18 Mar

Vino Business : après les présentoirs, bientôt les prétoires…

Isabelle Saporta maintient ses écrits sur le classement contesté des vins et châteaux de « Saint-Emilion ». « J’attends ce procès sereinement », dit-elle. Mais pour Me Jean-Yves Dupeux, avocat d’Hubert de Boüard, elle est totalement dans la diffamation et sur deux points essentiels, il va demander le retrait des passages qui portent atteinte à l’image du propriétaire d’Angélus.

vino busi

Une énorme partie du livre tourne autour du classement de Saint-Emilion (Vino Business chez Albin Michel) © Olivier Prax France 3 Aquitaine

 » J’ai mené des entretiens; je l’ai interviewé. J’ai toutes les preuves, je sais ce que j’avance. » Elle reconnaît par ailleurs que c’est « une enquête à charge » et qu’elle n’a pas avancée masquée:  « j’ai écrit le livre noir de l’agriculture », « j’ai eu envie de porter la plume dans la plaie sur les petites choses qui vont mal. » Aux dires des protagonistes qu’elle a suivis, le livre lui-même n’a pas été annoncé, ni l’objet véritable du tournage puisqu’elle tournait un documentaire sur « la vie de vignerons dans leurs vignes ».

Pourtant en face, elle va avoir Maître Jean-Yves Dupeux, l’un des avocats ténors au barreau de Paris, qui l’attaque en diffamation pour le compte d’Hubert de Bouard et du château Angelus.

dupeux

Me Jean-Yves Dupeux, avocat d’Hubert de Boüard, propriétaire de château Angélus © France 3

Me Dupeux commence : « Le livre dont il est question porte essentiellement sur le classement des grands crus classés et 1ers grands crus classés de Saint-Emillion. »(classement de 2012)

 » Et mon client se sent doublement diffamé: – premièrement, parce qu’il est accusé d’être juge et partie dans le classement des grands crus classés de Saint-Emilion, c’est-à-dire qu’on l’accuse d’être celui qui décide des classements et en même temps d’être un propriétaire viti-vinicole

– deuxièmement, il est accusé en sa qualité de conseil en oenologie, vous savez ce que l’on appelle les « winemakers », il est accusé d’avoir capté une clientèle parce qu’il aurait la possiblité, étant le « grand manitou » qui est décrit dans le livre, de faire classer de manière positive ses clients.

Donc sur ces deux points qui sont avant tout contraire à la vérité, il engage des poursuites en diffamation. »

saporta

Isabelle Saporta, l’auteure de Vino Business, interviewée par Patricia Chalumeau © France 3

En revanche pour Me Jean-Yves Dupeux, interrogé hier lundi dans son bureau à Paris, par Patricia Chalumeau: « Isabelle Sapporta commet des erreurs: « La commission de classement a été déterminée par l’INAO, cette commission, c’est celle qui va examiner les critères, fixer un certain nombre de châteaux qui vont mériter l’appellation en grand cru classé ou 1er grand cru classé A ou B. Et cette liste va être présentée à l’INAO pour une homologation. Mais sur ces gens là, sur les critères de classement et sur le classement lui-même, Hubert de Bouard n’a strictement aucune influence. »

angelus

Le château Angelus a été promu Premier Grand Cru Classé A de Saint-Emilion en 2012 © France 3 Aquitaine

« Les critères de classification ont été fixés par un arrêté du ministère de l’agriculture en juin 2011 (il fixe les 4 grands critères du classement) et il est largement antérieur au dépôt des candidatures au classement. Donc ils sont, contrairement à ce qu’écrit le livre, informés des critères qui vont être pris en considération pour déterminer le classement. »

Me Dupeux reconnaît qu’il a fait partie de l’INAO national et régional, comme beaucoup de propriétaires en France, mais pas de la commission spéciale de classement, créée en 2011 « pour couper court à toute critique » car « le classement de St Emilion est remis en cause tous les 10 ans et il a pratiquement tout le temps fait l’objet de recours devant le tribunal administratif ».

« Sur ce point là le livre d’Isabelle Saporta est muet, quand on lit son livre, on a l’impression que c’est le comité national de l’IAO qui procède lui-même au classement et que sur ce comité national, il a une main mise totale. Et bien non, ceci est faux ! C’est une commission de classement qui n’a rien à voir avec lui ».

Jean-Yves Dupeux attaque donc en diffamation, en matière de droit de la presse, c’est à l’auteur à apporter la preuve de ce qu’il avance. Isabelle Saporta a mené nombre d’entreriens qu’elle cite dans le livre, elle a des mails, des documents, mais en face l’avocat d’Hubert de Bouard dit tout clairement « nous nous rapportons la preuve que ce qu’elle a écrit ne correspond pas à la réalité ».

Par ailleurs, et pour être complet sur l’épisode INAO: mis en cause dans le livre d’Isabelle Saporta sur la gestion du classement des grands crus de Saint-Emilion, l’INAO réagit par la voix de son directeur Jean-Luc Dairien. Et défend « un travail bien fait ». A lire son interview dans Terre de Vins: « Vino Business » l’INAO répond à Isabelle Saporta.

Les deux parties attendent sereinement le jugement de la 17ème chambre à Paris. Me Dupeux espère une réparation de principe, il ne demande pas le retrait du livre mais demandera de faire publier le jugement dans des supports de presse spécialisée, s’il gagne, et la suppression des passages diffamatoires jugés par le tribunal.

Isabelle Saporta prépare elle, en attendant, son documentaire télé.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Patricia Chalumeau, Olivier Prax, Thomas Guéry et Antoine Placier

Interview réalisée ce lundi 17 mars par France 3 (Patricia Chalumeau et Antoine Placier) de Me Jean-Yves Dupeux, avocat d’Hubert de Boüard, propriétaire du château Angélus

 Interview réalisée vendredi 14 mars par France 3 (Patricia Chalumeau et Thomas Guéry) d’ Isabelle Saporta, auteure de Vino Business