23 Mar

La Vengeance de David Wautier : une sacrée chevauchée dans l’Ouest sauvage

Si la vengeance est un thème récurrent dans le western, il s’accommode formidablement à toutes les sauces, comme ici à travers le prisme de la famille. Avec cette question : le désir de vengeance, aussi naturel soit-il, peut-il être plus fort que tout, plus fort que l’amour de ses enfants ?

Ah mais oui, un bon petit western de derrière les fagots ! En voilà une bonne idée. Non pas que le genre se fasse rare en bande dessinée, bien au contraire, il a toujours été et est encore aujourd’hui plébiscité par nombre d’auteurs et de lecteurs, mais il permet finalement d’aborder pas mal de thématiques contemporaines, comme l’écologie, les droits de la femme ou encore les droits des opprimés, le tout sous couvert d’une fiction et d’action.

Alors oui, la thématique de la vengeance est récurrente, dans le western et ailleurs, mais elle permet ici à l’auteur d’en détailler le mécanisme dans un pays et à une époque où la loi se faisait à coup de colt calibre 36 et non de 49.3.

Qui dit récurrent dit rabattu ! Oui, en cela, on peut dire que l’album de David Wautier n’a pas grand-chose d’original. À ceci près que le vengeur de service, un certain Richard Hatton, désireux de voir mourir les « ordures » qui ont tué sa femme, a embarqué dans l’aventure ses enfants, Anna et Tom, qui n’aspirent dans leur cas qu’à une chose, rentrer chez eux et retrouver ce père qu’ils aimaient tant…

Un autre grand classique dans les westerns est bien évidemment la nature ! Avec un style graphique qu’il a développé sur des carnets de voyage, vif et proche du croquis, relevé d’une touche d’aquarelle, David Wautier nous offre une sacrée chevauchée entre montagnes enneigées et déserts rocailleux. Et rien que pour ça, ça vaut le détour !

Eric Guillaud

La Vengeance, de David Wautier. Anspach. 19,50€

© Anspach / Wautier

14 Mar

L’Énorme enquête de Rambaud et Oiseau : un polar en absurdie

Avec sa couverture en jaune et noir et son titre, tout indique que nous avons affaire ici à un polar. Et c’est le cas ! Mais L’Énorme enquête des sieurs Lorrain Oiseau et Yann Rambaud fait aussi dans l’énorme humour. Un tueur, un cadavre, deux policiers, une allergie à l’amoxicilline et un trafic d’apéricubes… prêt.e.s pour une bonne tranche de rigolade ?

Un meurtre horrible ! Le commissaire est sous le choc, il a du mal à trouver les mots pour décrire la scène :

« Le meurtrier a recouvert de goudron le corps de la victime. Puis il a dessiné une ligne blanche dessus et posé un chewing-gum déjà mâché sur son cadavre ainsi qu’un mégot de cigarette… ». 

L’inspecteur s’étonne : « Hmmm, c’est la route ça. Le cadavre est juste à côté ! »

Oui, c’est énorme ! Le titre nous avait pourtant prévenus mais à ce point-là, on peut encore être surpris. Et nous ne sommes qu’au début de l’affaire, à la première des 64 pages que compte l’album.

Alors, bien sûr, il y a une victime, Gabriel Berthier, retrouvé avec un couteau planté dans le thorax, le corps resté en suspens comme s’il s’était mis en pause sur une pas de danse. Il y a des policiers dont le grade fait office de patronyme, Inspecteur et Commissaire, il y a un meurtrier quelque part, un suspect dans l’immédiat au nom prédestiné de Justin Tueur, une enquête avec des dispositifs d’écoutes téléphoniques pas très discrets, des courses poursuites en fusée, un mobile du crime qui sent le pétrole, un dealer qui fait dans l’apéricube et des histoires d’allergies à l’amoxicilline.

Bref, tout ce qu’il faut pour faire un bon polar sauf que là, le récit part en vrille, c’est totalement fou, cinglé, déjanté, dément, désaxé, ravagé, maboul, bref en un mot absurde et si vous préférez en deux mots : totalement absurde.

Le communiqué de l’éditeur convoque Les Nuls côté influences, on pourrait ajouter Quentin Dupieux, Fabcaro et même une touche de Tuche…

« Des Apéricubes… Vous savez, c’est une drogue implacable. On en prend une fois, puis deux. Puis re-une fois, puis sept, rarement quatre, puis… douze je crois ». 

