21 Déc

Chroniques de Noël. Balthazar Picsou et Mickey Mouse dans La Vallée de la mort : Deux Disney pour les fêtes

501 BALTHAZAR PICSOU_70ANS[DIS].inddAïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous deux BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Il est riche, immensément riche, il croule même littéralement sous l’or, ce qui ne l’empêche pas d’être un peu beaucoup énormément pingre. Balthazar Picsou, c’est son nom, fête ses 70 ans autour de cette anthologie de plus de 400 pages parue aux éditions Glénat. Au menu, des récits, une vingtaine, bien évidemment signés Carl Barks, son génial créateur, mais aussi Don Rosa, des entrées thématiques pour tout savoir du personnage et une galerie de portraits inédits réalisés pour l’occasion par des auteurs de la bande dessinée contemporaine comme Bertolucci, Bourhis, Cornette, Cosey, Herenguel, Supiot et quelques autres. Balthazar Picsou, Glénat, 29,50€

Si vous n’aimez pas les canards, encore moins les canards milliardaires, ou si vous n’êtes pas réceptif au trait de génie de Carl Barks, alors voici une souris que le cartooniste Floyd Gottfredson a propulsé de quelques coups de crayon dans la sphère des héros interplanétaires. Car oui, pour ceux qui l’ignoreraient encore aujourd’hui, Mickey n’est pas qu’un personnage d’animation sur grand écran, c’est aussi un héros de papier qui a, comme le souligne Thomas Andrae,Mickey-Mouse-par-Floyd-Gottfredson-N-B « connu certains de ses meilleurs moments dans les pages des journaux… ». Pour le vérifier, rien de plus simple, les éditions Glénat viennent de publier le premier volet d’une toute nouvelle collection réunissant de manière chronologique l’intégralité de l’œuvre du maître, restaurée directement à partir des épreuves de chez Disney et de quelques pièces de collection. Et c’est sublime !

Avec deux albums publiés par an dans un format à l’italienne qui respecte le format des strips d’origine, l’éditeur ambitionne de faire de cette collection le « rendez-vous incontournable des amoureux du travail de l’auteur, autant que des fans de Mickey de la première heure ». Une chose est sûre, ce premier album est une merveille qui, en plus des treize récits réunis, nous offre un dossier très complet pour planter le décor et nous plonger dans les archives Gottfredson. De quoi nous faire pousser des oreilles de Mickey ! Mickey Mouse, La Vallée de la mort. Glénat. 29,50€

Eric Guillaud

20 Déc

Chroniques de Noël. Un peu de politique entre la dinde et la bûche

Trump-enorme-1Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin et animeront peut-être la fin de soirée.

Et si on parlait politique ! En commençant par ce qui se passe à l’étranger histoire de ne pas se fâcher trop vite et par un homme qui fait finalement l’unanimité contre lui. Je veux parler bien sûr de Trump. Vous le trouvez caricatural ? Garry B. Trudeau explique en ouverture de son livre Énorme! 30 ans de BD-enquête sur Trump que pour certains Trump est même au-delà de la satire et que « les professionnels savent très bien qu’il est en fait la satire incarné, pure, brute, disponible pour tous ceux qui veulent s’en servir et samuser. Pour cela, nous lui sommes reconnaissants. Pour notre pays, malheureusement, c’est à pleurer ».

Et il sait de quoi il cause Gary B. Trudeau, ça fait seulement 30 ans qu’il le croque à toutes les sauces. il en a même fait le personnage principal de Doonesbury, comics strip humoristique diffusé dans plus de 1400 journaux et qui lui valut sept prix prestigieux, dont le Pulitzer du dessin de presse. Oui quand même !

À l’époque des premiers strips, Trump n’était bien évidemment pas président9782818941393 des États-Unis mais – qui s’en souvient ? – l’homme avait déjà des velléités de ce côté-là. Pouvoir, argent, luxe, femmes… finalement, l’homme a peu changé en trois décennies, peut-être est-il juste un peu plus riche, une peu plus odieux, un peu plus misogyne qu’à ses débuts. Pour le reste, il suffit de lire ce livre qui réunit les meilleurs strips et vous comprendrez qu’on savait déjà tout du zigoto et qu’il n’y a finalement aucune surprise.  Énorme! 30 ans de BD-enquête sur Trump, Garry B. Trudeau. Hachette Comics. 19,95€

