07 Oct

Notre Mère la guerre (première et deuxième complainte), de Kris et Maël. Editions Futuropolis. 16 euros.

    

  

   

    

    

  

  

  

    

    

Les tranchées, la boue, les gaz, les combats sans pitié, les morts par milliers pour gagner quelques mètres seulement, l’odeur des cadavres, la pluie, le froid, les rats… la guerre est suffisamment horrible pour ne pas en rajouter. Pourtant, en janvier 1915, quelque part sur le front en Champagne, un meurtrier s’est glissé au milieu des soldats et tue des femmes. Trois femmes pour être exact dont les corps ont été à chaque fois retrouvés dans les tranchées, une lettre d’adieu sur elles, une lettre d’adieu signée par leur propre meurtrier. Saleté de guerre ! Et saleté de déséquilibré qui ose s’attaquer à l’ultime rempart de l’humanité, à celles qui continuent de donner la vie pendant que le monde s’acharne à répandre la mort ! Pour Roland Vialatte, lieutenant de gendarmerie chargé de mener l’enquête, l’affaire ne s’annonce franchement pas sous les meilleures auspices. Militaire sans être soldat, l’homme va tout d’abord devoir affronter la réalité des tranchées et des poilus…

Un drame humain au milieu d’une tragédie planétaire ! Voilà ce que nous racontent le scénariste Kris et le dessinateur Maël dans Notre Mère la guerre. Un récit qui aborde 14-18 sous un angle très singulier. « Quoi de plus humain que la guerre ? », s’interroge Kris, « En tant qu’auteur, la guerre en général m’intéresse,  non par fascination morbide ou esprit guerrier, mais parce qu’elle est malheureusement quelque chose qui définit l’homme, aussi bien que l’amour ou le rire… Ou l’utopie et la révolte. Et tout ce qui m’intéresse dans l’écriture, c’est pétrir de la pâte humaine et voir ce que je peux en ressortir ». Et ce qu’il en ressort, c’est une histoire très puissante, très prenante, où il s’interroge sur l’humanité de la guerre, bien sûr, mais aussi sur l’humanité des hommes. Contrairement à Tardi, l’auteur ne part pas du postulat que tous les poilus étaient les « victimes d’un système social et éducatif et surtout d’une oppression policière qui les a obligés à tenir durant quatre ans. […] C’est évidemment vrai, en partie. Néanmoins, je voulais aussi aller voir ailleurs : personne ne me fera croire que, dans de telles conditions, le vernis éducatif et social et/ou la peur du gendarme étaient suffisants pour tenir […] C’est donc qu’il y avait autre chose en eux, qu’il y a autre chose en nous qui nous rend capables de nous écharper comme des chiens enragés ». Par l’entremise du personnage principal, le lieutenant Vialatte, militant catholique, humaniste et progressiste, Kris et Maël - dont on appréciera le trait et les somptueuses ambiances en couleurs directes – plongent donc le lecteur dans l’horreur de cette première guerre des temps modernes en faisant craquer tous les vernis et en mettant à jour la réalité la plus dure, la moins acceptable. Un récit captivant prévu en trois albums ! E.G.