15 Oct

Le Jour du marché, de James Sturm. Editions Delcourt. 17,50 euros.

C’est jour de marché ! Et pour Mendleman, tisserand de son état, celà signifie quelques heures de marche avant d’arriver à la ville et de pouvoir proposer ses tapis au grossiste Finkler. Mais qu’importe, Mendleman aime l’ambiance du marché, l’abondance rassurante des produits, les enfants qui s’amusent, les négociations, les ragots, les diseurs de bonne aventure, les rencontres aussi. A peine arrivé, il tombe d’ailleurs sur quelques vieilles connaissances, le Rabbin Soyer en tête, suivi du menuisier Martin Rudikoff et de Yaakov Leff, qui fabrique des petits rouleaux de parchemin contenant des extraits de la Torah. D’ordinaire, Mendleman serait reparti du marché le coeur léger et les poches pleines. Mais cette fois-ci, ce serait plutôt le contraire ! Finkler a vendu son magasin à son beau-fils. Et ce beau-fils ne veut plus de tapis, même s’ils sont de qualité comme ceux de Mendleman. Les temps ont changé, la réalité du marché aussi. Que faire ? Notre tisserand va devoir trouver une solution pour nourrir sa famille…

Attention talent ! Après Black Star, La Véritable histoire de Satchel Paige, également paru aux éditions Delcourt, James sturm quitte l’univers du sport américain pour se plonger, nous plonger, dans celui d’une communauté juive en Europe de l’Est au début du XXe siècle. Le Jour du marché est un conte moral qui évoque les mutations du monde économique et les difficultés pour les populations. A la fois scénariste et dessinateur sur ce nouvel opus, James Sturm prouve qu’il est un auteur scandaleusement complet et talentueux. Le graphisme est épuré, méticuleux, la narration exigeante, les personnages attachants, les atmosphères délicates. Sans conteste, l’un des plus beaux albums de l’année ! E.G.

L’info en +

En 2011, les éditions Delcourt et la collection Outsider rééditeront la trilogie de James Sturm sur les Etats Unis. Son titre : America
 

14 Oct

Les Gens honnêtes (tome 2), de Durieux et Gibrat. Editions Dupuis. 14,50 euros.

Couv_114986Souvenez-vous du premier album ! Le jour de son anniversaire, Philippe Manche apprenait qu’il était viré de son boulot. Viré, comme ça, du jour au lendemain, après 27 ans de bons et loyaux services. Et puis, ce fut la dégringolade : alcool, divorce, endettement, saisie judiciaire… Un grand classique ! Mais dans son malheur, Philippe a pu bénéficier du soutien sans faille de certains amis et de ses enfants, notamment de sa fille qui lui a offert un merveilleux petit fils. Peu à peu, l’envie de se battre, de vivre tout simplement, est revenue. La chance aussi ! Bien que toujours porté sur la bouteille, Philippe va avoir une idée qui va changer sa vie. Une idée de génie : ouvrir un salon de coiffure dans un TGV. Et ça marche. Très fort même au point d’être invité à la télévision pour en parler… au point aussi de retrouver une seconde jeunesse !

Le titre du diptyque annonce la couleur. Les Gens honnêtes parle de gens comme vous et moi, de gens simples qui font comme ils peuvent face à la vie et à ses aléas. Et c’est un petit bonheur que de suivre le parcours du personnage principal, Philippe Manche, un Français moyen qui va sombrer totalement à l’annonce de son licenciement avant de finalement rebondir. Si le fond de l’histoire est dur, le ton général est particulièrement léger, sensible, humaniste et drôle. Les Gens honnêtes relève d’un savant mélange. On peut y retrouver un peu de Baru (L’Autoroute du soleil, Les années Spoutnik, L’Enragé…), un peu de Jean-Claude Denis aussi (Luc Leroi, Quelques mois à l’Amélie, Tous à Matha! …), beaucoup bien évidemment de Gibrat, auteur qui s’est fait remarquer avec La Parisienne (Dargaud), Mattéo (Futuropolis), Marée basse (Dargaud), Le Sursis ou encore Le Vol du corbeau (Dupuis) et beaucoup enfin de Durieux, dont on appréciera le trait joyeux, l’atmosphère générale chaleureuse. Une histoire qui se lit le sourire aux lèvres. Coup de coeur assuré !

Eric Guillaud

10 Oct

Kraa, La Vallée perdue, de Sokal. Editions Casterman. 18 euros.