On revient sur nos terres avec Le Député – La noble assemblée, une bande dessinée de Xavier Cucuel et Al Coutelis qui à défaut d’être très marquée idéologiquement nous permet de pénétrer le Palais Bourbon, d’en découvrir la face cachée, les coulisses de la démocratie en quelques sortes, mais aussi les coutumes, les règles non écrites, le protocole et bien évidemment les secrets, les coups bas, les luttes d’influence…

L’histoire ? Celle d’un médecin de campagne, Jean-René Galopin, maire d’un petit village d’Aquitaine, qui décide un beau jour de se présenter sans étiquette à une législative partielle qu’il remporte. Dès le lendemain matin, le député fraichement élu débarque à Paris, direction l’Assemblée nationale où il va vite devoir prendre ses marques et de l’assurance pour faire – ce qu’il a promis – de la politique autrement. Le Député – La noble assemblée est une fiction mais une fiction qui s’appuie très fortement sur la réalité grâce à l’aide d’un homme qui connaît par coeur le Palais Bourbon et les rouages du monde politique, Jean-Louis Debré, qui en plus d’avoir fourni Couv_309893aux auteurs toutes les clés du lieu signe une préface. Passionnant ! Le Député – La noble assemblée, Xavier Cucuele et Al Coutelis. Éditions Bamboo. 21,90€

Le livre de David Servenay et Thierry Martin ne raconte pas une affaire d’état mais une affaire d’états. Avec un S. Car elle implique deux pays, la France et Djibouti, et deux chefs d’états, Jacques Chirac et Ismaël Omar Guelleh. Au centre de cette affaire, un homme, le juge Borrel qui se serait suicidé pour les uns, qui aurait été assassiné pour les autres. Nous sommes en octobre 1995, son corps est retrouvé partiellement brûlé à Djibouti où il occupait officiellement le poste de conseiller du ministre de la justice. Première à défendre la thèse de l’assassinat, sa femme, Elisabeth Borrel qui pendant des années et des années se bat pour que surgisse la vérité. Face à elle, deux états, deux raisons d’états, à ses côtés deux avocats et quelques journalistes dont David Sevenay qui enquête pendant des années sur l’affaire jusqu’à ce qu’il en soit débarqué par la direction de RFI, sur ordre de l’Elysée précise-t-il.

C’est cette histoire que David Savenay raconte ici avec le dessinateur Thierry Martin, une histoire éminemment politique qui ne trouve toujours pas d’issue judiciaire même si de nouvelles expertises ont cet été encore confirmé la thèse de l’assassinat. Un livre très instructif complété par une interview d’Élisabeth Borrel et de son avocat Olivier Morice.

Une affaire d’états, de David Servenay et Thierry Martin. Éditions Soleil. 17,95€

Eric Guillaud

19 Déc

Chroniques de Noël. Sexe et recettes inavouables, deux BD qui osent !

dirtybiologyAïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Depuis la nuit des temps, les hommes et les femmes font du sexe. Oui oui, ne jouez pas les pudibonds ! Sinon, comme le souligne l’un des auteurs de ce livre intitulé Dirtybiology La Grande aventure du sexe, nous ne serions pas là, nos parents n’auraient pas été là non plus, ni nos arrières grands-parents, bref l’espèce humaine n’existerait pas. Mais savez-vous ce qu’est vraiment le sexe ? Physiquement peu-être mais scientifiquement ? C’est la mise en commun de l’identité de deux individus qui en produit un troisième, différent.

Avec beaucoup d’humour mais aussi une grande précision scientifique, Léo et Colas Grasset répondent à toutes les questions que l’on peut se poser. Qu’est- ce que le sexe? Est-ce que ça a toujours existé ? A quoi ça sert ? Peut-on faire du sexe sans sexe ? Une adaptation en BD de la chaîne YouTube aux centaines de milliersc1775f40cd820666319723227f1899f6 d’abonnés et aux millions de vues. Dirtybiology La Grand aventure du sexe, de Léo et Colas Grasset. Éditions Delcourt. 19,50€

Après le sexe, direction la cuisine – en général, ça ouvre l’appétit – avec Les recettes inavouables illustrées. Pourquoi inavouables ? N’imaginez surtout pas qu’elles ont quelque chose que la morale réprouve. Non, plus simplement, ces recettes sont du genre très – trop? – faciles « tellement rapides, tellement faciles, tellement bon marché qu’on ose à peine les appeler recettes », préviennent les auteures, Seymourina Cruse Ware et Anne-Sophie Constancien. Et pourtant, en vrac, on découvre comment faire du canard à l’orange, du crumble de sardines, du dauphinois de saumon ou encore du porc laqué au carambar, le tout en deux trois coups de cuillère à pot et avec des beaux dessins. Miam… Les Recettes inavouables illustrées, de Cruse et Constancien. Éditions Delcourt. 18,95€

