20 Jan

Martin Eden, une fantastique adaptation en BD du roman de Jack London signée Samama et Lapière

 

Martin_EdenSuffit-il de choisir un chef d’oeuvre de la littérature pour signer une adaptation en bande dessinée éblouissante ? La réponse est non bien sûr. Mais quand ça arrive, c’est comme un petit miracle.

Et justement, Martin Eden d’Aude Samama et Denis Lapière EST un petit miracle. De la première à la dernière vignette, les auteurs réussissent à nous captiver, je dirais même plus à nous impliquer tant l’adaptation scénaristique et graphique amène à une certaine proximité avec les personnages du récit et notamment Martin. Avec lui, on vibre d’amour pour la séduisante Ruth, avec lui on partage cette envie de changer de monde, quitter le costume d’aventurier pour celui de bourgeois gentilhomme avec suffisamment de vocabulaire et de grammaire pour briller dans la belle société, avec lui on est pris aux tripes à chaque courrier d’éditeur qui vient briser son rêve d’une carrière littéraire…

Les pages défilent sans qu’on s’en aperçoive, merveilleuses, une succession de tableaux qui forment le roman d’une vie, de la vie de Martin Eden, de Jack London aussi qui fournit ici son oeuvre la plus autobiographique et peut-être la plus brillante. On accompagne Martin Eden jusqu’au moment où il devient un auteur à succès. Des dollars comme s’il en pleuvait mais plus d’énergie, plus d’appétit pour la vie, quelqu’elle soit. En partance pour une île du Pacifique, Martin Eden décide de se laisser glisser dans la mer. Sept ans après la parution du roman, Jack London meurt à son tour. Certains évoquent un suicide.

Une adaptation d’une puissance exceptionnelle et en même temps d’une douceur incroyable. L’un des plus beaux albums de ce début d’année !

Eric Guillaud 

Martin Eden, d’Aude Samama et Denis Lapière, d’après le roman de Jack London. Editions Futuropolis. 24 €

@ Futuropolis / Samama & Lapière

@ Futuropolis / Samama & Lapière

18 Jan

Les éditions Warum- Vraoum fêtent leurs 11 ans en 11 rééditions : « Moi je » d’Aude Picault ouvre le bal

CouvMoiJeInExtenso-RectoOnze ans ! Ok, ce n’est pas un chiffre rond comme dix ou vingt, quinze à la limite, mais rien n’empêche les éditions Warum-Vraoum de les fêter si elles en ont envie et dignement par dessus le marché en rééditant onze titres phares de leur catalogue, un par mois sur toute l’année 2016. Les mauvaises langues diront que l’année comporte douze mois et qu’il faudrait donc douze albums pour couvrir l’année. C’est vrai, mais ce serait oublier les vacances de toute l’équipe. Un mois sur les îles Grenadines et hop ça fait onze !

Premier donc des onze albums à être réédités, Moi je d’Aude Picault, deux albums à l’origine, Moi je et Moi je et caetera, un beau bébé tout rose et bien joufflu à l’arrivée, 360 pages quand même, rose parce qu’il raconte la vie d’une jeune étudiante qui aime Paris, les knackis passés au grille-pain, les garçons qui racontent des aventures extraordinaires, les couettes pour s’emmitoufler, et qui déteste par dessus tout les strings, les cheveux électriques qui collent au visage, les lundis, les seins qui pendouillent quand on se penche, les expressions des filles qui se liment les ongles. Bref plein de choses extra importantes qui font de Moi je un album franchement drôle et sensible, moderne et parfois déjanté, totalement indispensable bien sûr. Un régal pour les filles et même pour les mecs. Testé et approuvé !

Eric Guillaud

Moi je, d’Aude Picault. Editions Warum?. 15 €

17 Jan

Relation Cheap : une relation virtuelle pour une BD bien réelle signée Elosterv et Davy Mourier

41eXw8M-zhL._SX362_BO1,204,203,200_Drôle de petit bouquin que celui-ci !

Drôle dès la couverture avec cette illustration représentant une puce informatique en forme de coeur. Drôle aussi avec cette conversation virtuelle, par ordinateurs interposés, entre Davy Mourier et Elosterv, les deux auteurs, une conservation mise en scène sur une petite centaine de pages et entrecoupée de quelques strips et courts récits, réalisés par l’un ou par l’autre.