Benoît Sokal ! Ce nom ne peut vous être inconnu Depuis plus de trente ans, l’homme anime les aventures du célèbre Canardo, un canard détective privé totalement cynique et désabusé qui parvient quand même à résoudre des énigmes plus ou moins tordues. Plus de trente ans d’aventures donc et au bout du compte (provisoire) dix-neuf albums pour cette série noire et anthropomorphique ! Mais Benoît Sokal a une autre corde à son arc. Une corde plus réaliste. Dès 1988, il écrit Sanguine, récit qui se déroule pendant la guerre de Trente ans. Puis ce sera Le Vieil homme qui n’écrivait plus (1996) avant de s’engager dans le jeu vidéo avec L’Amerzone, Syberia et Paradise qui connaîtront un prolongement en album. Aujourd’hui, l’auteur a souhaité revenir pleinement à la bande dessinée avec une grande aventure qui nous entraîne dans une vallée perdue quelque part dans le Grand nord, aux frontières du monde arctique. Une vallée perdue où vivent quand même quelques Indiens et des animaux sauvages. Et parmi ces derniers, un aigle, magistral, qui vient de quitter son nid prêt à découvrir la vie… et les hommes. Et notamment ces hommes cupides qui veulent construire un barrage et noyer la vallée pour exploiter les matières premières, or, diamant, pétrole ou gaz, qui regorgent dans la région. Un Eldorado pour certains, un enfer bientôt pour les autres ! A moins que Yuma, un jeune Indien, et Kraa, l’aigle, n’en décident autrement…

Dans cet album, Benoît Sokal nous conte une très belle histoire où, finalement, la nature serait plus forte que la cupidité des hommes, une histoire qu’on pourrait qualifier d’écologique ou plus exactement d’histoire au grand air. « Je ne suis pas du tout théoricien de l’écologie, mais j’ai la nostalgie des histoires de nature, de grands espaces. C’est un vrai goût chez moi. Il me faut de l’air ! Je ne suis pas certain qu’il s’agisse vraiment d’une sensibilité écologiste, car je trouve souvent les messages écolos un peu lourds et frelatés. Mon attrait pour la nature et l’aventure relève plutôt de la recherche d’un paradis originel, de la quête d’une part d’enfance ». Le trait réaliste est magnifique, le découpage efficace, les dialogues précis, les couleurs appropriées à ce décor qui peut évoquer l’Alaska ou la Colombie-Britannique… bref Kraa est un petit chef d’oeuvre de 96 pages à découvrir au plus vite. Une véritable bouffée d’air pur ! E.G.

07 Oct

Notre Mère la guerre (première et deuxième complainte), de Kris et Maël. Editions Futuropolis. 16 euros.

    

  

   

    

    

  

  

  

    

    

Les tranchées, la boue, les gaz, les combats sans pitié, les morts par milliers pour gagner quelques mètres seulement, l’odeur des cadavres, la pluie, le froid, les rats… la guerre est suffisamment horrible pour ne pas en rajouter. Pourtant, en janvier 1915, quelque part sur le front en Champagne, un meurtrier s’est glissé au milieu des soldats et tue des femmes. Trois femmes pour être exact dont les corps ont été à chaque fois retrouvés dans les tranchées, une lettre d’adieu sur elles, une lettre d’adieu signée par leur propre meurtrier. Saleté de guerre ! Et saleté de déséquilibré qui ose s’attaquer à l’ultime rempart de l’humanité, à celles qui continuent de donner la vie pendant que le monde s’acharne à répandre la mort ! Pour Roland Vialatte, lieutenant de gendarmerie chargé de mener l’enquête, l’affaire ne s’annonce franchement pas sous les meilleures auspices. Militaire sans être soldat, l’homme va tout d’abord devoir affronter la réalité des tranchées et des poilus…

Un drame humain au milieu d’une tragédie planétaire ! Voilà ce que nous racontent le scénariste Kris et le dessinateur Maël dans Notre Mère la guerre. Un récit qui aborde 14-18 sous un angle très singulier. « Quoi de plus humain que la guerre ? », s’interroge Kris, « En tant qu’auteur, la guerre en général m’intéresse,  non par fascination morbide ou esprit guerrier, mais parce qu’elle est malheureusement quelque chose qui définit l’homme, aussi bien que l’amour ou le rire… Ou l’utopie et la révolte. Et tout ce qui m’intéresse dans l’écriture, c’est pétrir de la pâte humaine et voir ce que je peux en ressortir ». Et ce qu’il en ressort, c’est une histoire très puissante, très prenante, où il s’interroge sur l’humanité de la guerre, bien sûr, mais aussi sur l’humanité des hommes. Contrairement à Tardi, l’auteur ne part pas du postulat que tous les poilus étaient les « victimes d’un système social et éducatif et surtout d’une oppression policière qui les a obligés à tenir durant quatre ans. […] C’est évidemment vrai, en partie. Néanmoins, je voulais aussi aller voir ailleurs : personne ne me fera croire que, dans de telles conditions, le vernis éducatif et social et/ou la peur du gendarme étaient suffisants pour tenir […] C’est donc qu’il y avait autre chose en eux, qu’il y a autre chose en nous qui nous rend capables de nous écharper comme des chiens enragés ». Par l’entremise du personnage principal, le lieutenant Vialatte, militant catholique, humaniste et progressiste, Kris et Maël - dont on appréciera le trait et les somptueuses ambiances en couleurs directes – plongent donc le lecteur dans l’horreur de cette première guerre des temps modernes en faisant craquer tous les vernis et en mettant à jour la réalité la plus dure, la moins acceptable. Un récit captivant prévu en trois albums ! E.G.