Eric Guillaud

18 Déc

INTERVIEW. Ramona, histoire d’une rencontre amoureuse intense mais éphémère signée Naïs Quin chez Vraoum

C’est un lieu improbable, niché au bout du bout du monde. Un enchevêtrement de collines pour horizon, une terre aride et une caravane, enfin ce qu’il en reste, celle de Paul, celle de son père surtout qui a dû s’absenter quelques mois pour le travail. Paul est resté seul, vraiment seul, jusqu’au moment où surgit Ramona…

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Quelques boîtes de conserves pour repas, des avions de papier et un Rubik’s Cube pour distraction, un père parti faire la saison ailleurs…. On ne peut pas dire que les vacances de Paul prennent une orientation très folichonne. Mais soudain débarque Ramona, une brune de caractère sortie de nulle part. Ramona et Paul vont partager quelques instants, quelques jours, découvrir l’amour, combattre ensemble la solitude et tenter de soigner leurs blessures respectives…

Ramona est le premier roman graphique d’une jeune auteure nantaise qui a toujours voulu faire de la BD. Elle sort de l’école Pivaut à Nantes et nous raconte comment ce qui n’était à l’origine qu’un projet de diplôme est devenu un album publié aux éditions Vraoum…

Quel a été le déclic pour l’écriture de ce premier roman graphique?

Naïs. Ça date de quand j’étais étudiante, plus précisément d’un exercice où j’ai commencé à dessiner un garçon roux maigrichon et tout ramassé dans des décors de campagne un peu désolée, avec une fille brune un peu étrange sur certains plans. Ensuite ça s’est déroulé assez naturellement jusqu’à devenir l’histoire de Ramona.

© Vraoum / Quin

© Vraoum / Quin

Peux tu nous expliquer en deux trois mots l’histoire ?

NaÏs. On suit Paul, un garçon timide et solitaire, qui passe l’été au beau milieu d’une campagne désertique. Un beau jour débarque Ramona, une fille exubérante et charmante mais qui reste très énigmatique. Sans trop que Paul en apprenne plus sur elle, les deux adolescents tombent amoureux, alors qu’en parallèle Ramona commence à se conduire de façon de plus en plus étrange et malsaine.

D’où vient Ramona ? Où va Romona ? On aimerait bien en savoir un peu plus sur cette gamine. Tout est un peu trouble. Qu’est-ce que tu peux en dire de plus ?

Naïs. Rien ! Plus sérieusement, je préfère laisser les lecteurs sur les éléments que j’ai disséminés dans la BD. Que ça soit en tant que public ou auteure, j’aime qu’une histoire laisse de la place au lecteur pour y apporter ses interprétations, et plus largement qu’il puisse remplir les zones de flou avec un peu de lui-même, et qu’ainsi chacun s’approprie l’histoire de façon personnelle. On est forcément plus touché par quelque chose quand on y a apporté du sien, à mon avis.

Je pense que ça serait un peu casser l’expérience de lecteur que d’invalider par la suite ce qu’il aurait naturellement compris (ou non) par lui-même.

D’ailleurs je n’ai pas forcément moi-même de réponses, j’ai mis dans la BD ce que je voulais raconter, et comme ce que je voulais raconter restait par essence évasif ça ne m’a pas semblé très intéressant à creuser.

© Vraoum / Quin

© Vraoum / Quin

Après ce premier album, tu te sens plutôt dessinatrice, plutôt scénariste ou plutôt les deux ?

Naïs. Disons auteure, puisque j’ai géré tous les éléments de la BD. Je trouve que tout ça fonctionne de façon très imbriquée quand on est à la fois scénariste et dessinateur sur une histoire.

Personnellement, c’est vraiment l’histoire et la narration qui m’intéressent et me préoccupent en priorité, et je mets le dessin au service de ça. En général, je peux avancer assez loin dans ma tête sur une histoire sans avoir encore fait le moindre dessin.

© Vraoum / Quin

© Vraoum / Quin

Quelles sont tes influences en général et peut-être plus précisément tes références pour cet album ?

Naïs. En ce qui concerne la bande dessinée, même si je ne cherche pas à m’inspirer volontairement d’autres oeuvres, j’ai été particulièrement marquée par Inio Asano (Bonne nuit Punpun étant sans conteste ma bande dessinée préferée, qui m’a beaucoup touchée en terme de ressenti et de narration), et Cyril Pedrosa (Pour Portugal et Trois Ombres, c’est ici en particulier son dessin que j’admire beaucoup).

