

Beaucoup d’autres entreprises travaillent à faire évoluer leurs pratiques elles aussi mais sans rien demander à personne et dans leur coin.

Toutefois, la stigmatisation de notre profession à des fins idéologiques, ne peut être acceptée.

Nos pratiques doivent évoluer encore, c’est une évidence, mais elles évolueront plus vite et plus profondément si les réponses apportées ne sont pas simplistes ou idéologiques.

Par exemple, faire croire et défendre que le bio est le seul modèle capable de répondre aux enjeux environnementaux est une réponse simpliste et idéologique, c’est donc une faute !

Ce modèle a toute sa place, il répond à des attentes de consommateurs, de producteurs aussi, mais ce marché n’est pas extensible à l’infini.

Quand l’Etat, les départements, les régions, les chambres parfois mais aussi les média le mettent en avant comme LE modèle à encourager, nous prenons le risque d’affaiblir ce marché.

L’agro-écologie est la version politisée du développement durable et par là même en affaibli le concept. Les enjeux environnementaux seront de plus en plus forts dans notre pays et bien au-delà. L’agriculture raisonnée a fait progresser l’agriculture française et ce concept est mort de son manque de reconnaissance. Le bio peut mourir si nous le diluons.

Alors il est urgent d’encourager et de promouvoir une troisième voie capable d’entrainer de très nombreuses entreprises prêtes à accélérer le changement, pour peu que soient mises en avant des dynamiques de recherche, de partage d’expériences, d’outils mis à disposition, sans charge administrative nouvelle et sans idéologie.

Cette 3ème voie est à bâtir, elle peut avoir un effet de levier considérable si nous l’imaginons non pas de haut en bas, c’est-à-dire d’un ministère vers les territoires ou d’une structure collective vers les territoires mais en facilitant toutes les mesures individuelles, en imaginant et en soutenant des sortes d’incubateurs d’innovation de pratiques positives.

Sur le projet de loi de santé, nous venons de le voir avec la présentation d’Audrey Bourolleau et Joël Forgeau, la bagarre est rude dans notre pays pour lutter contre l’hygiénisme et le poids inacceptable des officines anti-vins. Disons le clairement, il s’agit de l’ANPAA, qui influence la politique de santé publique dans la lutte antialcoolique. Cette politique ne marche pas, l’alcoolisme ne recule pas, le binge drinking progresse et la consommation de vin baisse en France. Voilà un beau bilan !

Il est urgent que nos dirigeants assument de parler et de promouvoir le vin, assument cette culture, assument cette richesse tout en développant une politique de responsabilisation et d’éducation. Nous voyons avec intérêt nos dirigeants assumer pleinement de parler et de promouvoir l’industrie de l’armement, il est urgent qu’ils en fassent de même pour le vin.

Le dernier sujet abordé aujourd’hui est celui des négociations internationales. La France doit porter au niveau européen l’ouverture de négociations bilatérales avec nos grands clients. Quand le Chili obtient l’arrêt des taxes sur leurs vins importés en Chine dès juin 2015 et l’Australie à partir de 2019, ces pays obtiennent immédiatement un gain de compétitivité sur leurs produits. Ce chantier doit être ouvert. Peut être qu’il n’aboutira pas mais nous ne devons pas avoir peur de la victoire.

Bordeaux montre depuis toujours sa capacité à exporter et chacune de nos entreprises comme l’interprofession investissent toujours plus sur ces marchés, c’est pourquoi le soutien des autorités sur ces sujets de commerce extérieur est stratégique pour nous.

Alors Monsieur Le préfet, vous le voyez et vous le découvrirez assez vite, les vins de Bordeaux sont une grande force économique dans la région, nous vous demandons de bien vouloir l’observer comme cela en levant les freins réglementaires injustes, inutiles et couteux. Nous venons de vous décrire 4 points : le projet de loi de santé, l’enrichissement, les pesticides, les accords bilatéraux. Voilà 4 beaux sujets que nous devons traiter ensemble afin de permettre à chacune de nos entreprises de se concentrer sur leur vrai métier : produire et vendre du vin. A leur profit, oui bien sûr, mais aussi au profit de toute notre région. L’Etat a le pouvoir et le devoir d’aider et faciliter la création de richesse par les entreprises. Avec votre aide, vos encouragements, votre soutien pour nous faciliter la création de valeur, les viticulteurs, les négociants, les courtiers et le CIVB pourront se consacrer à leur métier avec beaucoup plus d’efficacité. Nous consommons aujourd’hui beaucoup d’énergie pour ne pas reculer, nous voulons la consacrer enfin pour avancer. »