26 Avr

Faire le mur et Nietzsche, deux albums signés Maximilien Le Roy…

Maximilien Le Roy est un jeune auteur, un très jeune auteur. 23 ans… la vie devant lui et déjà beaucoup de choses à raconter. Certains d’entre-vous connaissent peut-être ses précédents travaux, relativement confidentiels il faut l’avouer puisque publiés par un petit éditeur, La Boîte à Bulles. Il y a d’abord eu Hosni (2009), portrait d’un SDF, puis l’album collectif Gaza, Décembre 2008 – Janvier 2009 (2009) et enfin Les Chemins de traverse (2010) qui porte aussi sur le conflit israélo-palestinien. Cette année, Maximilien Le Roy fait son entrée chez les grands éditeurs avec non pas un mais deux albums simultanément sortis : Faire le mur, chez Casterman, et Nietzsche, au Lombard…

Faire le mur est un album-témoignage né d’un voyage en Palestine et d’une rencontre avec un homme, Mahmoud Abu Srour, 22 ans, qui vit là-bas – ou survit plus exactement - en tenant une petite épicerie. C’est en 2008 dans le cadre des ateliers de dessins qu’anime le centre culturel du camp de réfugiés d’Aïda que Maximilien rencontre Mahmoud. Il le retrouve un an plus tard lors d’un second voyage. Entre les deux naît une solide amitié et donc cet album qui parle du sentiment d’enfermement des Palestiniens à travers une histoire d’amour. Dans les rôles principaux, le fameux Mahmoud, une jeune étudiante française, Audrey, venue constater de ses yeux la situation dans le pays, et le mur, ce mur de la honte, cette couleuvre de béton comme l’appelle Maximilien Le  Roy, qui défigure le pays, sépare les hommes, enferme les amoureux. Justement, Mahmoud aurait bien voulu emmener Audrey chez sa soeur pour lui montrer la vie quotidienne et la séduire. Mais il y a le mur et, sans autorisation, impossible de passer. Alors Mamhoud va prendre de gros risques pour le franchir… et surtout nous inviter à le suivre pour nous montrer le quotidien, nous expliquer le ressenti de tout un peuple, nous parler de la réalité, parfois absurde come ce mur construit par les Palestiniens eux-mêmes, parfois cruelle comme ce frère emprisonné depuis 7 ans, mais aussi de ses rêves… souvent impossibles : « Explorer l’inédit, les routes pleine de rêves, et prendre un amour comme on prend le large ! Ou vendre des conserves… » . Terrible ! Inscrite dans le genre documentaire, Faire le mur est une bande dessinée passionnante qui offre un regard singulier sur le confit israélo-palestinien. A sa lecture, on pense à des auteurs comme Joe Sacco (Gaza 1956…), Guy Delisle (Chroniques birmanes…) ou Emmanuel Guibert (Le Photographe…), qui comme Maximilien Le Roy ont ce souci du réel et du témoignage. Un entretien avec Alain Gresh, journaliste, spécialiste du Proche-Orient, et un reportage photographique signé Maxence Emery complètent cet album nécessaire !

Dans un genre différent, Nietzsche, paru au Lombard, est une aventure éditoriale rare, voire inédite, en bande dessinée. Maximilien Le Roy et Michel Onfray y retracent la vie du philosophe allemand sur plus de cent vingt pages en offrant aux lecteurs une véritable initiation à sa pensée révolutionnaire. Il s’agit en fait de l’adaptation en BD de L’Innocence du Devenir, un scénario initialement conçu pour le cinéma par l’écrivain-philosophe Michel Onfray qui souhaitait « montrer qu’une relation inédite entre la philosophie et le cinéma pouvait contribuer à créer des voies nouvelles pour cet art devenu le dernier des arts… ». Finalement, c’est un auteur de BD qui va le contacter et lui proposer de mettre en images son scénario. Maximilien Le Roy s’occupera de tout, du découpage, du dessin, des couleurs… « Cette  vie de Nietzsche correspondait parfaitement à ce que je voulais faire… », écrit Maximilien, « En même temps que je lisais le script d’une traite, j’ai beaucoup crayonné, voire même élaboré des story-boards détaillés, sans but particulier au départ. Au bout de deux jours, je me suis rendu compte que ça commençait à donner quelque chose de cohérent. J’ai envoyé ça à michel Onfray, via son site web. Le résultat lui a plu et il m’a répondu que ça rentrerait très bien dans le cadre d’un album dessiné ». Avec un graphisme assez classique, une approche réaliste et une touche romanesque apportée par le personnage lui-même, Maximilien Le Roy et Michel Onfray nous offrent un album singulier, loin des traditionnelles BD historiques, figées par le poids de l’histoire… ou parfois du pinceau ! E.G.