Énorme, c’est écrit dessus !

Eric Guillaud

L’Énorme enquête, de Lorrain Oiseau et Yann Rambaud. Delcourt. 13,50€

© Delcourt / Oiseau & Rambaud

12 Mar

Le Navigateur sur les mers du destin : le deuxième roman du cycle d’Elric adapté par Roy Thomas enfin disponible en français

Fort de son succès précédent avec Conan, l’un des plus célèbres ex-scénaristes de la maison Marvel, Roy Thomas, décide de s’attaquer à partir de 1981 à l’œuvre de Michael Moorcock et notamment Elric le Nécromancien. Dix-huit mois après un premier tome, l’éditeur Delirium confirme l’essai avec cette réédition mirifique. 

Ils sont plusieurs à avoir essayé de tenter de réaliser l’impossible : adapter en BD les aventures du plus célèbre héros de l’écrivain britannique Michael Moorcock, Elric de Ménilboné. Pourquoi impossible ? Sur la papier, les aventures de ce prince déchu du jadis glorieux mais cruel et désormais en pleine décadence royaume de Ménilboné et Stormbringer, son épée démon dévoreuse d’âme, paraissaient pourtant taillées sur mesure pour le neuvième art, avec son lot de combats épiques, de créatures fantastiques et de magie. Sauf que Moorcock a toujours refusé les lignes droites et a baigné le tout dans un mysticisme assez complexe, faisant de son vrai-faux héros l’un des représentants de ce qu’il a appelé l’un des Champions Éternels, êtres disséminés au grès des mondes, incarnations de l’éternelle lutte entre le Bien et le Mal et garants de la Balance Cosmique. Bien qu’assez courts, ses romans sont toujours très denses et truffés de sous-entendus, par définition donc pas si évident que cela à retranscrire en images.

Face à ce dilemme, il y avait donc plusieurs options. La plus évidente, la plus facile aussi était de gommer un peu cet aspect mystique pour se recentrer sur l’action et la lutte de pouvoir entre Elric et son cousin Yrkoon. Ce fut le choix fait pour la dernière adaptation en date, réalisée par trois Français et déclinée sur plusieurs tomes, avec un cinquième à venir.

© Delirium / Thomas, Gilbert & Freeman

Mais ce n’est pas la voie choisie par le scénariste Roy Thomas. Surtout qu’il avait alors besoin se racheter : en 1972, celui qui est alors éditeur en chef chez Marvel intègre le personnage à une histoire de Conan, histoire de tâter le terrain auprès du public. Mais affublé d’un chapeau pointu vert ridicule et dénué de toute l’ambivalence de son pendant littéraire, cette version ne convainc personne, Thomas lui-même.

Quatorze ans plus tard, il travaille désormais pour l’éditeur First Publishings et décide de s’attaquer de nouveau à l’oeuvre de Moorcock, mais en se calant cette fois-ci dans le sillage direct du maître. Après un premier tome de ce run paru d’abord chez Delcourt avant que la balle soit saisie au rebond par Delirium en 2022, Le Navigateur Sur Les Mers Du Destin, soit l’adaptation du deuxième roman (dans l’ordre) du cycle d’Elric, sort enfin pour la première fois traduite en français. Et c’est aussi beau et lumineux que son pendant chez Glénat était sombre et acéré.

© Delirium / Thomas, Gilbert & Freeman

Par rapport au (relativement) sage premier roman, le sage Elric de Ménilboné qui ‘installait’ le monde et les personnages, La Navigateur Sur Les Mers Du Destin était déjà dans sa version originale un récit très psychédélique, le prince albinos embarquant sur un bateau magique où il retrouve d’autres champions éternels, comme Corum, Hawkmoon ou Erekosë. Ensemble, ils partent affronter de mystérieux sorciers dans la toute aussi mystérieuse cité de Tanelorn.

Ayant bien compris qu’ils tenaient là l’une des aventures les plus délirantes d’Elric, Thomas et son dessinateur Michael T. Gilbert ont simplement décidé de tirer en quelque sorte le fil de la pelote, aboutissant à un récit baignant dans une perpétuelle brume hallucinogène. Si le dessinateur Barry Windsor-Smith, avec lequel Thomas a travaillé sur les premiers épisodes de Conan, n’est pas là, son ombre plane partout ici. Dans ces couleurs chatoyantes et flashy (parfois limite trop), dans ces visages allongés et gracieux ou encore dans cette influence palpable de l’Art Nouveau etc. Malgré son héros quasi-mutique et désespéré se dégage ici quelque chose de vivifiant, cette camaraderie qui nait entre des êtres à part, réunis autour d’une seule cause.