Mais de quoi parlent-ils me direz-vous ? De quoi parle ce drôle de petit bouquin ? Des relations virtuelles, des relations à pas cher, qui n’engagent à rien et ne peuvent en aucun cas remplacer la vraie vie. Relation Cheap parle aussi d’amour, de sexe, des femmes fontaines, de la BD humoristique, du couple, de la psychanalyse, de la mort, de tout, de rien, avec légèreté et humour.

Et lorsque ces deux auteurs finissent pas se rencontrer pour de vrai dans un festival de BD, que peuvent-ils bien se raconter ? On vous laisse le découvrir…

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Eric Guillaud

Relation Cheap, de Mourier et Elosterv. Editions Delcourt. 15,50€

15 Jan

Le Grand A : une enquête de Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer au coeur de la grande distribution

818773COUVELEGRANDAWEBBienvenue à Hénin-Beaumont, commune du département du Pas-de-Calais, un peu plus de 26 000 habitants aujourd’hui, des taux de chômage et de bénéficiaires du RSA particulièrement élevés, un maire Front National depuis mars 2014 et un hypermarché qui a, en un peu plus de 40 ans, radicalement transformé la ville et la vie de ses habitants.

Le Grand A, A comme Auchan pour ne pas le citer. Depuis son installation en périphérie d’Hénin-Beaumont, à Noyelles-Godault exactement, le poumon économique s’est déplacé. Attirés par les lumières, les quantités astronomiques de denrées, le choix et parfois les prix compétitifs, les habitants en ont rapidement fait leur point de ralliement hebdomadaire. En voiture, à vélo, en bus ou même à pied, peu importe la façon, l’important est d’y aller.

D’y aller pour faire ses courses bien sûr, mais aussi pour rêver, travailler, flâner, jouer les stagiaires ou les apprentis voleurs. Une vraie ville, un autre monde, réorganisé autour de la consommation de masse. C’est tout ça et bien plus que nous font découvrir Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer dans cet album paru aux éditions Futuropolis. Un album qu’ils ont voulu le plus honnête possible, précise le dossier de presse, élaboré à partir des témoignages qu’ils ont pu réunir, clients, caissières, employés, agriculteurs ou encore fournisseurs, le tout semble-t-il sans contrôle de la direction.

Peu convaincu par les flash-backs incessants qui nous bringuebalent une bonne première partie de l’album entre les années actuelles, les années 1970 et quelques périodes bien plus reculées de notre histoire, Le Grand A devient plutôt intéressant lorsque, enfin, il nous raconte la vie de l’hyper côté rayons et côté réserves, côté scène et côté coulisses. Un théâtre de la vie moderne riche d’enseignement.

Eric Guillaud

Le Grand A, de Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer. Editions Futuropolis. 20€

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12 Jan

L’esprit du 11 janvier, Lehman et Gess décortiquent en BD l’après attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher

Serge Lehman

Serge Lehman

Que reste-t-il de l’esprit du 11 janvier? C’est la question qui agite les médias et les intellectuels depuis quasiment le lendemain de la fameuse mobilisation des Français à travers le pays. C’est aussi la question que se posent Serge Lehman et Gess dans cet essai en BD paru chez Delcourt.

Il a le format d’un roman mais celui-ci est graphique. « L’esprit du 11 janvier » a été écrit durant l’été 2015 par le scénariste Serge Lehman puis mis en images par le dessinateur nantais Gess. La dernière planche de l’ouvrage a été envoyée à l’éditeur le 12 novembre dernier. Le lendemain, le Bataclan, le Stade de France et les terrasses des 10e et 11e arrondissements étaient attaqués.

Que reste-t-il de l’esprit du 11 janvier, de cette unité du peuple français affichée à travers cette immense mobilisation ? C’est à cette question que tente de répondre Serge Lehman dans une réflexion qui prend une autre dimension avec les attentats du 13 novembre. « Les morts de novembre ne sont pas différents de ceux de janvier », peut-on lire en préface, « ils incarnaient une même idée de la société et c’est pourquoi ils ont été pris pour cible ».

La suite ici

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07 Jan

La BD en 2015 ? Un léger ralentissement selon le rapport Ratier.

