03 Nov

Eden Hôtel ou le jeunesse d’Ernesto Guevara selon Gabriel Ippoliti et Diego Agrimbau

Eden Hôtel n’est pas la première bande dessinée sur le Che. Il y a eu le fameux Che publié en 1968 et signé Hector Oesterheld, Alberto Breccia, Enrique Breccia, plus proche de nous, Le Che une icône révolutionnaire de Spain Rodriguez (Hors Collection) ou encore le livre d’Olivier Wozniak, Maryse et Jean-François Charles, Libertad Che Guevara (Casterman). Mais c’est peut-être la première fois que le mythique personnage se trouve plongé dans un récit qui relève à la fois de la réalité historique et de la fiction.

Le scénariste argentin Diego Agrimbau est parti d’un lieu et d’un contexte bien réels pour mettre en scène Ernesto Guevara Lynch père et fils. Le contexte, c’est la deuxième guerre mondiale, et le lieu, un hôtel de luxe en Argentine dont les propriétaires allemands ont affiché dès le début de la guerre leur soutien à Hitler, au point de transformer le site en un véritable bunker nazi. Autre fait bien réel, le père du futur Che apparaît comme un membre actif  d’Action Argentine, une organisation militante qui enquêtait sur les activités nazies en Amérique du Sud. Et c’est aux portes de l’hôtel que commence la fiction. Ernesto Guevara père et fils n’y ont jamais mis les pieds. « Ils se sont arrêtés devant le portail, ont regardé autour d’eux … », précise Diego Agrimbau dans une interview publiée en fin d’ouvrage, « et sont immédiatement repartis en direction d’Alta Gracia, où ils habitaient alors […] Jamais ils n’ont résidé à l’hôtel. Mais pour moi, c’est là qu’a commencé la fiction, ou plutôt l’uchronie… » Et d’imaginer le père du Che et le futur Che lui-même, alors enfant, infiltrés au coeur de la place forte ennemie avec pour tâche de déjouer les plans d’une éventuelle invasion de l’Amérique latine. Après La Bulle de Bertold et La Grande toile, Diego Agrimbau et le dessinateur Gabriel Ippoliti nous offrent un nouveau récit captivant, bien construit, toujours inscrit dans le plausible, avec un dessin réaliste précis et des couleurs particulièrement soignées. EGuillaud

Ernesto, Eden Hôtel (tome 1), de Gabriel Ippoliti et Diego Agrimbau. Editions Casterman. 13,50 euros

01 Nov

Il était une fois en France t6 de Fabien Nury et Sylvain Vallée – Glénat

Le Grand Paris de la BD n°5

Il était une fois en France (t6)

Attention cette saga est la série d’albums à lire sans plus attendre. Devenue culte, elle a reçu le prix de la meilleure série à Angoulême en 2011. Un succès d’édition avec 150 000 exemplaires vendus pour le 1er tome et un total de 500 000 pour les cinq premiers. Le 6ème et dernier vient tout juste de sortir.

L’essentiel de l’intrigue se déroule pendant la seconde Guerre mondiale. Elle est tirée d’une histoire vraie, celle de Joseph Joanovici, figure des plus controversées.

« Un homme au destin extraordinaire, une fresque humaine phénoménale. Au cours de la lecture de chacun des 6 tomes, il vous sera difficile de dire si c’est un héros ou un salaud, un Résistant (150 personnes sauvées) ou un Collabo (des milliards engrangés). Pendant la seconde Guerre mondiale, il a été les deux à la fois et pas qu’à moitié, avec une formidable capacité de rebond et un instinct de survie hors du commun. »

Joseph Joanovici - photo identité judiciaire

Ainsi s’exprime avec passion le scénariste Fabien Nury quand il répond à une question sur son personnage.

« Je ne pouvais pas m’empêcher de l’aimer à la fin du tome 6. A la fin du 4 je l’ai profondément détesté. Il a tué tant de monde et pourtant il obtient son certificat de bon Résistant. Je souhaitais sa chute. Comme son pire ennemi c’était lui-même, elle a fini par arriver. »

Son compère, le dessinateur Sylvain Vallée, insiste quant à lui sur « son souhait d’entretenir la dimension humaine du personnage, quoi qu’il ait fait ». « Je démarrais sur une fiction et au fil du dessin la réalité du personnage devenait palpable», confie-t-il. « J’ai un dessin semi caricatural, qui tend vers l’expressionisme. C’est plus intéressant de suggérer une émotion dans le regard du personnage que de l’écrire. Il y a beaucoup de choses qui viennent du ventre quand je dessine. C’est ma sensibilité. Mon imaginaire vient du cinéma. Depuis gosse, je suis dans la BD. Le cinéma c’est mon rêve.»

Les deux auteurs confirment que le titre de la série est bien sûr un hommage au cinéma de Sergio Leone et en particulier au film Il était une fois en Amérique pour la structure en flashback du scénario du 1er tome. Pour chacun des tomes suivants, ils avaient d’autres références cinématographiques en tête : Monsieur Klein (t.2), L’Armée des Ombres (t.3), Paris brûle-t-il ? (t.4) et Règlement de comptes (t.5). Pas de référence dans le dernier, la série est elle-même devenue une référence.

planche 3 - Sylvain Vallée - Glénat

Fabien Nury glisse avec malice : « Au départ, personne ne croyait que cela pourrait marcher. Nous faisions l’inverse de ce qui est conseillé habituellement pour un succès : une histoire simple, un personnage attachant et des rebondissements linéaires. Là nous démarrons avec des flashbacks, un anti-héros moche de sa personne, poursuivi par un autre type pas tellement plus sympathique. Et c’est devenu le plus grand succès de nos deux carrières. Croire en son histoire, c’est la clé. Faire confiance au regard des personnages, travailler les silences, les réactions des personnages. Le décor ne raconte pas une émotion, il donne une ambiance que nous avons en tête. La seconde Guerre mondiale, c’est notre mémoire collective, notre imaginaire. Cette période exerce toujours une fascination. Nous proposons un nouveau point de vue sur un paysage familier. Joseph Joanovici est le plus formidable vecteur pour raconter l’Occupation. »

« Qu’est-ce que moi j’aurais fait à ce moment-là? C’est la question que nous pouvons tous nous poser. Lui a choisi les deux de miser sur les deux tableaux : la Résistance et la Collaboration. », complète Sylvain Vallée.

Tous deux concluent sur une certitude : leur aventure commune est loin d’être terminée. Un film en cinémascope est en pourparlers. Un passage sur grand écran dont ils entendent rester maître. Et côté B.D, ils n’oublient pas que « contrairement aux Etats Unis ou d’autres pays, en France, notre héritage criminel est largement sous-estimé ». Il y aurait donc là « matière à de nouvelles histoires. »

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La BO à se mettre entre les oreilles pour prolonger le plaisir de cette BD : Il était une fois en Amérique d’Ennio Morricone

Pour en savoir plus : Editions Glénat et le site Il était une fois en France

Le blog de Sylvain Vallée

Le reportage de France 3 sur le Tome 4