21 Fév

Explicite, carnet de tournage : Olivier Milhaud et Clément C. Fabre nous entraînent dans les coulisses d’un film porno

IMG_1026Peut-on jouer dans un film pornographique sans avoir à se déshabiller ?

Apparemment oui, Olivier Milhaud l’a fait et nous le raconte dans Explicite, carnet de tournage. Il faut dire qu’Olivier Milhaud n’est pas un acteur porno. En fait, il n’est pas du tout acteur. Alors, comment s’est-il retrouvé sur le tournage de Mangez-moi me direz-vous ? Tout simplement par amitié pour le réalisateur de films X, John B. Root, qui lui a demandé de jouer le rôle d’un policier… en habit. Et pendant les longues périodes d’attente entre deux scènes, notre scénariste de bande dessinée jeunesse a pris des notes, peut-être fait quelques croquis, de ce qui se passait, ce qui se disait, dans les coulisses du tournage.

A l’arrivée, Explicite, carnet de tournage n’a rien d’un livre pornographique, bien au contraire. Olivier Milhaud et Clément C. Fabre, qui a mis l’histoire en images, nous racontent cette expérience peu ordinaire avec beaucoup d’humour et de pudeur. Pas de scènes hard ou même érotiques, donc, mais des dialogues pour le moins savoureux, des situations souvent cocasses, une galerie de personnages truculents, 120 pages qui constituent une espèce de prolongement du film de John B. Root. Le réalisateur écrit en préface à propos de son ami Olivier : « Il a fait son film dans les coulisses, avec le même casting que moi, mais en racontant une toute autre histoire, faite de moments de vie en groupe ».

Un récit absolument drôle, léger, soft et sans préjugés sur le petit monde du porno.

Eric Guillaud

Explicite, carnet de tournage, de Olivier Milhaud et Clément C. Fabre. Editions Delcourt. 16,95 €

© Delcourt / Milhaud & Fabre

© Delcourt / Milhaud & Fabre

17 Fév

Don Quichotte : Rob Davis adapte le classique de Cerventes

Don-QuichotteBDC’est l’un des personnages les plus célèbres de la littérature espagnole. Prononcer son nom suffit à nous remettre mille images en tête, à commencer par ce physique de grand chevalier sec vissé sur un cheval famélique, le bon Rossinante. Don Quichotte de la Manche est un peu le super-héros version 17e siècle, prêt à tout pour défendre l’opprimé en ce bas monde, y compris à se battre contre quelques géants qui ont l’apparence de moulins à vent. Mais ne lui dîtes surtout pas que les chevaliers n’existent plus, il pourrait le prendre très mal. On le dit un peu fada d’avoir justement trop lu de romans de chevalerie et autres récits épiques et fantasques, il y a certainement un peu de ça. Mais Don Quichotte, c’est un peu le grain de folie qui nous permet de supporter un monde de brutes épaisses… Et rien que pour ça on adoooore!

Une adaptation de plus ? Une très belle adaptation signée de l’auteur anglais Rob Davis peu connu de ce côté-ci de la Manche, auteur récemment d’un autre roman graphique, The Motherless Oven. Un très beau projet prévu en deux volumes.

Eric Guillaud

Don Quichotte, de Rob Davis. Editions Warum? 20 €

14 Fév

Les 40 ans d’Emmanuelle Teyras. What the Fuck!

40-ans---what-the-fuck---574149-250-40040 ans et alors ? Même pas mal… ou presque. Certes, la pétillante Emma va devoir se résoudre à enchaîner un frottis, une mammographie et une coloscopie, histoire de contrôler que tout va bien. Elle va aussi devoir expliquer à son médecin généraliste que la pilule, même divorcée, peut lui être utile. Elle va devoir continuer à gérer ses deux enfants, trois si l’on compte son ex qui a une mémoire d’endive au jambon. Elle va enfin devoir se débrouiller seule pour rembourser son crédit et lutter contre la petite déprime qui la guette aux entournures. Mais au fond d’elle-même, Emma sait qu’elle n’est pas encore tout a fait perdue pour l’amour. « I’m back, les gars » prévient-elle. Et elle fait effectivement un retour fracassant en tombant amoureuse de son kiné, un sacré beau gosse mais sacrément marié…