© Delirium / Thomas, Gilbert & Freeman

Or de tous les romans du cycle d’Elric, celui-ci est peut-être celui parlant le plus de la notion d’exil. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’une grande partie se passe sur les eaux ou que tous ces personnages ont en commun d’avoir été arrachés à leurs terres natales, sans vraiment savoir comment y retourner. Alors même si ce n’est pas le point de départ idéal pour les néophytes (mieux commencer par le commencement pour bien comprendre tous les tenants et aboutissants) cette première édition française trente-six ( !) ans après l’originale se révèle être une petite merveille d’heroic fantasy des années 80, avec une ambiance bien elle, aussi fantasmagorique qu’épique.

 Olivier Badin

Elric – Le Navigateur Sur Les Mers Du Destin de Roy Thomas, Michael T. Gilbert & George Freeman. Delirium. 27 €

14 Déc

Devenez membre du jury du Fauve Prix du Public France Télévisions du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême 2024 !

Vous résidez en Nouvelle-Aquitaine, vous êtes un lecteur/une lectrice passionné(e) de bande dessinée et vous souhaitez devenir juré d’un prix littéraire ? Alors, posez votre candidature pour être membre du jury du Fauve Prix du public France Télévisions à l’occasion du prochain festival d’Angoulême en janvier 2024 ! Comment faire ? On vous l’explique ici…

Décerné par des lecteurs et très convoité par les éditeurs, le Prix du public du Festival de la BD d’Angoulême (FIBD) avait été mis en sommeil lors de l’édition 2019. Cette disparition aura été de courte durée, puisqu’il était de retour dès 2020 sous les couleurs de France Télévisions.

Ce prix, grâce à la passion et l’exigence de ses jurés, a déjà primé quatre jeunes autrices dont les bandes dessinées sont représentatives de la richesse et de la diversité de la jeune création francophone !

  • Lauréate 2023, Sole Otero pour Naphtaline, traduction d’Éloïse de La Maison (Çà et là)
  • Lauréate 2022, Léa Murawiec pour Le Grand Vide (2024)
  • Lauréate 2021, Léonie Bischoff pour Anaïs Nin – Sur la mer des mensonges (Casterman)
  • Lauréate 2020, Chloé Wary pour Saison des roses (FLBLB)

Comment ça fonctionne ?

Un jury de sélection composé de journalistes de France Télévisions spécialistes du livre et de la bande dessinée, va lire durant le mois de décembre, les bandes dessinées de la sélection officielle du Festival. Fin décembre, ils choisiront les huit titres en compétition pour le Fauve – Prix du Public France Télévisions.

Ce jury de sélection est présidé par Michel Field, et composé de Jérôme Debœuf (France 3 Poitou-Charentes), Francis Forget (France Info culture), Éric Guillaud (France 3 Pays de la Loire), Isabel Hirsch (France 3 Poitou-Charentes), Anne-Marie Revol (Franceinfo canal 27), Noëmie Roussel (France Télévisions), Augustin Trapenard (La Grande Librairie, France 5) et Raphäl Yem (Culturebox, l’émission, Culturebox)

Un jury populaire composé de neuf lecteurs de Nouvelle Aquitaine, choisis suite à notre appel à candidatures, recevra les 8 bandes dessinées en compétition début janvier.

Le 27 janvier, il se réunira dans les coulisses du Festival d’Angoulême pour délibérer, voter et élire son lauréat.

Le soir même, notre jury populaire remettra son prix au lauréat lors de la Cérémonie des Fauves du Festival d’Angoulême !

Ne tardez plus, écrivez-nous une lettre bien argumentée et exposez les raisons pour lesquelles vous voulez participer à cette nouvelle aventure. Parlez de vous, de votre passion pour la bande dessinée, aussi bien que de vos derniers coups de cœur littéraires…

Pour poser votre candidature, c’est ici. Vous avez jusqu’au 25 décembre.