Cela étant dit, je pense être beaucoup plus influencée par le cinéma que par la bande dessinée pour ce qui est de la narration et des influences en général. Pour Ramona, je pense pouvoir citer Morse, Submarine ou encore Restless. Quant aux décors, certains passages de Kill Bill 2 ont dû pas mal m’influencer.

Est-ce que tu as une idée de bande son pour ton album ?

Naïs. J’avais utilisé Hood de Perfume Genius pour un sorte de mini trailer en BD que j’avais réalisé à l’école, qui est un morceau que j’adore et qui colle pas mal à l’esprit de l’histoire.

Je m’étais aussi amusée à trouver des thèmes musicaux spécifiques aux personnages, et je m’étais arrêtée sur Youth knows no pain de Lykke Li pour Ramona et Awake my soul de Mumford and Sons pour Paul. D’ailleurs je pense que ce dernier groupe pourrait globalement être une bonne bande son pour la BD.

Comment te situes-tu dans le milieu de la BD nantaise ?

Naïs. Je ne pense pas en être à un stade où j’ai réellement une place quelconque dans le milieu.

En tout cas, entre les anciens camarades d’école et les rencontres ultérieures que ça implique, l’immense majorité de mes amis se compose d’autres jeunes auteurs/dessinateurs nantais, qui sont très talentueux en plus d’être des personnes merveilleuses !

Ça va ressembler à quoi le proche avenir de Naïs ? Quels sont tes projets ?

Naïs. J’ai été contactée par un scénariste il y a quelques mois, et nous essayons de proposer un projet BD, dont je ne peux pas encore trop parler.

Si cela se concrétise, comme je serai cette fois uniquement dessinatrice, je commencerai sans doute à réfléchir à un prochain projet personnel.

Merci Naïs

Propos recueillis par Eric Guillaud le 15 décembre 2017

Ramona, de Naïs Quin. Éditions Vraoum. 20€

© Vraoum / Quin

© Vraoum / Quin

16 Déc

Chroniques de Noël. Une année pour méditer, dessiner ou travailler. 3 BD, 3 approches de la vie…

Une-annee-pour-mediter-365-pensees-illustreesAïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin

L’année 2018 sera celle du changement. En tout cas,  l’auteur anglais – et bouddhiste – Mike Medaglia nous a concocté pour cela un livre, petit par le format mais grand par l’ambition, réunissant 365 pensées illustrées, autant d’invitations à la méditation et à la pleine conscience.

Un jour, une pensée, celle du 4 janvier est signée de la romancière britannique George Eliot, de quoi se mettre de bonne humeur le matin…

« Il n’est jamais trop tard pour devenir ce que tu aurais pu être »

George Eliot, Anne Frank, Groucho Marx, Oscar Wilde, Vincent Van Gogh, Mère Teresa, Jack Kerouac, Gabriel Garcia Marquez ou encore Mark Twain, Mike Medaglia est allé chercher ses pensées auprès des écrivains mais aussi des philosophes, des personnalités religieuses, artistiques, politiques ou autres.2b5be04b172c195ad4ba6091a8492418

« Une bonne citation peut changer un point de vue, ne serait-ce qu’une seconde. Elle peut donner de l’espoir, inspirer le changement, faire rire et rappeler la richesse de la vie », nous explique Mike Medaglia en introduction. De quoi méditer ! Une année pour méditer, Mike Medaglia, Delcourt, 19,99€

Pendant que les uns méditent, les autres passent leurs nuits à dessiner, c’est le cas de l’auteure américaine Leslie Stein qui a pris comme résolution à la veille de l’année 2016 de dessiner une page de bande dessinée chaque jour ou plus précisément chaque nuit. Leslie est alors barmaid dans un bar de nuit. Sur un coin du comptoir, elle pose sa feuille et griffonne nuit après nuit son quotidien, ses pensées intimes, ses souvenirs d’enfance, ses doutes, ses interrogations, ses espoirs et vient de les réunir dans ce roman graphique.Unknown

Dans un style pâte de mouche, Elle nous embarque dans sa vie avec pas mal d’humour et beaucoup de folie. Toutes mes nuits sans dormir, Leslie Stein, Decourt, 25,50€