Rien d’absolument indispensable et d’exceptionnellement original mais l’album d’Emmanuelle Teyras parvient à sortir du lot des BD consacrées aux gentilles trentenaires et quarantenaires en mal d’amour avec un récit aussi pétillant et gentiment décalé que son héroïne. On ne s’ennuie pas un instant, on s’amuse, mieux on rit franchement de certaines situations cocasses. En attendant les 50 ans…

Eric Guillaud

40 ans! What the fuck!, de Emmanuelle Teyras. Editions Delcourt. 18,95 €

11 Fév

PDM (Paquet de merde), l’autobiographie d’un éditeur de BD

album-cover-large-25410PDM, Paquet de merde en développé, voilà un titre bien étrange, qui plus-est pour une bande dessinée présentée comme l’autobiographie du fondateur des éditions Paquet. Certes, il y a un jeu de mots à la clé mais au delà de ça, le titre ainsi que l’illustration de couverture, avec tous ces fantômes féminins de dos, semblent bien nous annoncer un récit douloureux.

Et il l’est. Du moins pour l’auteur, Pierre Paquet, qui se livre sans tabou, avec sincérité et une touche de naïveté sur près de 250 pages mises en images par un dessinateur jusqu’ici inconnu en France, Jesús Alonso.

250 pages pour raconter quoi ? Pour raconter un peu la maison d’édition Paquet, pour raconter surtout Pierre Paquet, l’homme, sa vie amicale, sentimentale, amoureuse, sexuelle. Si beaucoup d’amertume, de désillusions, de tristesse semblent s’accumuler au fil des pages, il y a aussi, comme un fil conducteur, beaucoup d’amour pour l’ami d’enfance David et pour le chien Fiston.

Au final, PDM est une autobiographie sans révélations fracassantes, juste l’histoire d’un homme comme les autres, tombé dans le monde de la bande dessinée un peu par hasard et désormais à la tête de la plus grande des petites maisons d’édition. « En entamant la rédaction de PDM… », confie-t-il au site Actua BD, « je me suis rendu compte que si je parlais des coups professionnels que j’avais reçus dans la gueule, alors ce livre ne serait plus qu’haine et règlement de compte. J’ai préféré le construire d’anecdotes qui mettent en lumière mes difficultés personnelles plutôt que ma vie professionnelle »

Eric Guillaud

PDM (Paquet de merde), de Pierre Paquet et Jesus Alonso. Editions Paquet. 19 €

09 Fév

100 Maisons : l’histoire d’une cité Castor racontée par Delphine Le Lay, Marion Boé et Alexis Horellou

100 MAISONS C1 ok.inddPas facile de se loger dans la France des années 50. La guerre est passée par là avec son cortège de bombardements et de destructions. A Quimper comme ailleurs, les familles s’entassent dans des appartements souvent exigus et sans commodité. A la fatalité, pourtant, un certain nombre d’entre-elles vont préférer se prendre par la main et s’associer autour d’un projet de cité HLM. Son nom : La Cité des Abeilles. 100 maisons à construire et à se répartir en fonction des compositions familiales. Pendant quatre ans, par tous les temps, les familles vont donner leur temps libre et leurs congés payés pour que naisse ce projet. Un défi en même temps qu’un véritable élan de solidarité qu’on retrouve à la même époque dans quantité de villes en France comme Bordeaux, Brest ou Nantes sous le nom générique de Cités Castors.

Après Plogoff, qui retraçait déjà le très bel élan de solidarité d’un peuple, uni en l’occurrence contre un projet de centrale nucléaire, Delphine Le Lay et Alexis Horellou signent une nouvelle BD documentaire passionnante. Particulièrement documenté, 100 Maisons a bénéficié au scénario des lumières de Marion Boé. La jeune femme a réalisé un film sur la cité où elle se rendait petite pour visiter ses grands-parents.

Eric Guillaud

100 Maisons, de Le Lay, Boé et Horellou. Editions Delcourt. 14,95 €

Delcourt / Le Lay, Boé et Horellou

Delcourt / Le Lay, Boé et Horellou

 

03 Fév

L’esprit à la dérive : Samuel Figuière raconte son père entre guerre d’Algérie et démence sénile

9782365350662Des tremblements, des pertes de mémoire, des sautes d’humeur… Mais ce n’est pourtant ni de la maladie de parkinson, ni d’alzheimer dont souffre René Figuière. On appelle ça la leucoaraïose, une maladie du système nerveux central, une banale démence sénile.