17 Nov

La chose des marais à la rescousse d’une humanité au bord de l’extinction

Attention, ne pas les confondre : vous avez d’un côté la Chose des Marais (‘Swamp thing’ en VO) et de l’autre, l’Homme-Chose (‘the Man thing’). Deux personnages nés à la même époque en 1970/71 mais chez deux éditeurs notoirement concurrents (DC et Marvel), deux scientifiques travaillant sur des sortes de formule de super-hommes qui finiront par se retourner contre eux, deux êtres maudits, condamnés à vivre en marge de la société. Ici, c’est la créature des marais qui étripe, découpe et arrache pour sauver ce qui peut encore l’être dans un récit particulièrement noir…

Fin octobre est paru chez PANINI en France un très généreux (plus de 1000 pages !) omnibus réunissant toutes les premières aventures de l’Homme-Chose. La réponse du berger à la bergère ? La parution opportune chez Urban de ce Green Hell (traduction littérale : ‘enfer vert’, peut-être une référence au titre du groupe de punk-rock horrifique les MISFITS, repris plus tard par METALLICA ?) qui, pourtant, ne joue pas vraiment sur le même tableau.

Car oui, autant l’omnibus précité joue à fonds la carte de la nostalgie en réunissant des épisodes tous sortis dans les années 70 à l’esthétique propre à cette décennie-là, autant ce Green Hell sorti à la base aux USA en 2022 est beaucoup plus moderne et, surtout, beaucoup plus gore.

© Urban Comics – Black Label / Jeff Lemire & Doug Mahnke

On parle ici d’un récit post-apocalyptique, c’est-à-dire que suite à une catastrophe que le scénariste Jeff Lemire ne s’embête même pas à expliquer, à part suggérer que tout est la conséquence de la pollution générée par l’Humanité, la terre est désormais engloutie quasiment dans son intégralité. Seules subsistent ici et là quelques poches de survivants sur des bouts de terre faméliques…

La Sève, le Sang et la Nécrose, trois entités que l’on pourrait qualifier de dieux souterrains en quelque sorte et qui sont, à leur façon, aussi victimes de cet état des faits, décident que cette situation ne peut plus durer. Il faut faire table rase et tout reconstruire. Pour faire simple : il faut exterminer les rares humains qu’il reste, raser leurs misérables habitations et repartir de zéro. Par l’intermédiaire de Constantine, personnage récurrent de la série au rôle toujours aussi trouble, la Chose des Marais est appelée à la rescousse pour essayer de renverser la situation.

© Urban Comics – Black Label / Jeff Lemire & Doug Mahnke

Green Hell est un récit assez court, 160 pages. Cela ne lambine guère donc. Tout va vite, très vite. Et dans ce décor forcément désolé où la pourriture semble transpirer sur chaque case, la violence s’impose également très vite. Certes, on retrouve l’une des thématiques récurrentes du scénariste Jeff Lemire (Sweet Tooth) avec, en guise de point d’ancrage du récit, la relation entre une fille pré-ado et son père. Mais c’est presque secondaire par rapport aux multiples démembrements, décapitations et autres charcutages qui peuplent ce récit. Le dessinateur Doug Manhke s’en donne à cœur joie !Surtout lors de la bataille finale où les couleurs survitaminées donnent un aspect encore plus surréaliste, le tout ressemblant presque plus à une gigantesque partie de World Of Warcraft.

© Urban Comics – Black Label / Jeff Lemire & Doug Mahnke

Alors oui, après, il faut au minimum maitriser la mythologie ‘Chose du Marais’ histoire de comprendre quels sont les liens entre les différents personnages, Lemire ne s’embêtant pas vraiment à faire un catalogue récapitulatif, préférant jeter tout le monde tout de suite dans l’affrontement.

Pour les fans avant tout donc mais un récit intense et assez désespéré parmi les meilleurs consacrés à ce héros maudit encore peu connu en France.

Olivier Badin

Swamp Thing : Green Hell de Jeff Lemire & Doug Mahnke. Urban Comics/Black Label. 17€

31 Oct

Gotham City année un : quand le fantôme de Philip Marlowe remplace Batman

Un Batman sans Batman, ou presque. Juste une ombre. Le héros est ici pour une fois passif, le seul et unique auditeur à qui ce long monologue s’adresse. Non ici, comme le titre l’indique, le vrai sujet, c’est SA ville, Gotham. Pas la mégapole en soit mais plutôt l’esprit qui l’anime. Et comment il est mort.