Dans le détail :

Faire le mur, de Maximilien Le Roy. Editions Casterman. 15 euros.

Nietzsche, de Maximilien Le Roy et Michel Onfray. Editions Le Lombard. 19 euros.

25 Avr

Tom et William, de Laurent Lefeuvre. Editions Le Lombard. 15,50 euros.

Septembre 2010, en France. Quelque chose a changé !  Ici comme ailleurs, partout, le monde semble s’être subitement vidé de ses habitants. Les rues, les maisons et les commerces sont déserts. Plus personne, nulle part, à l’exception de Tom, un petit garçon qui traîne son ennuie entre magasins de jouets et commerces d’alimentation. C’est là, d’ailleurs, qu’il finit par rencontrer un autre rescapé, William. Du haut de ses six ans, Tom n’a rien du super-héros, pourtant lui-aussi a un super-pouvoir, celui de rendre bien réels les héros de ses bandes dessinées préférées. Et pour se protéger des monstres et martiens de tout poil, qui habitent désormais la planète Terre, Tom peut compter sur des personnages courageux tels que le Sheriff Jim Colt, le Sergent Gachette, Cosmicman, le Chevalier Panache ou encore Günnar le Barbare… Mais que se passera-t-il quand ils ne seront plus là pour le défendre ?

Nouveau venu dans le monde de la bande dessinée, Laurent Lefeuvre signe à la fois le dessin et le scénario de cette aventure pensée comme un vibrant hommage aux héros de la BD populaire de la seconde moitié du XXè siècle (Akim, Blec le Roc ou encore Zembla). Une BD trop souvent déconsidérée qui a pourtant marqué plusieurs générations d’enfants : « On oublie un peu vite que des gens comme Pratt, Jacovitti, Breccia, Micchelluzzi, Bernet, mais aussi pas mal de Français comme Bergèse, Brantonne, Mitton, Tota ou Cézard viennent de ces publications-là », précise l’auteur, « C’était à l’époque un moyen de gagner sa croûte… et d’apprendre le métier ! ». Soucieux de plonger l’histoire et les personnages dans une « ambiance à la Strange », Laurent Lefeuvre ira jusqu’à dessiner dans un style assez proche des illustrateurs classiques de comics. Résultat, Tom et William est un album surprenant, alliant modernité et nostalgie, un album en tout cas qui devrait ravir les amateurs d’imaginaires fantastiques… E.G.

24 Avr

Enquêtes à travers le monde, Intégrale Tif et Tondu (tome 7), de Will et Tillieux. Editions Dupuis. 19 euros.

Stars incontestées des années  50/60, Tif et Tondu, le chauve et le chevelu, sont de retour avec ce septième volume de leur intégrale. L’album réunit trois récits, Sorti des abîmes, Tif et Tondu à New York et Le Scaphandre de la mort, trois récits signés par l’excellent Will pour le dessin et le non moins fameux Tillieux pour le scénario. En France mais aussi en Angleterre, en Polynésie ou en Amérique, nos héros vont à nouveau devoir déjouer de sombres complots et affronter d’ignobles méchants en compagnie cette fois d’une femme, la pulpeuse comtesse Amélie d’Yeu, dite Kiki, qui va introduire une petite « rivalité » entre nos deux compères. Pour le reste, la recette est toujours la même, chaque récit offrant un savant dosage d’aventure, de fantastique, d’intrigue et d’humour. A terme, cette intégrale qui comptera 12 volumes, couvrira plus de 60 années d’aventures et réunira les 45 albums existants ainsi que des épisodes inédits. Un grand classique à découvrir ou redécouvrir ! E.G.

