30 Déc

Chroniques de la fruitière, voyage au pays du comté avec Fred Bernard

Capture d’écran 2016-12-29 à 22.13.58Cet album là est resté quasiment trois mois sur ma table de chevet avant que je ne me décide finalement à l’ouvrir. Trois mois d’affinage en quelques sortes pour une savoureuse dégustation avec un petit verre de vin rouge bien entendu…

Vous, je ne sais pas mais personnellement, j’ai été bercé dans ma jeunesse par cette publicité qui, telle une horloge, donnait le rythme des soirées devant le petit écran. Com … Té … Com … Té … Com … Té. C’est un fromage qui prend son temps, disait la publicité. Et la BD de Fred Bernard mérite qu’on le prenne aussi.

Page après page, l’auteur de L’Ivresse du poulpe, Lily Love Peacock, La Paresse du panda et bien sûr des Chroniques de la vigne nous embarque dans l’histoire du Comté, son origine, ses secrets de fabrication, ses paysages, ses pâturages, ses vaches, ses fenaisons, ses fleurs – tout est important dans la Comté – et surtout ses hommes et ses femmes, producteurs de lait, fromagers ou encore affineurs.

Le comté, c’est avant tout une affaire de passionnés. C’est en tout cas ce qu’on ressent en lisant la bande dessinée de Fred Bernard. Faire du comté, ce n’est pas faire du camembert ou de la tome, aussi respectueux et délicieux soient ces fromages, non, faire du comté, c’est faire du comté. Une méthode unique pour un fromage unique.

Chroniques de la fruitière est un véritable voyage au coeur de la Franche-Comté et de ses exploitations agricoles, au coeur des caves d’affinage, au coeur des coopératives qu’on appelle ici les fruitières, au coeur d’une vie toute entière organisée autour de la fabrication de ce fromage. Une bande dessinée documentaire forcément passionnante, pédagogique sans être un instant ennuyeuse.

Eric Guillaud 

Chroniques de la fruitière, voyage au pays du comté, de Fred Bernard. Editions Glénat. 19,50€

© Glénat / Fred Bernard

© Glénat / Fred Bernard

28 Déc

La BD en 2016 ? Une stabilisation selon le rapport Ratier

La-terre-promiseÉditeurs, auteurs, libraires, passionnés… Le monde de la bande dessinée l’attend chaque année avec impatiente parce qu’il offre une photographie très précise de la production de bande dessinée dans l’espace francophone européen. Le rapport Ratier, du nom du secrétaire général de l’ACBD, Association des critiques et journalistes de bande dessinée, est sorti. 

5305 livres de bande dessinée publiés en 2016, dont 3988 pures nouveautés, l’offre éditoriale afficherait selon le rapport une légère augmentation de 0,9% par rapport à l’année précédente.

Une légère augmentation, certes, mais une offre globale qui reste extraordinaire, au dessus de la « barre symbolique » des 5000 publications. Pour mémoire, en 2000, le rapport Ratier parlait d’une « énorme production » avec seulement 1137 nouveaux albums. On en est bien loin aujourd’hui…

« Au fil des ans… », explique Gilles Ratier, « le 9e art s’est construit une place de choix au sein de l’industrie culturelle et ses acteurs ont su trouver un rythme de production, ainsi que des politiques éditoriales efficaces, dans un monde en constante mutation économique et artistique : d’où la multiplication des licences et des valeurs sûres allant dans le sens des goûts d’un large lectorat. »

Parmi les plus gros producteurs, on trouve bien évidemment les habituels groupes Média Participations (Dargaud, Dupuis, Marsu, Lombard…) avec 746 publications, Delcourt (Soleil, Quadrants…) avec 652 publications, Glénat (Vent d’Ouest, Treize étrange…) avec 417 publications.

Tirages : le podium

Du classique, du très classique même, pour la plus haute marche du podium avec le nouvel album de Lucky Luke, La Terre promise, (500 000 ex), suivi du nouveau volet de Blake et Mortimer (400 000 ex) et de Lou!, La Cabane, (320 000 ex).

Parmi les séries qui montent, Les Légendaires bien sûr (200 000 exemplaires en 2016) ou Les Sisters (150 000) et parmi les entrées fracassantes, Ki & Hi (230 000), My Hero Academia (110 000), One Punch Man (265 000)…

Le rapport de Gilles Ratier recense 1419 auteurs européens de BD francophones en 2016 (20 de plus par rapport à 2015), dont 182 femmes (9 de plus par rapport à 2015).