05 Oct

Le Temps des dinosaures, de David Lambert. Editions Gallimard jeunesse. 14 euros.

Ils vivaient sur notre bonne vieille Terre il y a des millions d’années. Ils étaient herbivores ou carnivores, minuscules ou gigantesques, pacifiques ou plutôt agressifs et tous ou presque ont disparu mystérieusement. Ils s’agit des dinosaures bien sûr, un nom qui signifie « lézard terrible », des petites bêbêtes qui font pourtant le bonheur des paléontologues depuis plusieurs siècles et des enfants depuis quelques dizaines d’années. Et le succès ne faiblit pas ! De livres documentaires en livres pop-up, de films à grand spectacle en dessins animés, les dinosaures sont les héros d’un monde lointain mais qui se dévoile peu à peu, au fil des découvertes.

Avec La réédition revue et corrigée du Temps des dinosaures, les éditions Gallimard jeunesse proposent aux enfants dès 9 ans mais aussi aux plus grands de tout savoir sur ces animaux disparus : les différents groupes, leurs caractéristiques, leurs défenses, leurs habitudes alimentaires, leur évolution mais aussi les recherches paléontologiques, les premières découvertes, le travail de reconstitution des dinosaures… L’ouvrage est clair et moderne, les illustrations, photographies et reconstitutions particulièrement nombreuses et de très grande qualité. Bref, un ouvrage indispensable qui fait le tour de la question. En bonus, un glossaire, une chronologie de la paléontologie, une classification des dinosaures, des liens internet et des adresses de musées. E.G.

04 Oct

Le Petit Chaperon rouge, Contes du temps d’avant Perrault, de Fdida et Lejonc. Editions Didier Jeunesse. 14 euros.

Que celui qui ne connaît pas Le Petit Chaperon rouge lève le doigt ! Personne ? Bon, d’ici, je l’avoue, je ne vois pas grand chose mais concrètement, le monde entier connaît ce conte, tout au moins dans la version devenue universelle de Charles Perrault, écrite au 17e siècle. Mais, à l’instar des autres contes populaires, Le Petit Chaperon rouge existait bien avant, depuis que le monde est monde ou presque, transmis de la bouche à l’oreille au fil des siècles. Et c’est justement le principe de cette collection Contes du temps d’avant Perrault que de revenir aux sources des contes populaires et d’en restituer leur saveur première. Beaucoup moins édulcorée donc, cette version du Petit Chaperon rouge met en scène une jeune fille plus téméraire, désireuse de quitter son foyer, de devenir femme, de découvrir l’art de la séduction… On est loin effectivement de la petite fille naïve, désobéissante et finalement punie de Perrault. Les textes de Jean-Jacques Fdida qui empruntent au vieux français se veulent très fidèles à la tradition orale. Quant aux illustrations de Régis Lejonc, elles accompagnent merveilleusement l’histoire laissant à chaque fois la place nécessaire à l’imagination. Un très beau livre et une collection essentielle pour tous ceux qui aiment les contes qui furent et demeurent, comme l’écrit en préface Bernadette Bricout, « une récréation, une école de vie, une morale, une mémoire, une sagesse ». E.G.

Les Animaux dans la neige, d’Emmanuel Polanco. Editions Gallimard jeunesse. 19,90 euros.

1 ours polaire, 2 zèbres, 3 pandas, 4 dalmatiens, 5 chats, 6 hermines, 7 manchots… Dans ce très beau livre grand format et tout carton, Emmanuel Polanco s’amuse à cache-cache avec des animaux au pelage en partie blanc, blanc comme la neige. Au point de disparaître presque totalement, ne laissant qu’une petite tâche noire dans la page, une petite tâche qui représente ici une patte, là une oreille ou plus loin un oeil, une moustache, un museau. Chaque page se laisse admirer, observer, détailler – le coup de pinceau de l’auteur est admirable – et l’enfant pris dans le jeu apprend les chiffres en dénombrant les animaux. Pour les plus de 4 ans ! E.G.

Le Labo (tome 1), de Duhoo. Editions Dupuis et Universcience. 11,50 euros.

La Station de Biologie Marine à Brest, l’Institut de Biologie Physico-Chimique à Paris, le Laboratoire de Paléobotanique, le Synchrotron, le Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France ou encore l’Observatoire Astronomique du Pic du Midi, les éditions Dupuis, Universcience et l’auteur Jean-Yves Duhoo nous ouvrent les portes, grâce à cet album, des plus grands laboratoires de France. Une rencontre exceptionnelle avec le monde des scientifiques et une approche très claire, pédagogique, ludique et non sans humour « des phénomènes scientifiques complexes qui, pourtant… », comme le souligne en préambule Claudie Haigneré, « sont au coeur de nos préoccupations les plus quotidiennes ».  Premier volet d’une série, Le Labo réunit 10 reportages en bande dessinée dans des laboratoires rarement ouverts au public. 10 reportages pour comprendre d’où on vient et vers quel monde on se dirige ! E.G.