30 Mai

Lucià Etxebarria : quand son « Coeur perd la tête »…

Lucià Etxebarria

La romancière espagnole sur l’esplanade Charles-de-Gaulle à Montpellier ©Lisa Melia

Qui est Lucià Etxebarria ? Une romancière espagnole à l’apogée de sa carrière. Une femme de 48 ans rayonnante et engagée. Elle dévoile tout excepté son lieu de naissance.

Raconter sa propre vie n’est pas chose aisée. Publier 362 pages sur l’un des moments les plus compliqués de sa vie encore moins. Lucià Etxebarria n’est pas du genre à se laisser dicter une ligne de conduite. Dans son dernier ouvrage Ton cœur perd la tête, l’auteur espagnol relate une « relation toxique ». Son histoire d’amour avec son ex-mari.

« A la fin de notre histoire, j’étais physiquement malade avec un syndrome post-traumatique. Je voulais me suicider mais j’ai une petite fille, impossible de la laisser seule », explique l’auteur.

L’idée de ce livre viendra lors de séances de thérapie : « J’ai écris encore et encore sur mon expérience. Au départ, rien ne devait être publié. » Une histoire maquillée pour des raisons légales : « En Espagne, l’auto-fiction peut entraîner des poursuites. Cela m’aurait coûté une somme exorbitante si jamais mon ex-mari se portait en justice », précise-t-elle.

De la galère à la gloire

Lucià Etxebarria a étudié le journalisme bien avant de noircir des pages blanches. Elle entre à l’université contre son gré. « Les études, ça ne sert à rien. L’université ne me correspond absolument pas. J’adore lire mais analyser et faire une dissertation sur chaque livre m’ennuie profondément », s’amuse-t-elle. Une structure trop carrée pour une femme explosive.

Diplôme en main, Lucià Etxebarria se lance dans son premier ouvrage. Une biographie des artistes américains Kurt Cobain et Courtney Love en 1996. Pas de passion particulière pour les deux personnages. C’était une publication à la demande d’un éditeur. « J’avais vraiment besoin d’argent à l’époque. J’étais tellement pauvre que mes repas se résumaient à des pâtes et du riz. J’en ai tellement mangé qu’aujourd’hui je ne peux plus en cuisiner », raconte l’auteur. Il faut s’arrêter en 1998 pour mieux comprendre Lucià Etxebarria. Cette année là, elle décroche le Prix Nadal, le prix littéraire le plus prestigieux en Espagne, grâce à son roman « Beatriz et les corps célestes ». Une consécration ? Pas vraiment. Un moment « affreux » pour la jeune auteur de 28 ans.

« Je vivais dans une petite bulle à l’époque. Je ne sortais jamais. Se retrouver d’un seul coup sur le devant de la scène a été violent pour moi », précise Lucià Etxebarria encore touchée par les critiques de la presse.

Malgré tout, la carrière de la romancière prend un autre tournant. Succès mondial avec Amour, Prozac et autre curiosité en 1999. Tout au long de l’entretien, Lucià Etxebarria sourit et répond sans retenue à toutes les questions. Bizarrement impossible de connaître son lieu de naissance, ses origines. Basque ? Catalane ? « Vous pouvez tout demander sauf d’où je viens. Ceux qui disent sur internet que je viens de Valencia ont tort ». Le mystère reste entier.

L’heure de l’engagement

La romancière sait aussi sortir de sa bulle. Lucià Etxebarria pousse son premier coup de gueule en 2011. Elle pose la plume pour protester contre le piratage massif de son dernier roman Le contenu du silence. Une démarche « inutile » reconnaît sans problème l’auteur : « Ça n’a rien changé ».

Deux ans plus tard, Lucià Etxebarria délaisse le roman pour attaquer le terrain politique. Elle publie un essai Liquidación por derribo (Liquidation pour cause de démolition). L’auteur décrypte la crise économique qui touche son pays. « L’Espagne reste un pays ultra-corrompu. Le maire a plus de pouvoir chez nous que chez vous en France. Il a les mains libres pour faire ce qu’il veut », raconte-t-elle. Mais l’amour et ses tourments la rattrape bien vite. Dernière colère en date : le livre 50 nuances de Grey de E.L James. « C’est ça l’amour ? s’exclame-t-elle. Domination et violence ? Non. Le sexe est avant tout synonyme de liberté. »

ROMAIN BERCHET