Tous les chiffres, toutes les analyses sur le site de l’ACBD ici

© Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD(Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée)

27 Déc

Mickey Mouse icône du rêve américain : un ouvrage de Garry Apgar pour tout savoir du célèbre héros de Walt Disney

601 MICKEY MOUSE ICONE REVE AMERICAIN[LIV].inddPlus qu’un héros d’animation ou de papier, Mickey est un symbole culturel comme peut l’expliquer Garry Apgar dans les pages de ce livre. Une icône de la pop-culture, mieux, une icône du rêve américain, un héros éternel né en 1928… 

« Le petit personnage de Disney… », écrit Garry Apgar, « est porteur de bien des traits de caractère renvoyant à la jeunesse d’esprit de son auteur : l’optimisme, le côté joueur, l’indépendance, la gouaille, l’ingéniosité, une énergie sans limites et une certaine innocence. Ce n’est sans doute pas une coïncidence si ces éléments, partie intégrante de la façon dont Mickey a conquis son public, sont aussi vus comme des qualités parfaitement américaines ».

Dans son ouvrage de plus de 300 pages, Garry Apgar nous raconte donc l’histoire de cet icône mais aussi celle de son créateur, Walt Disney, bien évidemment indissociables.

Et on en apprend des choses. Beaucoup, essentielles ou anecdotiques, parfois surprenantes comme les origines de Disney. La famille du génial Walt serait en effet originaire d’Isigny-sur-Mer, un petit village normand – oui oui – essentiellement connu aujourd’hui pour ses fromages et son beurre. Ne vous précipitez pas sur BlaBlaCar pour y organiser un pèlerinage, cette histoire-là remonte à l’époque de Guillaume le Conquérant. Depuis, la famille a largement eu le temps de migrer en Angleterre, puis en Irlande, avant de finalement rejoindre les États-Unis.

Très documenté, accompagné d’une iconographie remarquable et étayé par des extraits d’interviews, le texte de Garry Apgar revient très minutieusement sur la naissance de la souris, sur son heure de gloire, sur son arrivée dans la culture pop, son influence sur le cinéma d’animation, le Neuvième art et au-delà.

Garry Apgar n’est pas un novice en la matière. Cet universitaire américain, historien de l’art et spécialiste de l’iconographie voltairienne, a publié A Mickey Mouse Reader en 2014 avant Mickey Mouse : Emblem of the American Spirit en 2015, ouvrage présentement traduit en français.

Les éditions Glénat, détentrices de la licence Disney et initiatrices d’une nouvelle collection proposant à certains auteurs de BD européens la possibilité de revisiter la légende Disney, ne pouvaient décemment pas passer outre la publication de ce livre en France. On l’attendait, il est enfin arrivé, à point nommé pour les fêtes. Un beau cadeau !

Eric Guillaud

Mickey Mouse, Icône du rêve américain, par Garry Apgar. Editions Soleil. 39€

22 Déc

Chroniques de Noël. Nancy Peña et Madame reviennent avec Un temps de chien et c’est drôlement bien !

Couv_294115Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Pluie et froid au balcon, apocalypse dans la maison ! C’est un proverbe qui a tout son sens quand on est l’heureux propriétaire d’un chat qui, de peur d’alourdir son doux pelage, préfère par temps de pluie ne pas poser les coussinets dehors et mettre le salon dans un état second, proche de la décharge municipale.

Une fois ce salon retourné, renversé, malaxé, Madame rêve devant la fenêtre. Madame, c’est le nom du félin de Nancy Peña. Et elle ne fait pas que rêver Madame, elle bouscule, elle dépense, elle pilote, elle souffre, elle fatigue, elle décompresse, elle panique, elle suggère, elle somatise, elle étudie… tout ça et bien plus.

Encore une histoire de chats diront les médisants. Oui c’est vrai, Madame est une histoire de chats mais on est loin de Chi de Konami Kanata, de Chat-Bouboule de Nathalie Jomard ou encore du Chat de Geluck. Madame, c’est beaucoup de tendresse, de poésie et d’humour, un concentré de vie, de poils et de griffes dans une enfilade de gags plus drôles les uns que les autres. On rit mais on s’émeut aussi.

80 pages, autant de gags, un album à lire par un temps de chien ou pas.