Quelques belles petites histoires à savourer le soir…

Une comptine pour commencer. La célèbre comptine Quelle heure est-il, madame Persil ? revisitée ici par Nathalie Léger-Cresson et Isabelle Chatellard et publiée dans la charmante collection de livres souples au format poche Les P’tits Didier. « Quelle heure est-il madame Persil ? Quatre heures moins le quart madame Placard. Vous êtes sûre madame Chaussure ? Absolument madame Piment… »  et ça continue ainsi pendant des pages. Le ton est léger, drôle et entraînant. Les illustrations sont colorées et rigolottes. A chacun ensuite de rentrer dans la danse et de trouver de nouvelles rimes…

Thierry Dedieu est de retour ! Bien qu’en fait, il ne soit jamais vraiment parti et signe même plusieurs nouveautés par an, en boulémique de la création qu’il est. Cette fois, l’auteur nous offre une merveilleuse fable évocant la sagesse des hommes qui acceptent leur place dans le respect de la nature. Dans son château au bord de la mer, le Roi des sables reçoit son cousin, le Roi des bois. Celui-ci est émerveillé, émue même, par l’environnement et la vue dont il bénéficie. Malheureusement la mer ne va pas tarder à engloutir la forteresse. Et rien ne changera le cour des choses, pas même l’installation de brises-vagues ou le creusement d’un canal de dérivation. « La nature est au-dessus des hommes… », admet, fataliste, le Roi des sables… Dans le même esprit que La Princesse au petit pois, les illustrations de ce nouveau récit sont des montages photos. Une belle histoire pour rester humble face à mère nature !

Certes, le graphisme et l’histoire des Bêtes d’Ombre peuvent sembler de prime abord âpres, durs, inquiétants, menaçants même. Surtout pour des enfants ! Mais Anne Sibran et Stéphane blanquet, tous deux biens connus dans le monde de la bande dessinée, ont choisi d’aborder ici un thème particulièrement sombre et difficile, celui du génocide. Les Bêtes d’Ombre est en effet inspiré du drame rwandais qui, en 1994, avait fait plusieurs centaines de milliers de morts. Anne Sibran, particulièrement touchée par le sort des enfants pendant et après ce drame, qu’ils soient du côté des victimes ou de celui des bourreaux, a souhaité dans ces pages réfléchir et faire réfléchir autour de la barbarie, de la guerre, de la violence et de la parole, cette arme absolue qui peut, avec l’amour, dépasser tout le reste…  Un texte fort, un graphisme de caractère aux dégradés de gris… Les Bêtes d’Ombre est un ouvrage véritablement hors du commun. Pour les plus de 10 ans !

Un autre livre qui porte à la réflexion. Son titre : Les Chaussures. Son thème : l’exode, la guerre. Mais aussi l’espoir, l’espoir d’une renaissance. Gigi Bigot et Pépito Matéo, conteurs dans l’âme, accompagnés d’Isabelle Chatellard, illustratrice de grand talent, racontent dans cet album la destinée d’une enfant du point de vue d’une paire de chaussures, des chaussures qui « avaient été regardées, admirées et même choisies parmi toutes les autres dans la vitrine du marchand ». Elles s’étaient promenées, elles avaient dansé, sauté, joué, grimpé… jusqu’au jour où elles avaient dû « apprendre à marcher sur la pointe des pieds, puis raser les murs et enfin ne plus sortir du tout… ». Et puis, ce fût la fuite, terrible, brutale, la peur aux orteils, l’abandon dans la neige, la solitude, le silence… et finalement le chant d’un oiseau, l’espoir qui renaît… Ce récit en forme de métaphore nous fait bien évidemment penser à la Shoah, à l’exode et à la persécution vécues par des millions de gens. A ces tas de chaussures aussi entassées comme un trophée à l’entrée des camps. La mise en scène graphique, en totale adéquation avec le récit, développe avec subtilité et rafinement des ambiances tantôt tristes, jouant sur les couleurs froides, tantôt chaleureuses, colorées, joyeuses comme la vie qui continue. Les cadrages, les perspectives, les décors… pour le moins singuliers participent eux-aussi à la dramaturgie de l’histoire. Une oeuvre très émouvante ! E.G  