Les américains l’ont appelé hard-boiled, soit littéralement ‘dur à cuir’, même si les français lui ont préféré le terme, plus chic, de ‘roman noir’. Ce sous-genre est apparu dans les années 20 outre-Atlantique, notamment dans les pages de la revue Black Mask. Une revue qui a vu éclore plusieurs grands maîtres du genre, en premier lieu Dashiell Hamett et Raymond Chandler, ceux-là même qui en ont établi les archétypes indémodables : la corruption généralisée, la femme fatale, les riches pourris par leur argent, le policier véreux, le petit truand et au milieu, un privé mal rasé souvent divorcé et buvant beaucoup trop mais tâchant quand même de faire son boulot avec éthique.  Le tout au milieu d’une ville clinquante et bruyante faisant tout pour cacher la poussière et sa misère sous le tapis.

À sa façon, en récréant cet univers très codé, Gotham City Année Un est un pastiche dans le sens premier du terme, c’est-à-dire une imitation flatteuse mais ne visant pas le plagiat. Un hommage se délectant de son sujet en quelque sorte. Un peu comme Boris Vian l’a fait en 1946 en signant un pur roman noir sous le pseudonyme de Vernon Sullivan et devenu instantanément ‘culte’, J’irai Cracher Sur Vos Tombes.

© DC Comics – Urban Comics / Phil Hester & Tom King

Pour l’occasion, le scénariste Tom King a même ressorti des placards un personnage datant de 1937, le détective privé Sam Bradley, crée par Jerry Siegel et Joe Shuster, duo artistique déjà responsable de la naissance d’un héros dont vous avez peut-être entendu parler, Superman. Ce héros qui ne veut pas en être un, King (un ancien membre de la CIA !) prend ici un malin plaisir à le martyriser tout le long du récit. S’il accuse d’abord une ressemblance frappante avec Clark Kent avec ses muscles saillants, sa chemise semble t’il trop petite et ses petites lunettes rondes, il passe ensuite les six épisodes de cette mini-série publiée en 2022 aux Etats-Unis à se faire taper dessus par à peu près tout le monde.

© DC Comics – Urban Comics / Phil Hester & Tom King

Et pour quoi ? Parce qu’une jeune femme, un matin, lui dépose une lettre à remettre en mains propres à la famille Wayne et un billet de 100$. Nous avons beau être au tout début des années 60, juste après la guerre de Corée, les futurs grands-parents de Bruce Wayne sont déjà un couple très fortuné et très en vue, avec de nombreux projets pour leur ville. Le problème est que depuis un mois, personne n’a vu leur petite fille âgée d’à peine un mois, la ‘petite princesse’ telle qu’elle a été surnommée par la presse. La tragédie est en marche et c’est un Sam Bradley désormais au crépuscule de sa vie qui la raconte, sans fard, au héros masqué.

Pas de super-pouvoirs, ni de gadgets mirifiques ou de bombes faisant à éradiquer l’humanité ici. Juste de pitoyables êtres humains, chacun se cachant derrière un rideau de fumée et laissant apparaître ce qu’il ou elle veut bien. On peut déjà de réussite totale rien qu’avec le travail graphique impeccable de Phil Hester, remarqué récemment grâce à Family Tree et tout en clair-obscur, entre Darwyn Cooke et Mike Mignola, sculptant les visages et les âmes.

© DC Comics – Urban Comics / Phil Hester & Tom King

Mais ce qui emporte vraiment la mise, c’est l’atmosphère vraiment désabusée que Tom King réussit à teinter tout le récit avec. Bien sûr, il y a, comme dans tout bon polar, pleins de rebondissements et de faux-semblants, chaque personnage ayant sa part d’ombre. Mais c’est surtout cette façon qu’il a de distiller un sentiment poisseux d’inévitabilité ou comment Gotham, et tous ces hommes et femmes qu’elle entraîne avec elle dans l’abîme, ne peut échapper à son destin funeste. Oui, on fini même par penser à elle comme d’un personnage à part entière tiens. Et c’est là la grande réussite de ce retour en arrière, aux origines du mal on a envie de dire, réussi de bout en bout. Inratable.

Olivier Badin

Gotham City Année Un de Phil Hester & Tom King. DC Comics/Urban Comics. 21€

18 Oct

Loire, une histoire au fil de l’eau d’Étienne Davodeau

Étienne Davodeau élabore depuis maintenant une trentaine d’années une œuvre sensible et bienveillante, explorant l’intime, le quotidien, l’ordinaire. Après Le Droit du sol, une bande dessinée documentaire, l’auteur angevin revient à la fiction avec Loire, un voyage au cœur des sentiments humains et une ode à la nature…

L’art de la promesse. Qu’on ait affaire à un roman ou à une bande dessinée, la couverture est la première chose que l’on voit, une sorte de bande-annonce, un teaser, une promesse de ce qu’on lira, de ce qu’on vivra, au fil des pages. Et en ce sens, la couverture du nouvel album d’Etienne Davodeau est singulière. Aucun personnage, ou plutôt si, la Loire, un personnage à part entière, son personnage principal.