Eric Guillaud

Un temps de chien, Madame (tome 2), de Nancy Peña. Editions La Boîte à Bulles. 13€

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21 Déc

Chroniques de Noël. Vectorama, un artbook grand format pour un illustrateur majeur

44ab0b1bcbc81b7e62481b0fec65aba7Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Petit, il dessinait des monstres en tout genre, aujourd’hui il fait plutôt dans le coquin. Mais le coquin raffiné. « je ne suis même pas capable de dessiner une vraie pin-up dans une belle pose lascive », confie-t-il. Pour le reste, Arthur de Pins sait y faire. Et sarcrément. Issue de l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs, cet auteur d’origine bretonne s’est fait un nom dans le milieu de l’animation, avant de s’en faire un dans l’illustration. En l’an 2000, son court-métrage de fin d’études, Géraldine, obtient seize prix à travers le monde.

Inspiré très largement par l’oeuvre de Richard Zielenkiewicz, aka Monsieur Z, Arthur de Pins travaille exclusivement en numérique sur Adobe Illustrator, logiciel de création graphique vectorielle qu’il découvre en 1999 et qui lui permet de développer un univers singulier, extrêmement glamour et élégant, un graphisme constitué de formes et quasiment jamais de traits.

Court-métrages mais aussi publicités, jeux de société, jeux vidéos, cartons d’invitation, flyers, affiches de groupes rock, affiches de festivals, vidéos clips et bien sûr bandes dessinées, pas un domaine n’échappe à Arthur de Pins qui en quelques années s’impose comme l’un des maîtres du dessin vectoriel.

Vectorama, comme son nom l’indique offre un panorama non exhaustif – mais très complet tout de même – du travail d’Arthur de Pins. 224 pages, des centaines d’illustrations, beaucoup beaucoup de jeunes femmes et de coquineries mais pas que. On y croise aussi ses célèbres crabes ( La Marche du crabe chez Soleil) ainsi que les personnages des Péchés Mignons, une série so sexy publiée chez Fluide Glacial, ou de Zombillénium aux éditions Dupuis.

Et si vous vous demandez ce qu’est exactement le dessin vectoriel, Arthur de Pins l’explique en détail dans les dernières pages de ce livre. C’est beau, c’est frais, c’est intelligent, c’est Arthur de Pins.

Eric Guillaud

Artbook par Arthur de Pins. Éditions Soleil. 34,95€

18 Déc

Chroniques de Noël : Le Passeur, récit post-apocalyptique signé Hermann et Yves H.

Hermann-LE-PASSEUR_GDOKAïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

L’univers est post-apocalyptique à souhait, sombre, inquiétant et violent, les personnages principaux, Sam et Samantha, forment un tandem en errance ou plus précisément en quête de quelque chose, l’auteur s’appelle Hermann…, Il y a comme du Jeremiah dans l’air, mais ce n’est pas du Jeremiah, c’est le nouveau one shot du Grand Prix d’Angoulême 2016 sur un scénario du fiston Yves H.

Le Passeur, nom de ce nouveau one shot, nous entraîne dans une étrange ville frontière. Tout y est en ruine, figé, mort. Mais l’endroit, aussi sordide soit-il, serait le passage obligé pour le « Paradize ». Tout est dans le nom, une belle promesse dans un océan de désespoir. Alors Sam et Samantha s’y rendent et espèrent, contre une poignée de billets, qu’un passeur leur ouvre la porte de ce monde meilleur…

Noir, définitivement noir, ce récit à la croisée de l’anticipation et du thriller ne laisse aucune once d’espoir filtrer. Pourtant, jusqu’au bout de l’aventure, c’est bien l’amour qui guidera Sam et Samantha…

Eric Guillaud

Le Passeur, de Hermann et Yves H. Editions Dupuis. 15,50€

© Dupuis / Hermann et Yves H.

© Dupuis / Hermann et Yves H.

15 Déc

Chroniques de Noël : L’ours Barnabé en intégrale, de l’humour à toutes les pages

 9782849532737_1_75Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Un ours qui joue les funambules ou les astronautes, qui sait expliquer avec force la différence entre l’art classique et l’art contemporain, qui peint sous l’eau avec une flûte, qui sculpte des chevaux comme d’autres dessinent des moutons… il n’y en a qu’un et il s’appelle Barnabé.