1507-1Toujours aussi intéressant, le rapport Ratier 2015 est sorti. Du nom du secrétaire général de l’ACBD, Association des critiques et journalistes de bande dessinée, le rapport Ratier offre chaque année une photographie très précise de la production de bande dessinée dans l’espace francophone européen. Après un fléchissement en 2013, une nouvelle hausse en 2014, l’offre éditoriale enregistre en 2015 un léger ralentissement avec 5255 BD publiées, dont 3924 pures nouveautés. Soit une production en baisse de 2,9% par rapport à l’an passé.

« En cette période d’instabilité économique et politique… », explique Gilles Ratier, « où les assassinats des dessinateurs du journal Charlie Hebdo au début de l’année sont encore dans toutes les mémoires, les acteurs du 9e art cherchent à maintenir les positions durement acquises en matière de parts de marché. Ils ralentissent quelque peu leur rythme de production ou adaptent leur politique éditoriale, en misant sur les valeurs sûres ».

Et qui retrouve-t-on en tête des tirages ? Sans surprise, hors comics et mangas, les plus importants tirages de l’année sont enregistrés par le 36e tome d’Astérix de Conrad et Ferri  (2 250 000 ex.), le quatorzième tome de Titeuf (550 000 ex.), le vingtième tome du Chat de Geluck (310 000 ex.), le nouveau Corto Maltese de Pellejero et Diaz Canales (300 000 ex.), le 20e tome de Largo Winch (300 000 ex), L’Arabe du futur de Riad Sattouf (230 000 ex.)… Tyler Cross 2 du Nantais Brüno et de Nury atteint les 55 000 exemplaires, Les Equinoxes de Pedrosa 35 000 exemplaires.

Côté comics, comme l’an passé, Walking Dead rafle la mise remportant les trois premières places avec les tomes 22, 23 et 24. Pour les mangas, la série Naruto qui occupait en 2014 les quatre premières places s’incline devant One Piece 75, 73 et 74 avec plus de 160 000 exemplaires pour chaque tome.

Le rapport de Gilles Ratier recense 1399 auteurs européens de BD francophones en 2015, dont 173 femmes (12,4%).

Eric Guillaud

Quid de la BD numérique ? Quels sont les tirages des revues d’info BD ? Tous les chiffres, toutes les analyses de Gilles Ratier et de l’ACBD ici

06 Jan

Le Festival d’Angoulême « aime les femmes » et annonce qu’il va ajouter des noms d’auteures dans la liste des éligibles au titre du Grand Prix 2016

Face au tollé soulevé par la publication de la liste 100 % masculine des auteurs éligibles au Grand Prix 2016, le FIBD fait marche arrière et s’explique dans un long post publié sur son compte Facebook.

« Le Festival d’Angoulême aime les femmes… mais ne peut pas refaire l’histoire (de la bande dessinée)« , précisent les organisateurs. 

Accusé de sexisme, confronté à la fondre des auteurs éligibles au Grand Prix qui souhaitent voir retirer leur nom de la liste comme Sattouf ou Davodeau, le FIBD se défend et affirme que « si l’on veut juger de l’action du Festival par rapport aux auteures au regard du temps présent, c’est vers sa Sélection Officielle qu’il convient de se tourner (elle prend en compte les livres parus pendant l’année écoulée). Pour l’édition 2016 de l’événement, celle-ci fait apparaître des créatrices dans une proportion tout à fait significative (25% des livres alors que la représentation de celles-ci parmi l’ensemble des auteur.e.s est inférieure à 15%). »

Et de poursuivre en déclarant : « Même si le Festival déplore que sa relation aux auteures puisse être considérée, en la circonstance, par le prisme réducteur du Grand Prix, il comprend très bien qu’aujourd’hui des femmes et des hommes soient sensibles à cet enjeu de la présence des créatrices dans la bande dessinée. Il comprend également que la dimension symbolique qui s’attache à lui, en tant qu’événement phare, puisse être l’occasion, pour elles et eux, de faire entendre cette préoccupation et la défense de cette cause. Et si finalement, ce débat d’aujourd’hui permettait de la faire avancer concrètement et constituait un marqueur pour les années à venir, le Festival aurait apporté sa contribution. En conséquence, le Festival va, sans enlever aucun autre nom, introduire de nouveau des noms d’auteures dans la liste des sélectionnés au titre du Grand Prix 2016. »

Sage décision, reste maintenant à connaître les noms de ces auteures.

