23 Nov

Avec « Moi René Tardi prisonnier de guerre au Stalag IIB », Jacques Tardi adapte en BD les carnets de son propre père

Dire qu’un nouvel album de Jacques Tardi est un événement est un doux euphémisme. L’homme n’est plus à présenter. Encore moins l’auteur ! Et son oeuvre fait aujourd’hui référence à travers le monde. Outre Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec et ses diverses incursions dans le monde du polar avec notamment l’adaptation des romans de Léo Mallet, Jacques Tardi n’a cessé en 40 ans de création de se pencher sur l’histoire et notamment sur la Grande guerre avec des récits comme C’était la guerre des tranchées, Adieu Brindavoine, Putain de guerre! ou encore La véritable histoire du soldat inconnu. Plus qu’une obsession, c’est une volonté farouche et politique de montrer la boucherie, l’inhumanité de cette période de notre histoire.

Avec ce nouvel album, c’est la première fois que Jacques Tardi se penche sur la Deuxième guerre mondiale. C’est aussi la première fois qu’il parle aussi ouvertement de lui, de sa famille, de son histoire. Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB est effectivement l’adaptation en BD de notes rédigées par son propre père sur sa captivité entre 1940 et 1945 dans un camp de prisonniers situé au Nord de la Pologne, le Stalag IIB. Une période qui va fortement marquer ce père que Jacques Tardi décrit dans une interview accordée à Nicolas Finet comme « un type hargneux, amer, remonté », poursuivant « Il avait si mal vécu cette période de la guerre que cela avait rejailli sur toute son existence, jusqu’à sa disparition en 1986 ».

Et justement, l’histoire de cet album ne s’arrête pas à la libération du père. Elle se poursuivra, dans un deuxième volet, sur les années d’après guerre et donc sur l’enfance de Jacques Tardi. « En effet, ce n’est qu’un premier volume… », précise l’auteur, « Retracer l’histoire personnelle de mon père, c’est aussi pour moi l’occasion de revenir, au-delà de la période de la guerre, sur l’histoire de ma famille, qui est assez rocambolesque et compte pas mal de personnages étonnants ».

En attendant, ce premier volet au traitement graphique identique à celui de Putain de guerre! (trois images pas planche) nous plonge dans la guerre éclair de René Tardi, suivi de son arrestation par les Allemands, de son transfert en compagnie de quelques milliers d’autres prisonniers vers le stalag IIB. Et puis c’est la découverte du camp, du travail forcé, de la promiscuité, de la faim, des humiliations. Tout au long du récit, Jacques Tardi se représente aux côtés de ce père (alors qu’il n’était pas encore né) et entretient avec lui un dialogue, de toute évidence le dialogue qu’il n’a jamais pu avoir de son vivant.

Sur près de 200 pages, Jacques Tardi nous plonge dans le quotidien d’un soldat puis d’un prisonnier de guerre avec une force évocatrice proche du documentaire. Il faut dire que l’homme, qui se décrit comme « un extrémiste de l’exactitude » dans une récente interview accordée aux Inrocks, ne supporte pas l’imprécision.

Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB est un des albums majeurs de l’année 2012. EGuillaud

Moi René Tardi, prisonnier de guerre au Stalag IIB, de Jacques Tardi. Editions Casterman. 25 euros

En vente le 28 novembre