Le travail, c’est la santé ? Pas si sûr. En tout cas, Vaïnui de Castelbajac a pris le parti d’en rire avec une série d’illustrations et de gags affreusement drôles. Et ça, ça fait plutôt du bien par où ça passe. C’est tour à tour absurde, odieux, misogyne, ça sent le burn out à toutes les pages, on y parle de fusion d’entreprise dans un club échangiste, de promotion canapé, de productivité, de brainstorming au LSD, d’employé du mois, de harcèlement, d’ateliers de méditation, de tri sélectif au service RH… on rit, on grince des dents, on hurle et on retourne au boulot un peu soulagé ! Au taf, Vaïnui de Castelbajac, Delcourt, 16,95€

Eric Guillaud

13 Déc

Le retour de Théodore Poussin dans le journal Spirou

Vous le reconnaissez ? Oui c’est bien lui, Théodore Poussin, le héros ou plus exactement l’anti-héros imaginé par Frank Le Gall en 1984, disparu des écrans radars depuis 2005, et finalement de retour aujourd’hui même dans le journal Spirou spécial Noël pour une toute nouvelle aventure…

IMG_1566Une chose est sûre, il nous aura affreusement manqué notre Théodore.  Oui je dis notre parce qu’il n’appartient plus vraiment à son créateur, Frank Le Gall, mais à ses fans, ses nombreux fans dont je suis.

Il faut dire que Théodore Poussin n’est pas un héros au sens strict du terme. C’est un gars ordinaire plongé dans une aventure extraordinaire. Il est né anti-héros, il le restera le temps de ses 12 aventures. Un anti-héros magnifique de la trempe d’un Corto Maltese. De ce dernier, il a d’ailleurs hérité le goût du large, l’envie de voyages.

Tout commence en 1928 à Dunkerque. Théodore est alors commis aux écritures à la Compagnie des chargeurs maritimes. Un travail de bureau sans horizon. Jusqu’au jour où il se décide à embarquer pour l’Indochine à la recherche d’un oncle disparu : le capitaine Steene. C’est le début d’une longue, très longue quête du côté de Haiphong, Singapour, Macassar, Bornéo ou encore Java. Aventure, exotisme, mystère… La série de Frank Le Gall est l’une des plus belles créations des années 80-90 et l’une des plus belles du Neuvième art tout simplement.

Eric Guillaud

Plus près de toi : une histoire d’amour en pleine guerre signée Jean-Claude Fournier et Kris

UnknownDes soldats noirs en Bretagne. L’affaire peut paraître aujourd’hui absolument banale, elle l’est nettement moins dans les années 40. Surtout quand ces fameux soldats sont des prisonniers de guerre venus aider aux travaux des champs. Fournier et Kris mettent en images une réalité de la seconde guerre mondiale, une réalité à priori moins tragique, moins sanglante, que celle des combats ou des camps de concentration, mais ne vous y fiez pas, l’horreur n’est jamais très loin et peut surgir à tout moment…

C’est à Landennec, précisément, que Jean-Claude Fournier et Kris ont planté leur chevalet pour nous peindre cette belle histoire d’amour qui se déroule pendant la deuxième guerre mondiale. Car oui, Plus près de toi raconte bien une histoire d’amour entre un de ces prisonniers noirs, Addi, et une jeune institutrice blanche, Jeanne.

Tout commence au Sénégal, lorsque la France entre en guerre contre l’Allemagne. Addi ne rêve que d’une chose, devenir prêtre. Il est sur le point d’être ordonné lorsque cette foutue guerre éclate. Son père, un ancien combattant de la Grande guerre lui ordonne de s’engager pour l’honneur de la famille, pour l’honneur de la patrie. Il revêt l’uniforme et part pour la France où il est rapidement fait prisonnier.

C’est la débâcle, les Allemands ne s’embarrassent pas des prisonniers noirs, ils en fusillent beaucoup. Addi, lui, échappe à la mort mais se retrouve dans un camp de prisonniers en Bretagne. Il y fait froid, il faut construire les baraquements pour s’abriter, se contenter d’une soupe à peine plus épaisse qu’un verre de cidre mais les femmes sont jolies. Le mari de Jeanne est mort à la guerre, du moins le croit-elle, et son coeur est libre. Addi tombe amoureux. Entre l’amour, la guerre et la religion, la vie d’Addi est complètement bouleversée tandis que le monde sombre dans l’horreur absolue…

Pour la première fois, les deux auteurs bretons aux parcours si différents mais identiquement imprégnés de la culture bretonne se retrouvent autour d’une bande dessinée, Kris au scénario, Fournier au dessin. L’histoire à première vue légère d’un tirailleur sénégalais tombant amoureux d’une belle bretonne se révèle plus complexe et plus profonde que ça. La guerre ressurgit régulièrement dans les pages de l’album avec une violence insoutenable et un déchaînement d’actes racistes. Le livre nous interroge aussi, bien évidemment, sur la place de ces soldats venus d’horizons lointains dans notre mémoire collective. Première partie d’un diptyque, Plus près de toi est une fiction inscrite dans un contexte bien réel, une histoire comme il a pu en exister quantité à l’époque, dans une Bretagne qui avait effectivement accueilli de très nombreux prisonniers de guerre.