  

Dans le détail :

Quelle heure est-il madame Persil ?, de Nathalie Léger-Cresson et Isabelle Chatellard. Editions Didier jeunesse. 5,30 euros.

Le Roi des sables, de Thierry Dedieu. Editions Seuil jeunesse. 13,50 euros.

Les Bêtes d’Ombre, un conte sauvage, de Sibran et Blanquet. Editions Gallimard jeunesse. 17,50 euros.

Les Chaussures, de Gigi Bigot, Pépito Matéo et Isabelle Chatellard. Editions Didier jeunesse. 14 euros.

Casterman à fond pour Adèle Blanc-Sec…

Alors que vient de sortir en salles l’adaptation cinématographique des Aventures extra- ordinaires d’Adèle Blanc-Sec, un film signé Luc Besson, les éditions Casterman publient de leur côté deux ouvrages essentiels et indispensables pour tous les admirateurs de la série, d’une part le roman du film, une novélisation du scénario de Luc Besson réalisée par l’écrivain et scénariste de BD Benjamin Legrand, d’autre part Le livre d’Adèle qui nous propose sur une soixantaine de pages de découvrir la génèse de ces aventures mais aussi l’univers, le contexte historique, l’héroïne, les seconds rôles et parmi eux, justement, le plus important sans doute, la ville de Paris, le Paris de Tardi, comme il existe le Paris de Doisneau !  Au sommaire, un texte de Nicolas Finet accompagné d’entretiens avec Jacques Tardi et une iconographie particulièrement riche mélangeant dessins de l’auteur et photographies du tournage. Nées dans les années 70, il y a plus de trente ans donc, alors que la bande dessinée se découvrait enfin un public adulte, les aventures d’Adèle Blanc-Sec n’ont en rien perdu de leur charme, de leur atmosphère si particulière, mystérieuse, envoûtante, troublante, fantastique. Adèle est un mythe, un mythe aujourd’hui revisité par l’un des plus grands réalisateurs français. Inutile de résister ! E.G.

Dans le détail :

Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec, Le Roman du film, par Benjamin Legrand d’après l’oeuvre originale de Tardi. Editions Casterman. 12 euros.

Le livre d’Adèle, de Nicolas Finet, Jacques Tardi. Editions Casterman. 16 euros.

05 Avr

Artbook Monsieur Z. Editions Fluide Glacial. 19,80 euros.

Qui se cache derrière Monsieur Z ? Le gentil Zorro ? Ou le méchant Zorglub ? Que nenni ! Monsieur Z – tout court – est un illustrateur de talent qui oeuvre dans la publicité, la presse ou encore l’animation. Il est notamment responsable de séries télévisées telles que Ratz, Freefonix ou Jet Groove, du générique du film Mensonges et trahison, de dessins de couvertures pour l’éditeur Fleuve noir, de campagnes publicitaires pour Air France, BMW, Orangina… Bref, Monsieur Z est un peu partout et surtout, depuis le 17 mars, dans toutes les bonnes librairies avec cet artbook qui réunit ses multiples travaux. Son style graphique est une astucieuse combinaison de personnages à la plastique parfaite, de décors luxueux et ultramodernes, d’ambiances chics et glamour. Ca sent la jet-set à plein nez ! E.G.