07 Mar

Silence de Didier Comès – Casterman

Le silence qui suit … ou plus exactement Silence, l’un des albums majeurs de l’histoire du 9ème art, est paru en 1979 dans le magazine À suivre. Son auteur, Didier Comès, est décédé hier à l’age de 71 ans. Maître du noir et blanc, il travaillait ses plans comme un musicien; il est aussi le précurseur du roman graphique.

Didier Comès - Casterman

Didier Comès est né en pleine Seconde Guerre mondiale, en Belgique, d’un père allemand, réquisitionné sur le front russe, et d’une mère francophone. Dieter Herman, pas encore francisé en Didier, se définit lui-même comme étant un « bâtard de deux cultures », caractéristique dont on retrouvera la trace dans son imaginaire, source principale de ses inspirations : les maux de l’identité et de la bâtardise, le goût du fantastique et des légendes germaniques, les affres de la guerre.

Il grandit dans les Ardennes belges. Resté fidéle à cette région et ses forêts, où il vivait à l’écart du monde de la BD, il publiera plusieurs longs récits, dont La BeletteEvaL’Arbre-Cœur et Dix de Der (2006), qui prend pour cadre la Seconde Guerre mondiale.

Silence de Didier Comès - Casterman

«J’ai rarement rencontré quelqu’un d’aussi cohérent par rapport à son œuvre», a déclaré l’auteur belge de BD François Schuiten, cité par Casterman«Je reste toujours ébloui devant la beauté de ses planches, la façon dont il traduit le mystère des forêts qui l’entourent. Il travaille le végétal comme un orfèvre ou un artiste japonais», a-t-il ajouté.

Même s’il a relativement peu produit en 30 ans de carrière, son talent a été reconnu très tôt par l’Alfred du meilleur album au Festival d’Angoulême 1981 pour Silence, longue bande dessinée contemplative publiée en 1979 et qui reste son œuvre la plus connue. Il a su s’imposer comme l’un des plus grands auteurs, à l’instar d’Hugo Pratt et Jacques Tardi. En janvier dernier, le 40e Festival international d’Angoulême l’a célébré par une ovation debout lors de sa dernière apparition publique, à l’occasion d’une exposition rétrospective de son oeuvre.

Une minute de Silence s’impose …

et plus si vous avez le temps de lire ou relire son oeuvre …

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Pour aller plus loin, une interview dans le journal Le Soir et un article de BDzoom

A l’ombre du Silence, rétrospective Comès en 2012 à Liège

05 Mar

Douce pincée de lèvres en ce matin d’été, un très beau livre signé Laurent Bonneau chez Dargaud

Comme tous les matins, Max se lève, fait son lit, sort le chat et prend son petit déjeuner. Oui comme tous les matins. A la différence prêt que sa petite amie vient de le quitter. Max est maintenant seul face à son bol de café, même si elle est toujours présente, omniprésente, dans sa pensée. Un peu plus tard, Max enfourche son vélo, direction la salle de sport. Max est entraîneur de tennis de table et prépare ses ados à une compétition très importante quelque part en Chine. Pas le moment de flancher ! Il doit faire avec, faire le deuil de la petite amie et en même temps donner le meilleur de lui-même dans son travail. Et pour dépasser ce moment difficile, Max fait confiance aux philosophies orientales, notamment au Yi…

Voici un album qui porte bien son nom. Douce pincée de lèvres en ce matin d’été est le récit subtil, délicat, poétique d’une rupture amoureuse. Laurent Bonneau dont on a déjà pu mesurer le talent graphique dans le thriller Metropolitan, également paru chez Dargaud, met en place ici un style graphique très particulier, minimaliste mais sans homogénéité, un graphisme qui colle malgré tout à l’atmosphère intimiste du récit. Douce pincée de lèvres en ce matin d’été n’est pas une histoire d’amour qui finit mal mais plus surement une histoire de rupture qui finit bien. Un travail et un auteur singuliers à découvrir au plus vite ! EGuillaud

Douce pincée de lèvres en ce matin d’été, de Laurent Bonneau. Editions Dargaud. 16,45 euros

04 Mar

9 ans après « Le Processus », Marc-Antoine Mathieu publie « Le Décalage », une nouvelle aventure de Julius Corentin Acquefacques

Imaginer un récit sans héros n’est déjà pas chose aisée. Mais imaginer un récit sans héros et sans histoire, alors là… Enfin, quand je dis sans héros et sans histoire, c’est un peu exagéré. Simplement, notre bon Julius Corentin Acquefacques qui a encore rêvé trop fort se réveille et constate que l’histoire a démarré… sans lui. Les personnages secondaires font ce qu’ils peuvent pour assurer un fond d’action mais Julius ne peut intervenir dans le récit. Il y a comme un décalage, un glissement spatio-temporel. Tandis que certains évoquent une entourloupe existentialiste, d’autres se gargarisent de l’absence d’aventure : « Parler pour en rien dire ne nous avance à rien. Improvisons ! ». Et c’est parti pour une avancée dans le rien, dans l’infiniment rien, jusqu’au moment où les protagonistes parviennent à recaler l’histoire…

Si Marc-Antoine Mathieu n’existait pas, il faudrait de toute urgence l’inventer ! Chacun de ses albums est un régal d’expérimentations narratives, une exploration sans fin des possibilités offertes par le médium. Vingt-trois ans après L’Origine, le premier volet de cette série (souvenez-vous de la case en moins), et neuf ans après Le Processus, voici donc Le Décalage. Et ce sixième opus nous réserve bien des surprises à commencer par une couverture purement et simplement remplacée par une planche du récit, la septième pour être précis. Et ne croyez pas à une astuce de l’éditeur pour faire des économies sur le nombre de pages, bien au contraire. Le décalage est à la fois virtuel, dans le récit, et bien réel, sur l’album. Mais shut ! Comme toujours, Marc-Antoine Mathieu joue sur l’effet de surprise et nous n’allons pas gâcher votre plaisir en dévoilant plus que nécessaire. Le Décalage nous plonge corps et âme dans le fantastique et l’absurde, un univers qui ne cache pas ses références à l’oeuvre de Winsor McKay, de Francis Masse ou même d’un Raymond Devos ! EGuillaud

Le Décalage, Julius Corentin Acquefacques (tome 6), de Marc-Antoine Mathieu. Editions Delcourt. 14,30 euros