11 Déc

Dans les coulisses de l’hypercommerce

Samedi 14 décembre 16:15  sur France 3 Provence-Alpes et Côte d’Azur
et en replay sur notre site web dès la fin de la diffusion.

Cette semaine, Chroniques du Sud – Coulisses – vous emmène dans le ventre de l’un des plus grands hypermarchés de France, Carrefour Vitrolles, temple de la consommation de masses. Vingt-mille m² de surface utile à deux pas de Marseille, deux millions et demi de clients par an, attention ! Gigantesque !

Vincent Desombre tourne depuis le début de la saison les volets coulisses de l’émission Chroniques du Sud. Après s’être concentré sur l’envers du luxe côté hôtellerie et gastronomie, le voici dans une sujet plus « popu » mais où tout se voit en XXL.

Entretien avec Vincent Desombre

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PZ : Vous vous êtes plongé pour faire ce film dans l’un des plus grands hypermarchés de France. A l’heure où il est fréquent de se poser la question de l’hyper consommation, comment avez-vous perçu ce monde de la grande distribution? Sans complexe? Alimenté par une clientèle toujours fidèle au poste ?

VD : J’ai été en effet assez surpris de constater que la grande distribution n’est  pas aussi « has-been » que cela. On a beau, pour certains, faire nos courses dans des commerces de proximité qui affichent label équitable etc. ces grands supermarchés résistent très bien à cette tendance minoritaire, il faut le dire. Ce qui frappe au premier abord, c’est le gigantisme : 20 000 m², des chiffres toujours astronomiques et pour n’en citer qu’un : une tonne de bananes vendue tous les jours. En ce moment, 30 000 clients arpentent les rues de cette véritable ville. Il faut se défaire d’une idée un peu caricaturale que l’on a des hypermarchés où le client tient lieu de vache à lait. Ce n’est pas si simple que cela. Certes, l’hyper est une entreprise dont le but – on ne s’en cache pas –  est de vendre et d’augmenter le chiffre d’une année sur l’autre. Du simple vendeur au directeur, c’est la culture du chiffre décomplexée. Mais pour autant, les choses ont évolué et, si l’on pouvait dans les années 70 « fourguer » n’importe quelle marchandise à bas prix, il n’en est pas de même aujourd’hui. Il y a un réel souci de qualité et de traçabilité des produits. La viande, le poisson font l’objet d’une surveillance particulière. Le client est plus attentif qu’il y a 30 ou 40 ans et les grandes surfaces – a fortiori de cette taille – se sont adaptées. Parmi les 70 000 références présentes dans les rayons, la fourchette est large et chacun peut y trouver son « bonheur ».

PZ : Qui sont les clients de ces hyper marchés ? Des proies faciles ? Des amoureux du « magasinage » comme on dit au Québec ?

VD : C’est vous et moi. Il faut rappeler que selon un sondage, 9 français sur 10  font leurs courses en grande surface. Ce n’est donc pas anecdotique. On est dans la logique du : « on fait le plein  pour la semaine ». J’ai remarqué pas mal de personnes âgées et d’ailleurs, j’ai rencontré et suivi pendant le reportage un couple de retraités qui fréquentait cet endroit depuis 42 ans, année de sa création. Ils se souvenaient avec émotion de leur première visite : on leur avait donné un plan pour qu’ils ne se perdent pas dans les rayons. Eh bien ces gens-là, ils font attention mais en même temps ils sont cœur de cible et en sont conscients. Le jour où je les ai suivis, ils étaient venus pour acheter de la pâte à pizza pour l’anniversaire de leur petite-fille ; ils sont repartis le caddie rempli. En fait, ils se font plaisir en faisant leurs courses et se lâchent un peu financièrement.Tentés tout le temps mais en même temps consentants.
La meilleure preuve de leur objectivité tient dans une citation que m’a livrée monsieur : « Comme dit Oscar Wilde, je résiste à tout sauf à la tentation ».

PZ : Vous a-t-on facilité les choses à Carrefour-Vitrolles ?

VD : On nous a ouvert les portes très facilement. Au départ, on devait travailler avec un autre groupe qui a tardé à nous donner sa réponse. C’était un jour oui, un jour non. Là, la réponse a été immédiate. Avec les précautions d’usage, à savoir la présence d’une attachée de presse à nos côtés mais on ne peut pas dire qu’ils aient empêché quoi que ce soit. En revanche, forts d’une mauvaise expérience l’an passé avec un autre média qui les avaient piégés pour tenter d’obtenir des images choc, ils ne nous ont pas permis d’aborder les questions liées à la sécurité, à l’argent, aux caméras de surveillance.

PZ : Qu’est-ce-qu’on apprend en plongeant dans les coulisses de ce grand Barnum ?

VD : Ce qui me plaît dans mon métier, c’est la rencontre avec les gens. Et là, je dois dire que j’ai rencontré la fameuse « France qui se lève tôt ». Ils sont 600 employés qui travaillent pour certains dès 3h00 du matin pour des salaires pas vraiment mirobolants. Il y a une pression constante mais qu’ils intègrent eux-mêmes, c’est-à-dire qu’ils sont dans la culture de la performance à l’américaine. En même temps, ils ne sont pas malheureux et trouvent leur équilibre là-dedans. Et il y a des indices de cette « bonne santé » : beaucoup d’employés sont là depuis longtemps -20, 25 ans, parfois – et ont une véritable possibilité d’évolution. Le responsable des produits frais, par exemple, l’un des gros postes de l’enseigne, a débuté comme poissonnier il y a 20 ans. 
En fait, ce sont de vrais bosseurs. Ils remontent les manches. C’est l’esprit de la « boutique ».

 

Propos recueillis par Pernette Zumthor