05 Juil

Sheol, de Dogado. Editions Delcourt. 14,95 euros.

Inquiétant ! Très inquiétant ! Sheol est un terme d’origine hébraïque intraduisible, désignant le séjour des morts, la tombe commune de l’humanité, sans vraiment pouvoir statuer s’il s’agit ou non d’un au-delà (source Wikipédia). Un monde entre deux, en somme, entre la vie et la mort. Un monde dans lequel errent certains êtres qui refusent de mourir. Voilà pour le décor de ce récit complet signé Dogado. Côté personnage, l’auteur coréen met en scène une jeune amnésique très mal en point qui va faire appel à Esse, un être doté du 3e oeil, le seul capable d’interférer dans ce fameux monde de Sheol… Publié dans la collection Mirages, ce récit de plus de cent pages est surtout remarquable par son graphisme, ses atmosphères, ses cadrages particulièrement travaillés et sombres. De quoi se faire peur avant de dormir ! E.G. 

Vacances, de Nicoby. Editions Drugstore. 15 euros.

Amélie !!! Aucun doute, cette jeune femme avec un enfant furtivement aperçue dans le métro parisien était bien Amélie… Mathieu ne l’a malheureusement pas reconnue à temps et elle a disparu, emportée par la foule. Avec elle, avec Marine, Greg et Franck aussi, ils avaient passé des vacances d’été au bord de la mer. C’était il y a quelques années maintenant. Ils étaient jeunes, ados, libres, insouciants… et avaient pour seules préoccupations de s’amuser, de se baigner, de bronzer et de draguer bien sûr. Souvenirs, souvenirs…

Auteur multicarte, Nicoby explore avec le même talent l’humour, l’aventure, l’intimiste et la chronique sociale. Avec ce one shot, intitulé Vacances, paru aux éditions Drugstore, il mélange un peu tous ces genres pour nous offrir un récit emprunt de légèreté et de nostalgie qui rappellera à chacun de nous quelques bons souvenirs. C’est aussi un récit qui parle du mal être, de la peur du regard des autres, du manque de confiance et même de la mort avec une fin pour le moins dramatique ! Une bonne histoire, des personnages attachants, un graphisme élégant, un album à découvrir… E.G.
 

04 Juil

La Colline empoisonnée, de Freddy Nadolny Poustochkine. Editions Futuropolis. 28 euros.

Deux lieux, deux univers, deux destins… et au final deux histoires qui ne sont pas si éloignées l’une de l’autre ! Sur près de 350 pages, l’Angoumoisin Freddy Nadolny Poustochkine nous offre un récit étonnant, partagé entre le Cambodge d’avant Pol Pot et la France des banlieues. D’un côté, l’auteur met en scène un jeune garçon cambodgien qui découvre, non sans quelques difficultés, la vie de moine bouddhiste, une vie faite de méditation, de jeûne, de mendicité, d’abnégation, d’amour… alors que les Khmers rouges s’emparent du pays et font couler le sang. Retour en France pour la seconde partie de l’histoire avec un autre jeune garçon, au quotidien beaucoup plus proche du nôtre, un jeune garçon qui tombe amoureux d’une certaine Aline, réfugiée cambodgienne… 

Pour l’auteur, l’idée de raconter la vie d’un moine novice dans le Cambodge d’avant Pol Pot est venue à la lecture de cette pensée d’un moine taoïste chinois : « La nuit dernière, j’ai rêvé que j’étais un homme et maintenant, je me demande : suis-je un papillon qui a rêvé qu’il était un homme, ou suis-je un homme qui rêve, pour le moment, qu’il est un papillon? ». « Ce fut… », explique Freddy Nadolny Poustochkine, « la genèse de ce livre. Le rapport étroit rêve/réalité, cette fine et fragile limite m’a toujours fasciné. Ensuite, au fur et à mesure de l’écriture et des recherches, à mesure que mon récit s’affinait, des souvenirs personnels sont venus à moi, et particulièrement un, comme un flash, qui a propulsé mon histoire en lui donnant un envol assez inattendu. C’est le souvenir d’une petite fille de mon âge, à l’époque de l’école primaire, une camarade de classe arrivée en cours d’année, d’un pays lointain et inconnu pour moi jusqu’alors, le Cambodge. Elle fut ma camarade de classe mais aussi ma voisine de palier, comme raconté dans l’histoire ». Construit autour de l’apprentissage de la vie confrontée à la dure réalité historique, La Colline empoisonnée est un récit singulier, tant dans le fond comme on l’a vu que dans la forme. Freddy Nadolny Poustochkine explore ici une forme narrative assez proche de celle employée par Ludovic Debeurme pour Lucille, album également paru aux éditions Futuropolis. Un traitement au lavis, des planches sans vignettes, deux à six illustrations par page, un récit assez long, un rythme lent, une approche contemplative… Mais ne vous y trompez pas, derrière l’apparente douceur du récit, c’est l’insouciance de l’enfance, mise à mal par la violence du monde, qui est ici illustrée ! E.G.