Kris a dédié ce livre « à tous les soldats ayant combattu pour la France sans en avoir pour autant la nationalité pleine et entière« , et notamment aux tirailleurs africains du Bataillon de marche n°5 de la 1ère Division de la France Libre dont son arrière-grand-père , Henri Hennebaut, était le capitaine.

Eric Guillaud

Plus près de toi, de Fournier et Kris. Éditions Dupuis. 14,50€

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07 Déc

Quand Marion Montaigne nous glisse dans la combi de Thomas Pesquet : les coulisses d’une mission spatiale en BD

9782205076394-couvIl a marqué le grand public avec ses photos et ses tweets envoyés depuis la station spatiale internationale entre novembre 2016 et juin 2017, Thomas Pesquet est aujourd’hui le personnage central d’une bande dessinée de Marion Montaigne. Vous avez toujours rêvé de devenir astronaute ? Voilà ce qui vous attend…

Et c’est chaud ! Autant vous le dire tout de suite, on ne devient pas astronaute en jouant  à Super Mario Galaxy 2 ou en lisant les aventures de Buck Danny. Ça peut déclencher des vocations, certes, mais ce n’est pas suffisant.

Pour nous montrer la face cachée de ce monde obscur, Marion Montaigne a pris sa plus belle lampe torche, son humour, sa plume et ses pinceaux, et remonté le temps, direction les années 80. Thomas Pesquet n’est alors qu’un petit morveux avec deux grosses dents à la manière de Bugs Bunny mais en plus écartées, qui lui servent de frein moteur dans sa fusée en carton. Bon, en tout cas, c’est comme ça qu’elle l’imagine.

© Dargaud / Montaigne

© Dargaud / Montaigne

Et de nous raconter avec l’humour qu’on lui connaît et la vulgarisation scientifique dont elle s’est fait une spécialité le Thomas Pesquet enfant, adolescent, étudiant puis candidat à un concours de recrutement d’astronaute lancé par l’Agence Spatiale Européenne.

Exercice : « On dicte une liste de chiffres entre 3 et 10. Le candidat ne sait pas quand la liste va s’arrêter. Elle peut durer entre 30 secondes et 3 minutes. Mais quand elle stoppe… Il doit donner le maximum de chiffres retenus et dans l’ordre inverse de ce qu’il a entendu. »

Oui, je vous l’accorde, c’est terrible ! Et ce n’est rien à côté de ce qui l’attend, un déluge d’examens médicaux dans tous les genres et tous les sens, depuis le test d’effort jusqu’à la coloscopie, en passant par l’analyse de sang, la myélographie, l’angiographie, l’examen des selles… « et enfin enterrement de votre dignité ».

© Dargaud / Montaigne

© Dargaud / Montaigne

Tout ça dans l’infime espoir d’être l’élu. 8413 candidats au départ, 1000 sont sélectionnés pour les épreuves, 1 seul sera à l’arrivée, les probabilités d’y arriver sont faibles, très faibles, mais… Thomas Pesquet y parvient.

« Vous allez vous entrainer des années comme des chacals sans savoir quand vous serez affectés. Ni trop pourquoi ».

L’entrainement, la mission, le retour sur Terre, ce qui s’est vu ou pas dans les médias, l’extraordinaire comme le quotidien, l’essentiel comme l’anecdotique, Marion Montaigne nous fait vivre l’aventure de l’intérieur, au plus près de Thomas Pesquet, avec un humour dévastateur et en même temps une écriture et une mise en images des plus subtiles. Dans la combi de Thomas Pesquet est un docu-fiction absolument captivant qui confirme l’immense talent de la créatrice du blog Tu mourras moins bête (mais tu mourras quand même)