Et il est de retour Barnabé. De retour pour quelque 190 pages d’humour à la Philippe Coudray. Une quatrième intégrale qui réunit les tomes 12 à 15 avec en prime quatre planches inédites. Que demandez de plus ? Les fans de la série – qui existe depuis la fin des années 1980 – seront aux anges, les autres pourront découvrir un univers léger en apparence où l’on cause quand même d’écologie, de productivisme… de choses parfois très sérieuses.

La série a reçu le Prix RTL Enfants en 1992, le Prix des écoles à Angoulême en 2011 et a été nommé pour l’Alph’Art du meilleur album humour toujours à Angoulême en 1990.

Eric Guillaud

L’Ours Barnabé, Intégrale tome 4, de Philippe Coudray. Editions La Boîte à bulles. 24€

13 Déc

Chroniques de Noël : Deux Zep pour les fêtes sinon rien…

9782369811855_cover-1Aïe ! Noël approche à la vitesse de la lumière et vous séchez affreusement question cadeaux? Alors voici rien que pour vous une sélection de BD qui feront à coup sûr de l’effet au pied du sapin.

Zep, c’est le papa de Titeuf. Nous sommes d’accord. Mais pas seulement. Depuis pas mal d’années, l’auteur suisse s’est essayé et très vite imposé dans un domaine plus adulte avec des albums comme Découpé en tranches, Happy Sex, Carnet intime ou encore Une histoire d’hommes.

Il revient en cette fin d’année avec deux récits du même tonneau. Un bruit étrange et beau aux éditions Rue de Sèvres et la suite de What a wonderful world! chez Delcourt.

Le silence, la solitude, la chasteté, la pauvreté, l’obéissance… C’est la vie que s’est choisie William en intégrant il y a 25 ans l’ordre des Chartreux. Une vie rythmée par les prières. William pense être en 2016 mais il n’en est même pas sûr. Il faut dire que le bruit du monde extérieur arrive avec peine jusqu’à lui. Jusqu’à ce jour du moins où il est convoqué par un notaire. Il a hérité de plusieurs millions. Lui s’en moque mais pas son monastère qui tombe en ruine. Il faut réparer le toit qui fuit. William accepte de partir pour Paris récupérer l’argent. Sur la route, il rencontre une femme, Méry. Elle n’a plus que quelques mois à vivre et compte bien profiter du temps qui lui reste…

Un Bruit étrange et beau fait immédiatement penser à Une Histoire d’hommes publié en 2013 chez le même éditeur, WHAT A WONDERFUL WORLD 02 - C1C4 OK.inddavec le même style graphique, la même approche très humaine, presque intimiste. Zep sait faire rire, il sait aussi émouvoir et interroger, nous interroger, sur la vie et ce qu’on en fait. Un très bel album.

On quitte la fiction pour un autre genre,  plus proche du dessin de presse et des préoccupations socio-économico-culturo-politiques actuelles. Le ton est ici à l’humour mais pas toujours, en tout cas pas lorsqu’il s’agit d’évoquer le 13 novembre ou le sort des migrants. Alors que la ville d’Alep n’en finit pas d’agoniser, le deuxième volet de What a wonderful world! s’ouvre sur un court récit au scénario très noir confrontant le blondinet Titeuf à des tirs, à des explosions, à des bombardements, à la mort… 42 cases qui nous rappellent si besoin est que la guerre a frappé et peut encore frapper sur notre territoire, semant la mort et jetant des millions d’hommes, de femmes et d’enfants sur les routes de l’exil. Une page pour lutter contre « notre incroyable capacité au cynisme » , déclarait l’auteur en 2015 au moment de la publication de cette histoire sur le blog What a wonderful world! hébergé par lemonde.fr.

Il y a de la colère dans ce livre mais aussi beaucoup de dérision et d’autodérision, Zep évoquant en vrac le débarquement des Pokemon, l’école, la malédiction des auréoles sous les bras, la vie façon 2.0, la journée de la femme, la déchéance de la nationalité, le relookage des préservatifs, sa calvitie, pardon, sa légère perte de cheveux au sommet du crâne… Bref, un regard à la Zep sur un monde qui ne tourne pas toujours bien rond !

Eric Guillaud

Un Bruit étrange et beau, de Zep. Éditions Rue de Sèvres. 19€

What a wonderful world!, de Zep. Éditions Delcourt. 19,99€