Eric Guillaud

Angoulême 2016 : pas une femme dans la liste des auteurs nommés pour le Grand Prix du festival de bande dessinée. Et pourtant !

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De Binet à Riad Sattouf, en passant par Blain, Bourgeon, Clowes, Christin, Davodeau, de Crécy, Hermann, Frank Miller, Joann Sfar, Jiro Taniguchi ou encore Jean Van Hamme, la liste des nommés au Grand Prix du festival d’Angoulême  2016 a le mérite de réunir quelques-uns des plus grands noms du Neuvième art, de couvrir à peu près tous les genres et tous les grands pays de la bande dessinée, une sélection, pourtant, qui oublie totalement les femmes.

Scandale, réactions indignées de certains nommés comme Riad Sattouf ou Joann Sfar qui annoncent sur leurs comptes Facebook se retirer de la compétition, explications embarrassées du côté de l’organisation du festival qui évoque la faible présence des femmes dans le milieu, montée au front du Collectif des Créatrices de Bande Dessinée contre le Sexisme qui rappelle sur son site « que depuis 43 ans, Florence Cestac est la seule femme à avoir reçu cette distinction », médias qui s’en mêlent et font monter la mayonnaise…

Bien entendu, je soutiens à mille pour cent la démarche de Riad. Aucun auteur ne peut souhaiter figurer sur une liste entièrement masculine. Cela enverrait un message désastreux à une profession qui de toutes parts se féminise. Bien entendu, je demande que mon nom soit retiré de la liste des nommés. Je suis certain que l’ensemble des auteurs nommés auront la même réaction (Joann Sfar)

Mais alors, où sont les femmes ?

Elles sont là, pareilles aux hommes, dans leurs ateliers, planchant sur leurs tables de travail, souvent seules, élaborant des scénarios, découpant, dessinant, coloriant… Elles ont pour noms Pénélope Bagieu, Flore Balthazar, Cati Baur, Julie Doucet, Annie Goetzinger, Véronique Grisseaux, Chantal Montellier, Anouck Ricard, Marjane Satrapi, Catel, Daphné Collignon, Leslie Plée, Marion Montaigne…

Alors bien sûr, toutes n’ont pas le profil nécessaire pour figurer aujourd’hui sur la liste, le Grand Prix couronnant un(e) auteur(e) pour l’ensemble de son oeuvre, mais tout de même…
Eric Guillaud

05 Jan

La Vraie vie de Cadène et Mardon, un album qui remet le virtuel à sa place

9782754812085Jean a la trentaine et une irrépressible attirance pour les mondes virtuels. Ses nuits, il les passe devant Twitter, Tumblr, Dailymotion, Facebook, Google, YouTube ou encore Weezer, jonglant entre les films pornographiques, les derniers jeux vidéos à la mode, les infos du monde, la musique et, surtout, surtout, les rencontres. Jean adore tchater avec de parfaits inconnus ou inconnues, notamment une certaine Timfusa du Wyoming.

Ses nuits sont courtes. Et ses journées souvent difficiles. Plus ou moins éveillé, plus ou moins en forme, Jean fait l’employé municipal quelque part en province. En cette période de fêtes de fin d’années, Jean monte et démonte le marché de Noël, installe et désinstalle les guirlandes des sapins. Une vraie vie certainement moins exaltante, fantasmagorique, que ce que lui propose sa vie virtuelle. Mais Jean sait encore faire la part des choses. D’ailleurs, il vient de rencontrer l’amour, le vrai. Il s’appelle Carine, la vie va leur sourir, un instant seulement…

Premier album de l’année 2016, premier coup de coeur ! Et ce n’est pas franchement une surprise, La Vraie vie réunit deux auteurs de grand talent, Thomas Cadène d’un côté, initiateur et scénariste de la bédénovella Les Autres gens chez Dupuis, Grégory Mardon de l’autre, notamment responsable de l’Extravagante comédie du quotidien parue en trois volets, toujours chez Dupuis. Avec une narration simple et efficace associée à un trait épais et dynamique, le récit de Cadène et Mardon raconte comment Internet à envahi le monde réel et bouleversé nos existences. Même si la mort a su garder le dernier mot.

Eric Guillaud

La Vraie vie, de Cadène et Mardon. Editions Futuropolis. 20€

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