Eric Guillaud

Dans la combi de Thomas Pesquet, de Marion Montaigne. Editions Dargaud. 22,50€

Marion Montaigne en dédicace le Jeudi 7 décembre au Planétarium de Nantes, le 10 décembre à librairie Mollat à Bordeaux, le 13 décembre à la librairie Bulle en tête à Paris, le 16 décembre à la librairie Momie de lyon, le 20 décembre, à Bd fugue café à Toulouse, le 21 décembre à la cité de l’espace de Toulouse, le 12 janvier à la librairie BD Flash à Rambouillet, le 13 Janvierà la médiathèque Jules Verne à Vandœuvre-lès-Nancy, du 25 au 28 janvier au Festival d’Angoulême…

03 Déc

Il s’appelait Ptirou : Yves Sente et Laurent Verron nous embarquent pour un voyage aux origines du personnage Spirou

9782800170695-couv-M800x1600Il y a le Spirou des mythiques aventures de Spirou et Fantasio. Il y a aussi depuis quelques années, une trentaine quand même, le Petit Spirou qui a sacrément dépoussiéré la bande dessinée jeunesse à ses débuts. Il y a enfin le Spirou de…, des aventures hors série animées par des auteurs d’horizons divers mais réunis par une passion commune pour le personnage et l’univers…

Après Schwartz, Yann, Frank, Zidrou, Bravo, Le Gall ou encore Trondheim, c’est au tour d’Yves Sente au scénario et Laurent Verron au dessin de proposer leur propre vision de Spirou avec une histoire qui se déroule à la fin des années 20, bien avant la création du fameux journal qui allait porter son nom. Rien de plus nomal puisqu’au delà de la fiction imaginée par les deux auteurs, très ancrée dans le difficile quotidien de l’époque, c’est bien de la naissance du personnage dont il est ici question.

Et qui mieux que L’oncle Paul, qui fit les beaux jours du journal Spirou dans les années 50 (Les Belles histoires de l’oncle Paul), pour raconter cette histoire ?

« Puisque j’avais décidé de triturer l’univers du journal Spirou… », explique Yves Sente, « autant y aller à fond ! J’ai donc convoqué l’oncle Paul et décidé de lui faire raconter « sa plus belle histoire » : celle de la naissance de Spirou ».

© Dupuis / Sente & Verron

© Dupuis / Sente & Verron

Nous sommes le 24 décembre 1959, toute une famille se prépare à célébrer Noël lorsque le fameux oncle débarque, entraîne les enfants de la maison dans le salon et entreprend de leur raconter l’histoire de Ptirou, un gamin à la tignasse ébouriffée et rousse, orphelin et débrouillard qui força la chance, une trentaine d’années auparavant, pour se faire embaucher comme mousse sur un paquebot transatlantique.

Avec un nom pareil, un costume comme le sien, aucun doute, Ptirou ressemble beaucoup à notre Spirou de papier. Il suffit seulement d’une rencontre avec le dessinateur Robert Velter pour que le mousse devienne le personnage mythique que tout le monde connaît aujourd’hui, une rencontre qui se réalise dans ce récit telle qu’elle a pu se réaliser dans la vraie vie lorsque le dessinateur faisait office de steward sur les paquebots transatlantiques dans les années 20. Robert Velter, dit Rob-Vel, était impressionné par les mousses et leur costume rouge. Il les griffonnait déjà dans ses carnets.

© Dupuis / Sente & Verron

© Dupuis / Sente & Verron

Mais c’est un accident grave tuant l’un d’entre-eux sur le paquebot Île-de-France qui l’affecta énormément et qui – sûrement – décida Rob-Bel à s’inspirer de leur image pour donner naissance à Spirou en 1938, à la demande express de l’éditeur Paul Dupuis alors à la recherche d’un héros pour son nouveau journal.

Yves Sente et Laurent Verron ont imaginé autour de cette rencontre et de cette naissance de Spirou un récit d’aventure mais pas que. Il s’appelait Ptirou est avant tout une histoire qui se déroule à l’ombre des luxueux paquebots, dans le vrai monde, celui du travail et souvent de la misère.

« Ptirou est une histoire tragique, sans gags, avec les deux pieds dans le vrai monde… », raconte Laurent Verron, « Je voulais donc pratiquer un dessin avec de la matière, plus réaliste que d’habitude, qui ne fasse pas trop propre ».

© Dupuis / Sente & Verron

© Dupuis / Sente & Verron

La crise de 29 n’est pas loin et partout la misère et le chômage gagnent du terrain. Le bateau sur lequel navigue Ptirou est d’ailleurs sujet à des sabotages de la part de militants syndicalistes mécontents d’un projet de plan social comme on dirait aujourd’hui. 250 personnes doivent être virés de la compagnie maritime pour satisfaire les actionnaires.