Lorsque le diagnostic tombe, il n’y a déjà plus rien à faire. La femme et le fils de René Figuière, Samuel qui est en l’occurrence l’auteur de cet album, comprennent qu’ils vont être les témoins impuissants d’une longue déchéance. Homme déjà réservé, René Figuière se renferme alors un peu plus sur lui-même. La peinture et la musique deviennent ses derniers refuges. Atour de lui, la vie continue tant bien que mal. Histoire de maintenir un lien avec son père, Samuel se lance dans l’adaptation en BD de ses carnets d’Algérie. On y découvre un homme qui avait eu le courage de dire non au port d’armes pendant son service militaire. Envoyé malgré tout en Algérie, il subit maintes humiliations et harcèlements de la part de ses chefs, jusqu’à passer en conseil de discipline.

Samuel Figuière, auteur par ailleurs de Chamans, La Maison à vapeur ou encore de Terre des ogres nous raconte l’histoire de son père et au delà l’histoire de leur relation père-fils avec beaucoup de tendresse et d’humanité. Il ne fait pas de son père un super-héros, juste un gars prêt à défendre ses convictions jusqu’au a bout. Et c’est déjà pas mal… Une belle histoire!

Eric Guillaud

L’Esprit à la dérive, de Samuel Figuière. Editions Warum?. 18€

01 Fév

Le palmarès 2015 du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême (FIBD)

arabe_c12-tt-width-300-height-430-bgcolor-FFFFFFLe Festival International de la Bande Dessinée s’est achevé ce dimanche sur la cérémonie officielle de remise des prix. Et les heureux élus sont :

Prix du Meilleur album : L’Arabe du futur de Riad Sattouf. Allary Editions

Prix du public Cultura : Les Vieux Fourneaux de Lupano et Cauuet. Editions Dargaud

Prix Spécial du Jury : Building Stories de Chris Ware

Prix de la série : Last Man, de Balak, Vivès et Sanlaville

Prix jeunesse : Les Royaumes du nord (volume 1), de Stéphane Melchior et Clément Oubrerie. Editions Gallimard

Prix Révélation : Yékini le roi des arènes, de Xavier et Lugrin. Editions FLBLB

Prix du patrimoine : San Mao, de Zhang Leping. Éditions Fei

Fauve Polar SNCF : Petites coupures à Shioguni, de Chavouet. Editions Philippe Picquier

Prix de la BD alternative : Dérive urbaine, collectif

D’autre part, un Grand Prix Spécial a été remis en début de festival à Charlie Hebdo, « pour que le souvenir du travail de tous les contributeurs de ce titre essentiel de la presse française reste dans les mémoires, en hommage aux dessinateurs assassinés et à leur nécessaire combat pour la liberté d’expression« .

Enfin, c’est le japonais Katsuhiro Otomo (Domu, Akira, Rêves d’enfant…) qui a été proclamé lauréat du Grand Prix du 42e Festival international de la bande dessinée, avec 38% des suffrages exprimés au second tour. Hermann, Alan Moore et donc Katsuhiro Otomo figuraient parmi les trois finalistes du premier tour du scrutin fin décembre, un vote ouvert à 3500 auteurs professionnels.

Plus d’infos ici

30 Jan

Les mains invisibles, un voyage au bout de l’enfer signé du Finlandais Ville Tietäväinen

9782203089198Fuir. Fuir la misère et l’humiliation, partir pour revenir au pays en héros, riche et couvert de gloire. Une quête du paradis ou, déjà, d’un meilleur vivre qui va jeter le jeune marocain Rachid sur la route de l’enfer.