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12 Oct

Les Évaporés d’Isao Moutte, une histoire dans le Japon d’aujourd’hui

Au Japon, on les appelle les évaporés, ces hommes et ces femmes qui décident un beau jour de tout plaquer pour refaire leur vie ailleurs. Ils sont 80 000 chaque année, la plupart sont retrouvés ou reviennent d’eux-mêmes, certains disparaissent à jamais, voici l’histoire de l’un d’entre eux racontée par le Franco-japonais Isao Moutte…

Leur nom est poétique mais la réalité est toute autre. Chaque année, 80 000 Japonais disparaissent volontairement de la circulation, abandonnant travail, famille, identité, souvent pour des raisons d’endettement.

Fuir plutôt que mourir ! Kaze a fait ce choix après avoir été licencié de son entreprise et poursuivi, pense-t-il, par des yakusas pour avoir mis la main sur des documents compromettants. Une disparition préparée, planifiée, gardée secrète jusqu’au bout, même auprès de ses plus proches.

Je ne mettrai plus les chaussons

C’est pas cette annonce laconique, quelques mots jetés sur une feuille de papier, que sa femme apprend la nouvelle un matin. Sa fille, Yukiko, installée en France depuis des années, pressée par sa mère, revient au pays pour tenter de le retrouver.

© Sarbacane / Moutte

Pour Kaze, direction la capitale, Tokyo, et son anonymat assuré. Il s’installe dans l’hôtel délabré d’un quartier minable, achète un utilitaire hors d’âge et se lance dans les petits boulots qui vont lui permettre de subsister. Déraciné volontaire, Kaze croise un déraciné involontaire, Akainu. Lui a fui sa région d’origine, la préfecture de Miyagi , à cause du tsunami qui a tout emporté, tout rasé et tué tant de monde, notamment ses parents.

Ensemble, Kaze et Akainu, décident de retourner dans cette partie du pays sinistrée pour prêter main forte aux travaux de déblayage et de reconstruction…

© Sarbacane / Moutte

Pour raconter cette histoire, raconter l’horreur du tsunami, ses conséquences directes sur la population nippone, visibles aux yeux du monde, et celles nettement moins perceptibles mais tout aussi dévastatrices, entre magouilles et corruption, transactions douteuses et entreprises paravent, il fallait quelqu’un qui connaisse parfaitement le Japon.

Franco-japonais, Isao Moutte le connaît et le restitue graphiquement d’une merveilleuse façon, un dessin en hachures à la fois sobre et minutieux, des planches en noir et blanc d’une belle homogénéité qui laissent transparaître un Japon comme on a peut-être pas l’habitude de voir, celui des exclus, des sacrifiés sur l’autel de l’économie. Énorme coup de cœur !

Eric Guillaud

Les Evaporés, d’Isao Moutte d’après le roman de Thomas B. Reverdy. Sarbacane. 25€

26 Sep

Dans le magasin des mamans, j’aurais choisi toi : Mathou de retour avec un livre jeunesse célébrant les mamans

Elles ne sont jamais parfaites mais sont forcément chouettes, toutes les mamans du monde se reconnaîtront sous les traits de l’autrice angevine Mathou qui nous ouvre son magasin des mamans aux éditions Robert Laffont…

Un magasin des mamans ? Mais oui bien sûr, qui n’a jamais rêvé de choisir de nouveaux parents comme on choisirait un pull-over ou des chaussettes. Et ce magasin-là est bien garni avec ici des mamans géniales, là des perfectionnistes, à côté des mamans drôles, des jolies, des heureuses, ou des mamans au top… bref, il n’y a que l’embarras du choix. 

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06 Sep

BD. Rabaté, Jean-C Denis, Kris, Fabien Toulmé… Dix bonnes raisons d’aimer la rentrée

C’est un grand classique de la rentrée, chaque année, les présentoirs des librairies croulent sous les nouveautés, des centaines, de quoi s’égarer, ne plus savoir où donner de la tête et des yeux. On vous aide à vous y retrouver avec notre sélection de bandes dessinées, dix coups de coeur, autant d’invitations à l’évasion…


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