« Le récit se déroulant à la fin des années 1920… », confie Yves Sente, « il était logique d’évoquer les conflits sociaux et les fractures grandissantes dans la société d’avant-guerre. J’ai donc évoqué dans mon scénario le conflit entre actionnaires et ouvriers de la compagnie maritime, mais aussi le conflit entre « ceux du pont » et « ceux de la cale ». Des thématiques qui parleront forcément aux lecteurs de notre époque, où la classe moyenne tend à disparaître entre une minorité d’ultra-riches d’un côté et des gens qui peinent à joindre les deux bouts, de l’autre côté ».

Une très belle aventure transatlantique qui nous permet de prendre le large et en même temps de découvrir les origines d’un des plus grands héros de la bande dessinée franco-belge. Un récit tragique, certes, mais dans lequel l’action côtoie en permanence l’émotion, l’imaginaire caresse le réel. Le trait de Laurent Verron vieilli, sali, pour l’occasion, est un pur régal et le personnage de Ptirou un Spirou en puissance qu’on a envie de revoir !

Eric Guillaud

Il s’appelait Ptirou, Le Spirou de… Sente et Verron. Éditions Dupuis. 16,50€

© Dupuis / Sente & Verron

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01 Déc

Les damnés de la Commune : Raphaël Meyssan raconte l’histoire du communard Lavalette à travers d’authentiques gravures de l’époque

Les-Damnes-de-la-Commune-01C’est un boulot de titan, un boulot de dingue. Un boulot de dingue mais un résultat saisissant, impressionnant ! Dans Les Damnées de la Commune, Raphaël Meyssan raconte l’histoire d’un communard dont on a oublié jusqu’à l’existence dans une BD exclusivement réalisée avec des gravures de l’époque…

Tout est parti, nous explique l’auteur-narrateur dans les premières pages de l’album, d’une étrange découverte à la bibliothèque historique de Paris. Dans un livre ancien, une adresse, 6 rue Lesage, la sienne précisément. Et un nom, Charles Lavalette, sergent du 159e bataillon pendant le siège de Paris, promu commandant par la Commune, un gars qui semble avoir compté à époque mais qu’on a complètement oublié, comme tant d’autres, aujourd’hui.

« Il y a avait dans mon immeuble, dans mon quartier si éloigné du centre de la cité, une histoire. Une toute petite histoire, effacée par le temps. Celle d’un homme inconnu enfouie dans une histoire méconnue : la Commune de Paris de 1871 ».

Piqué par la curiosité, Raphaël Meyssan plonge dans les archives papier, consulte des journaux, des centaines de journaux, et des gravures. Pendant des mois, des années, il cherche, trie, engrange, jusqu’à se demander quoi en faire ?

« Je suis parti à sa recherche comme on part en voyage. J’ai bourlingué dans le temps , parcouru les rues pour retrouver sa trace, arpenté des livres pour rattraper sa vie. Au milieu des archives, j’ai cherché son histoire « 

Son histoire, il l’a raconte finalement en BD mais d’une façon peu orthodoxe. Il faut préciser que Raphaël Meyssan ne sait absolument pas dessiner. Alors, son regard, son pinceau, son trait, il les trouvera dans les gravures de l’époque qu’il scanne, avant de recadrer, grossir, retourner, mettre en cases et ajouter le texte, exactement comme dans une bande dessinée classique.

Et il nous raconte ainsi l’histoire de cet homme, Lavalette, mais aussi et surtout l’histoire de la Commune, la République assiégée, l’insurrection du 31 octobre, le siège de Paris, la faim, le froid, la mort, le lait coupé à l’eau ou au plâtre, les animaux du zoo du Jardin des plantes qu’on abat pour avoir un peu de viande, Gustave Flourens, Auguste Blanqui, Jules Ferry….

C’est un travail extraordinaire que Raphaël Meyssan a réalisé ici. Il ne sait pas dessiner, comme il le reconnaît très librement, mais il sait manifestement raconter une histoire. Il aurait pu le faire avec les dessins d’un autre, il a préféré le faire avec des gravures authentiques de l’époque. Ce qui donne un caractère incroyable à l’album et permet une immersion totale du lecteur dans le décor de ces années troubles. un récit solidement bâti, un texte éloquent, une démarche singulière… Un album qui restera gravé dans nos mémoires.

Eric Guillaud

Les damnés de la Commune, de Raphaël Meyssan. Éditions Delcourt. 23,95€

 © Delcourt / Meyssan

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