Une route qui commence sur l’eau. Entassé dans une barquette qui n’arrivera pas à bon port. Rachid échappe de peu à la noyade, s’écroule de fatigue dans un bosquet pas loin de la plage, se fait ramasser par la Guardia Civil et emmené là où on a besoin de main d’oeuvre à pas cher. « Ici, vous n’avez pas de nom, ni de visage… que vos mains« , le prévient-on. Pas de nom, pas de maison non plus, une baraque sans eau, sans électricité, fait office de logement. Bienvenue en Espagne, plus précisément du côté d’Almería. Des serres à perte de vue, des clandestins par milliers qu’on laisse tranquille pourvu qu’ils soient rentables et discrets. De gentilles petites mains invisibles…

Publié initialement en Finlande où il a reçu le Prix Finlandia puis en Allemagne, où il a été nommé pour le prix Max und Moritz, ce récit de Ville Tietäväinen raconte la descente aux enfers d’un jeune homme prénommé Rachid mais qui aurait tout aussi bien pu s’appeler Mohamed, Youssef ou Fadil. Un jeune homme comme les autres qui rêve d’une vie meilleure et accepte pour ça l’inacceptable. Les Mains invisibles est un récit dense, âpre, hyper-réaliste qui a nécessité à l’auteur plus d’un an d’enquête en Espagne et au Maroc. Et au final, un témoignage bouleversant !

Eric Guillaud

Les Mains invisibles, de Ville Tietäväinen. Editions Casterman. 27 €

23 Jan

Comment devenir un mauvais père ? Guy Delisle vous donne des astuces

Couv_233401Obliger son fils à jouer aux jeux vidéo tous les soirs alors qu’il souhaiterait simplement lire un roman, voilà de quoi est capable Guy Delisle. Un mauvais père ? Pas tant que ça car à l’arrivée le fiston finit par détester les jeux vidéos. Ecoeuré ! Et c’était bien l’objectif recherché. Bon, personnellement, j’ai voulu tester la méthode sur mes deux filles, le résultat n’a pas été franchement concluant. Et je doute que ce soit différent dans la vraie vie de l’auteur.

Reste que les histoires de Guy Delisle réunies dans Le Guide du mauvais père, troisième volume, à défaut d’être vraiment utiles pour la bonne éducation de vos enfants, vous permettra de rire un bon coup. Et c’est finalement l’essentiel. Sur le ton de l’autodérision, l’auteur canadien, dont on peut régulièrement savourer les carnets de voyage (Shenzhen, Pyongyang, Chroniques de Jerusalem…) tente ici de se faire passer pour un mauvais père en tentant de faire pire que ses enfants question bêtises ou défis débiles. Une succession de courtes histoires jubilatoires qui font bigrement du bien en ces temps sacrément lourdingues.

Eric Guillaud

Le Guide du mauvais père, de Guy Delisle. Editions Delcourt. 9,95 €

© Delcourt / Delisle

© Delcourt / Delisle

22 Jan

Le Grand méchant renard de Benjamin Renner : même les poules en rigolent

tumblr_nibsw62HUm1rb1rgoo10_1280 Costaud comme une huitre, aussi charismatique qu’une limace séchée dans un pot de sel, aussi féroce qu’une tortue anémique à la retraite…

N’en jetez plus, la coupe est pleine. Non seulement, le grand méchant renard se fait balader par les poules mais il doit encore subir les moqueries du loup de la forêt voisine qui ne supporte plus cette mauvaise image donnée présentement des prédateurs. C’est vrai quoi. Où va-t-on si les renards ne font plus la loi dans les poulaillers et doivent se contenter de manger des navets ?

Mais le grand méchant renard a un plan : voler des oeufs, les couver, élever les poussins et les manger. Il fallait y penser. C’est tout bête…

A défaut d’être méchant, le renard de Benjamin Renner est divinement drôle. Comme les autres personnages qui traversent cette histoire sans cases, sans décors, sans bulles. Un one shot qui se lit d’une traite et vous laisse un sacré goût de rigolade dans le bec. Il faut dire que l’auteur a plus d’une plume à son arc même s’il signe ici sa première BD. Benjamin Renner est en effet l’un des co-réalisateurs du long-métrage « Ernest et Célestine », récompensé par de multiples récompenses dont le César du Meilleur film d’animation en 2013. Un grand méchant bonheur !

 Et si vous aussi rêvez de jouer les grands méchants renards, alors par ici la sortie.

Eric Guillaud

Le Grand méchant renard, de Benjamin Renner. Editions Delcourt. 16,95 €

© Delcourt / Renner

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